La grande inconnue : après Red Bull, où va Adrian Newey ?
Adrian Newey, le directeur technique de Red Bull Racing et architecte du succès de l’équipe de Milton Keynes depuis 19 ans, est officiellement sur le marché. Où ira l’ingénieur star de 65 ans ? Au-delà des rumeurs, passons en revue ce que l’on sait.
"Depuis mon plus jeune âge, je voulais être un concepteur de
voitures rapides", explique Adrian Newey. "Mon rêve était
de devenir ingénieur en Formule 1, et j’ai eu la chance de réaliser
ce rêve. Pendant près de vingt ans, j’ai eu le grand honneur de
jouer un rôle clé dans la progression de Red Bull Racing, du statut
de rookie à celui d’équipe plusieurs fois titrée. Cependant, je
pense que le moment est venu de passer le relais à d’autres et de
chercher de nouveaux défis pour moi-même."
Voilà la
déclaration officielle qui signait le divorce entre Adrian Newey et Red
Bull. Mais pour faire quoi ? Sa recherche de "nouveaux
défis" ouvre, le concernant, d’infinies possibilités. Les
voitures conçues par Newey ont remporté 25 championnats du monde de
Formule 1 (13 pour les pilotes et 12 pour les constructeurs) au
cours des 32 dernières années, avec trois équipes différentes. Ce
succès n’est peut-être pas terminé mais, pour l’instant, on ne sait
pas exactement où Adrian va atterrir…
L’embarras du choix
Sa première priorité est d’avoir du temps libre et, à Miami, il
a parlé d’un road-trip en France avec une caravane (probablement
assez grande). Certains sont convaincus qu’il finira par accepter
de rejoindre Ferrari pour faire équipe avec Lewis Hamilton en 2026.
Newey n’a jamais travaillé avec Hamilton, car le directeur
technique a quitté McLaren en 2005 et le pilote britannique n’est
arrivé qu’en 2007, bien qu’ayant fait un bref passage dans une
McLaren fin 2004, alors qu’il courait encore en Formule 3.
Le nom de Newey a été associé à un certain nombre d’autres équipes,
mais on dit qu’aucun accord n’est prévu avec Mercedes ou Aston
Martin, même s’il y a eu des discussions avec McLaren et Williams,
en plus de Ferrari. Newey a travaillé chez Williams entre 1991 et
1996 et chez McLaren entre 1997 et 2005. Les deux équipes ont de
grandes ambitions.
Newey est, en outre, un ami du prince héritier du royaume de
Bahreïn, Salman ben Hamad Al Khalifa, qui contrôle désormais
McLaren. Adrian Newey pourrait également trouver divertissant de terminer sa
carrière en ramenant Williams au premier rang, dans cette
écurie où il a commencé à éblouir la F1, juste pour montrer qu’il
est le meilleur de tous.
De son côté, Red Bull n’a pas semblé choqué par la nouvelle. Les
relations entre Newey et l’équipe se sont altérées depuis
longtemps, bien avant le décès de Dietrich Mateschitz, en 2022, et
la récente affaire Christian Horner. Ce changement est intervenu en
partie au cours de l’été 2021, lorsque Newey s’est fracturé le
crâne, lors d’un accident de vélo alors qu’il était en vacances en
Croatie.
Cette blessure l’a mis hors service pendant plusieurs mois, au
moment où la Red Bull RB18 était en cours de conception. La voiture
a ensuite remporté le championnat du monde haut la main en 2022, et
Newey en a été largement crédité. Mais en réalité, la voiture avait
été en grande partie conçue par l’équipe technique dirigée par
Pierre Waché, avec l’ingénieur en chef Rob Marshall et l’ingénieur
en chef en aérodynamique Dan Fallows.
Ces deux derniers sont, depuis, partis respectivement chez McLaren
et Aston Martin, et de nombreuses rumeurs ont circulé au sujet de
Waché qui aurait reçu des offres d’équipes concurrentes. Depuis
2021, Newey s’est beaucoup impliqué dans le développement de
l’hypercar « civile » RB17, dévoilée lors du Festival of Speed de
Goodwood, tout en contribuant aux récents succès de l’écurie en
tant que conseiller auprès des concepteurs.
