Retour aux sources - Ruf 3.2 (G50, 1987) : forme familière, contenu précieux (+ images)
Reprendre le volant d’une 911 Carrera 3.2 G50 badgée Ruf, c’est un peu comme ouvrir une vieille caisse à outils et tomber sur une montre suisse à l’intérieur. La forme est familière, mais le contenu est précieux. Parfois, ça ne se joue pas à grand-chose...
Sur la carte grise, ce n’est pas Porsche mais Ruf Automobiles GmbH qui figure. Ce seul détail suffit à faire basculer la voiture du statut de « sportive classique » à celui de pièce d’orfèvrerie automobile. Une Carrera 3.2, certes, mais passée entre les mains de Pfaffenhausen, ce village bavarois devenu l’une des Mecque de l’automobile grâce à Alois Ruf.
Ruf 3.2 (G50, 1987) : visuellement, la différence ne saute pas aux yeux
Pas d’aileron gigantesque (bien qu’on ait ici le droit au beau
plateau d’une version turbo) ni de kit extravagant, mais une
posture transformée par de simples choix : le bouclier Ruf, plus
aéré, plus agressif, et surtout les jantes forgées maison en 17
pouces, chaussées à l’époque de Pirelli P700-Z, aujourd’hui
remplacés par des gommes modernes plus performantes.
Ces jantes sont bien plus qu’un accessoire esthétique. Forgées,
donc plus légères et plus rigides, elles réduisent les masses non
suspendues et affûtent le comportement. Une Carrera classique
montait en 16 pouces, avec des Fuchs emblématiques mais plus
souples.
Ici, la différence se joue dans le détail : direction plus précise,
freinage mieux secondé, roulis contenu. Est-ce l’œuvre de Ruf ou la
simple logique de l’évolution ? La frontière reste floue. Cette
teinte Espresso Braun métallisée, elle, achève de sublimer la ligne
intemporelle de la 911.
Marron profond aux reflets presque cuivrés, elle varie selon la
lumière, donnant à la voiture des airs tantôt sobres, tantôt
flamboyants. A l’intérieur, c’est une leçon de style. Cuir blanc
cassé sur les assises, brun clair sur les contre-portes et le
tableau de bord, mariage subtil qui rappelle les intérieurs des
grandes GT de l’époque.
On est loin de la froideur numérique et des écrans tactiles. Ici,
chaque odeur, chaque couture, chaque craquement de siège nous
ramène quarante ans en arrière. Là aussi, la présence des logos
Porsche un peu partout, comme
sur le volant, nous laisse à penser que les sorciers de Ruf ont
surtout pris le temps de refaire la déco pour cet exemplaire.
Ruf 3.2 (G50, 1987) : une mécanique bien rodée
Sous le capot arrière, le flat 6 de 3 164 cm3 , qui donne donc
l’appellation « 3.2 » à cette emblématique 911. Une mécanique à
longue durée de vie, refroidie par air et alimentée par une
injection Bosch Motronic, dont la précision électronique remplaçait
avantageusement les carburateurs ou mécaniques K-Jetronic du passé.
231 ch à 5 900 tr/mn, 28,9 mkg à 4 800 tr/mn.
La zone rouge ? 6 300 tr/mn. Pas un moteur de dragster, mais une
symphonie mécanique et seulement 1 210 kg à emmener. Le rapport
poids/puissance est modeste face aux standards actuels (5,2 kg/ch),
mais le caractère, lui, ne se dilue pas.
La boîte G50, entrée en scène en 1986, demeure probablement la
meilleure amélioration de cette génération de 911. Embrayage à
commande hydraulique, synchros renforcés, verrouillages fermes mais
précis. Les rapports sont longs, à l’allemande, mais idéalement
étagés pour exploiter le couple.
A une époque où Porsche restait souvent en avance sur les
transmissions, la G50 installe une modernité nouvelle. Si la 915,
avec ses verrouillages parfois flous, réclamait un doigté de
chirurgien, la G50 se manipule avec confiance, comme une arme bien
huilée.
