Rallye Jeunes : depuis 30 ans en quête des champions de demain
L’opération de détection de la FFSA qui a révélé Sébastien Loeb et Sébastien Ogier a fêté ses 30 ans en 2024. Elle poursuit sa quête des champions de demain et n’hésite pas, pour cela, à donner aussi leur chance aux gamers accros du virtuel. Vous avez moins de 26 ans et 20 € en poche ? Il est encore temps de le tenter !
17 titres de champion du monde ! Voilà un bilan qui claque et que de nombreux pays nous envient. Entre Sébastien Loeb et Sébastien Ogier, l’Opération Rallye Jeunes peut effectivement se targuer d’avoir eu la main heureuse.
Certes, les puristes rappelleront que Sébastien Loeb n’a pas remporté Rallye Jeunes, mais il reconnaît lui-même que ses prestations finales ont été un déclic déterminant pour la suite de son parcours.
Quant à Sébastien Ogier, il est clair et net : « Sans Rallye Jeunes, je pense que je n’aurais clairement pas eu de carrière ! Je suis d’un milieu relativement modeste. Je misais tout sur cette fameuse sélection et il est vrai que je suis infiniment reconnaissant de l’opportunité que m’ont offerte la FFSA et Rallye Jeunes. »
Avec des succès aussi retentissants, la Fédération française de sport automobile aurait pu relâcher ses efforts. A part en 2010, 2014 et 2015, elle a toujours maintenu son opération de détection malgré le désistement des constructeurs français aujourd’hui pallié par Yacco, le partenaire titre.
En tout, Rallye Jeunes a permis à 59 lauréats de faire leurs premiers pas en compétition. Treize d’entre eux sont devenus professionnels. Et, dans l’ombre des deux Sébastien, c’est vrai, certains d’entre eux ont d’ailleurs réalisé un parcours intéressant à l’instar de Nicolas Bernardi (lauréat en 1995), Alexandre Bengué (1998), Bryan Bouffier (1999), Quentin Gilbert (2009) ou encore Eric Camilli (2012).
D’ailleurs, les deux pilotes français actuellement les plus en vue sur la scène internationale ont eux aussi été lauréats de Rallye Jeunes. Si Adrien Fourmaux a délaissé les bancs de la fac de médecine pour le volant, c’est en effet grâce à – ou à cause de ! – Rallye Jeunes…
« Mon frère aîné Maxime a disputé la sélection Rallye Jeunes en 2012, rappelle le Nordiste. Il est même allé en finale et je me suis dit que je m’inscrirais à mon tour lorsque j’aurais le permis. Ce moment venu, j’étais en première année de médecine et j’en ai conclu que c’était plus raisonnable d’attendre l’année suivante. Malheureusement, l’opération a alors été suspendue pendant trois ans ! Je me suis donc inscrit en 2016 alors que j’étais en quatrième année de médecine. J’y suis allé la fleur au fusil, sans aucune préparation. Juste pour voir ce que ça pouvait donner. »
On connaît la suite, le jeune Adrien, alors âgé de 21 ans, remporte la finale et gagne un ticket pour une saison en championnat de France junior 2017 qu’il dispute avec son frère comme copilote, en parallèle de ses études. Enfin, ça, c’était le plan initial.
Très vite, il s’est rendu compte que poursuivre les études en même temps n’était pas réaliste. Il a par conséquent accordé au Rallye sa priorité. Un bon choix ! Il est aujourd’hui le pilier de l’équipe de Malcolm Wilson pour laquelle il a signé quatre podiums cette saison sur des terrains aussi variés que la Suède, le Kenya, la Pologne ou la Finlande !
Lauréat en 2013, Yohan Rossel est, lui, en lice pour le titre mondial en WRC2. A deux épreuves de la fin, il concède seulement 12 points à Oliver Solberg, le leader.
Il bénéficie du soutien de Citroën Racing, mais le retrait de la marque française du WRC et le peu de constructeurs engagés à ce niveau n’aident pas vraiment son accession en Rally1. Pour ses 30 ans, l’Opération Rallye Jeunes fait peau neuve sous l’impulsion du nouveau président de la FFSA.
Pierre Gosselin tient à remodeler la filière Rallye : « Nous avons l’intention de nous appuyer sur la structure de la FFSA Academy, qui a déjà fait ses preuves en circuit, pour développer la filière Rallye. L’Opération Rallye Jeunes constitue la première étape de cette nouvelle filière. J’espère que, pour les 30 ans de l’opération, l’édition 2024 attirera beaucoup de candidats. Si nous pouvions en réunir plus de 5 000, ce serait formidable. Par la suite, les lauréats seront encadrés et formés par la FFSA Academy, où ils bénéficieront des mêmes installations et de la même rigueur de travail que les pilotes de circuit. »
Dès cette année, toute l’opération de sélection a été pilotée directement par la FFSA Academy, sous la houlette de Christophe Lollier, son directeur, et de Sébastien Ménard, responsable pédagogique et coordinateur du pôle France. Comme d’habitude, plusieurs sessions sont programmées à travers l’Hexagone.
Le processus a commencé mi-octobre à Nancy, sous une météo clémente. Ces deux premières journées ont attiré pas moins de 850 candidats ! « Nous ne nous attendions pas à avoir autant de monde sur cette première sélection », se réjouit Christophe Lollier.
Il faut dire que les frais de participation sont pour le moins modiques (20 €), et les conditions sont assez ouvertes : il convient d’être de nationalité française et d’avoir moins de 26 ans et son permis de conduire.