On pense que l’une des raisons pour lesquelles Newey a décidé de
partir est ce changement d’implication. L’ingénieur représente
toujours une valeur énorme en Formule 1, car il est capable de
définir des objectifs et d’exploiter les failles dans les
règlements techniques. Il possède une immense expérience mais ne
travaille plus à plein temps sur la F1, passant une grande partie
de son temps en Afrique du Sud.
En fait, Red Bull semble plus préoccupé par l’éventuelle perte de
Waché et d’Enrico Balbo, le responsable de l’aérodynamique de
l’équipe. Le personnel en charge de la conception chez Red Bull est
évidemment la cible de toutes les autres écuries. Le départ le plus
récent étant celui de Michael Broadhurst, l’aérodynamicien
principal de Red Bull depuis trois ans. Il rejoint Alpine pour
devenir le chef de l’aérodynamique de l’équipe d’Enstone.
Hasards ou coïncidences ?
Si Newey déclare ne rien avoir décidé encore, en tout cas, son
idée de tour du monde sur son nouveau yacht Oyster 885 de 27,4
mètres, d’une valeur de 6 millions de dollars, devra attendre… Le
bateau n’est pas encore prêt et Newey estime que ce projet prendra
au moins 18 mois.
Il a annoncé son intention de partir d’Antigua, puis d’aller vers
le sud jusqu’au Cap, de traverser l’océan Indien jusqu’en
Australie, puis l’océan Pacifique jusqu’au Panama, et de revenir à
Antigua par l’ouest, plutôt que de passer par le Cap Horn, à
l’extrémité de l’Amérique du Sud. Quitter Red Bull aujourd’hui
signifie qu’il sera libre de travailler pour une équipe rivale dans
12 mois – en vertu du droit du travail britannique – et qu’il
pourra ainsi participer à la conception de la voiture de 2026.
S’il s’était décidé plus tard, il se privait de la possibilité d’un
impact majeur sur la prochaine génération de Formule 1. Bien que
certains pensent que Ferrari est le choix évident, de
nombreuses questions se posent quant à savoir s’il veut vraiment
travailler dans l’ambiance de Maranello.
Newey n’est pas un homme qui aime être sans cesse épié et ses
moindres faits et gestes commentés et critiqués. Or, quand on
devient directeur technique de Ferrari, cela fait partie du jeu. On
peut construire différentes hypothèses argumentées, la plupart
assez crédibles, mais soumises au seul ressenti d’Adrian Newey
lui-même.
Il est peu probable qu’il prenne tout simplement sa retraite,
malgré son âge, car il compte suivre les conseils de personnalités
du monde de la course automobile, telles que Bernie Ecclestone et
Roger Penske, qui lui ont tous deux dit de garder son cerveau
actif. L’argent n’est pas vraiment un problème, car Newey en gagne
déjà beaucoup, depuis de nombreuses années, et peut s’offrir tous
les « jouets » qui accompagnent la fortune et le succès.
Cependant, l’aspect financier reste un critère de choix pour les
ingénieurs, et il pourrait se laisser tenter par le prix fort que
certains sont prêts à payer pour l’avoir. Autre paramètre, Newey
n’a jamais travaillé en dehors du monde anglophone. Il a passé
quelques années aux Etats-Unis dans sa jeunesse, mais il est très
britannique et n’a jamais été très emballé par l’idée de
s’installer en Italie.
Ferrari pourrait lui permettre de vivre ailleurs et de ne faire que
des visites à Maranello (ce qui n’est pas sans rappeler la
situation qu’il a connue chez Red Bull). Sa femme Amanda est
sud-africaine et il est resté une grande partie des mois d’hiver
près du Cap.
Il possède une somptueuse demeure sur un vaste domaine près
d’Ascot, en Angleterre, l’un des plus beaux endroits du pays, et
l’idée qu’il puisse apprécier de vivre dans un « simple »
appartement à Monte-Carlo est farfelue. Actuellement, sa maison se
trouve à moins de 15 km de l’usine McLaren...
Retrouvez notre analyse sur le devenir d'Adrian Newey dans le Sport Auto n°749.