Le verdict du chrono
Tous les candidats ont pu prendre le volant d’une Peugeot 208 pour démontrer leur dextérité sur un slalom tracé sur une surface dégagée, sous le verdict du chrono et en évitant soigneusement de toucher les quilles. Demandez à Sébastien Loeb, il vous le confirmera : c’est éliminatoire !
Pour franchir ce premier obstacle, il convient de réaliser un chrono qui ne soit pas à moins de 10 % du temps de référence établi par Sébastien Ménard, vingt ans de Rallye et sept victoires en Coupe de France des Slaloms. C’est lui qui supervise les opérations et met en confiance les candidats les plus stressés. Le parcours de second degré, plus corsé, emprunte un autre tracé que les candidats peuvent reconnaître à pied.
A l’issue de cette étape, les cinq candidats les plus rapides sont retenus, dont au moins trois qui ne sont pas déjà titulaires d’une licence FFSA. Ils participeront ensuite à la finale qui aura lieu à Nîmes le 8 décembre. Si certains n’ont encore jamais pris le volant d’une voiture de Rallye, d’autres viennent retenter leur chance à Rallye Jeunes après un premier essai infructueux.
C’est le cas notamment d’Antoine Jarraud, 21 ans, le plus rapide du premier jour de détection : « J’ai tout donné pour accéder à la finale, car l’année dernière, j’ai terminé troisième derrière les deux lauréats. »
Certains candidats font preuve d’une détermination moins extrême ; notamment Kévin Mauconduit, dont la philosophie sonne comme un touchant hommage au regretté Michel Blanc : « Fonce, oublie que tu n’as aucune chance. Sur un malentendu, ça peut marcher ! »
Une sélection féminine
A ces cinq candidats quotidiens s’ajoute une candidate. En effet, dans le cadre de son plan de féminisation du sport automobile, la FFSA a réinstitué un Volant Féminin. Mesdemoiselles, à vous de jouer !
Christophe Lollier nous en dit plus : « Après avoir engagé deux autos pour des équipages féminins en championnat ADAC Opel Electric Rally Cup l’an dernier et cette année, nous avons décidé d’établir ce nouveau dispositif qui vise à faciliter la pratique féminine du sport auto. »
Léna Boilletot, 20 ans, n’a pas manqué de saisir cette aubaine : « C’est mon père qui m’a fait la surprise de m’inscrire ! Il a couru en Rallye et je fais du Karting depuis que je suis petite. En revanche, je n’ai jamais piloté de voiture de course. C’est la première fois que je tire un frein à main. Au début, je me suis dit que je venais pour le plaisir, et puis dans la file d’attente pour enfiler mon casque, je me suis rendu compte que j’avais quand même bien envie d’aller en finale. J’ai commencé à avoir une petite boule au ventre. Le plus stressant a été le moment du feu vert… »
Cela n’a pas dû trop la perturber puisqu’elle a signé le meilleur chrono féminin ! « Je suis les traces de mon père et je sais que je le rends fier ! » Les candidats présents sur les slaloms peuvent également tenter leur chance sur un simulateur, et le plus rapide d’entre eux, à l’issue de chaque week‑end de sélection, gagne lui aussi un ticket pour la finale.
De quoi offrir une seconde chance appréciable en cas de quille renversée dans le slalom. Cette année, la FFSA innove. L’accès à la finale ne sera pas réservé aux seuls candidat(e)s sélectionné(e)s volant en main.
En effet, six adeptes des simulateurs d’eSport pourront eux aussi participer au dernier stade de la compétition sans avoir tourné la clé de contact. Pour la première fois, deux sélections sur simulateur ont en effet été programmées.
La première a eu lieu sur l’Anneau du Rhin, le 28 septembre, à l’occasion du show Red Bull Loeb Célébration fêtant les 50 ans du nonuple champion du monde. Au moment où vous lirez ces lignes, une seconde sélection sur simulateur aura commencé dans le cadre de la Paris Games Week, le Salon français du jeu vidéo organisé à la porte de Versailles.
Les candidats seront départagés par leurs performances sur Célébration, le jeu officiel du WRC. Cette passerelle vers l’eSport est loin d’être accessoire à une époque où la pratique du SimRacing – financièrement accessible – est désormais très populaire. Et le passage entre virtuel et réel peut réserver quelques surprises…
L’an dernier, par exemple, Quentin Vialatte, l’un des deux lauréats de Rallye Jeunes, était à la base un gamer ! « Il a démontré un vrai potentiel pour quelqu’un qui n’avait jamais roulé, affirme Christophe Lollier. Il faut juste l’aider à le canaliser. »
Ceci dit, les six lauréats sélectionnés en virtuel devront tout de même se soumettre à une séance d’évaluation et de tests pratiques avant d’être définitivement acceptés en finale. En tout, une soixantaine de candidats s’affronteront donc lors de la finale nationale, et seuls deux ou trois lauréats seront intégrés dans un programme fédéral composé de rallyes nationaux.
Ils bénéficieront par ailleurs d’un suivi pédagogique dans le cadre de la FFSA Academy. Une jolie dotation pour une mise de fonds de 20 €, non ? Et que ceux qui ne gagnent pas se rassurent : Sébastien Ogier a triomphé à sa deuxième tentative seulement alors que Sébastien Loeb n’a jamais remporté Rallye Jeunes !
Retrouvez notre reportage sur les 30 ans de Rallye Jeunes dans le Sport Auto n°754 du 25/10/2024.