Ruf 3.2 (G50, 1987) : une énigme mécanique
La route rappelle immédiatement pourquoi la 911 est une énigme
mécanique. Train avant léger, arrière lourd, l’auto entre en virage
tel un missile à tête chercheuse. On place le volant, on attend une
fraction de seconde, et soudain la voiture verrouille la
trajectoire. L’équilibre est particulier, exigeant, mais plutôt
efficace quand on le comprend.
En sortie de courbe, l’arrière pousse, motrice, relance. Les 231 ch
passent au sol par les seules roues arrière, et avec des pneus de
section bien plus étroite qu’aujourd’hui, l’adhérence est
restreinte si l’on va chercher les limites.
Conseil sur le mouillé : chaque accélération est une question de
dosage, un dialogue constant entre le pied droit et la physique.
Même sur une version non turbo. La suspension à barres de torsion –
solution maison Porsche depuis les origines – offre un compromis
étonnant.
MacPherson à l’avant, bras semi-tirés avec barres longitudinales à
l’arrière, pas de double triangulation sophistiquée, pas de
pilotage électronique. Juste de la cinématique pure et un équilibre
qui fonctionne.
Avec les jantes Ruf plus grandes et peut-être une géométrie
retravaillée, le ressenti semble plus précis, plus incisif qu’une
Carrera standard. Mais la vérité
reste difficile à cerner : Ruf avait-il raffermi les amortisseurs
?
Ajusté les barres antiroulis ? Ou s’agit-il d’une simple illusion
née du badge et des roues forgées ? Le doute persiste, et c’est
presque mieux ainsi.
Ruf 3.2 (G50, 1987) : communication établie
Le freinage mérite une mention spéciale. Disques ventilés de 282
mm à l’avant, 292 mm à l’arrière, étriers à quatre pistons. En
1987, c’était déjà une référence. La Carrera freinait fort,
longtemps, sans fléchir.
Avec les jantes 17 pouces, la ventilation gagne en efficacité et la
pédale offre un mordant remarquable. Pas d’assistance envahissante,
pas de répartiteur électronique : ici, c’est le pied droit qui dose
et le cerveau qui anticipe.
Une discipline oubliée en 2025 mais terriblement formatrice. Et
puis il y a ce moteur. Sa montée en régime, linéaire mais habitée.
Ses vibrations, filtrées juste ce qu’il faut. Son bruit, mélange de
mécanique métallique et de souffle d’air.
Pas d’échappement actif, pas de clapets artificiels : la bande-son
est brute, sans remix. Le 3,2 litres n’est pas le flat 6 le plus
rageur, mais il est sans doute l’un des plus équilibrés.
Suffisamment coupleux pour cruiser, suffisamment joueur pour
grimper dans les tours.
Et toujours cette sensation d’avoir une turbine qui ronronne
derrière soi, prête à dégainer si on le lui demande. En 2025,
l’expérience est déstabilisante. Pas de direction assistée. Pas
d’aides électroniques. Pas de « mode Sport ». Le conducteur est
seul avec la voiture. Chaque virage est une équation ; chaque
freinage, un engagement.
Et c’est précisément ce qui fait que cette Carrera 3.2 Ruf est si
irrésistible. Elle n’impressionne pas par ses chiffres mais par sa
façon de rendre chaque kilomètre intense. Finalement, c’est
peut-être là le vrai luxe : une 911 Carrera G50 qui n’a pas besoin
de 500 ch pour captiver, qui se contente d’une teinte Espresso
Braun métallisée, d’un cuir blanc cassé, d’un badge Ruf et d’un
flat 6 de 231 ch pour écrire une partition intemporelle.
Une voiture rare, subtile, dont on ne sait pas tout. A-t-elle été
techniquement modifiée ? Peut-être. Mais le doute fait partie de
son charme. Et si cette Carrera 3.2 Ruf nous apprend une chose,
c’est que l’incertitude, en automobile, peut être encore plus
excitante que la certitude.
Ruf 3.2 (G50, 1987) : sa fiche technique
- Années de production : 1984-1989
- Exemplaires produits : NC
- Moteur : flat 6, injection, 12 S
- Cylindrée : 3 164 cm3
- Puissance maxi : 231 ch à 5 900 tr/mn
- Couple maxi : 28,9 mkg à 4 800 tr/mn
- Transmission : roues AR, 5 rapports manuels
- Suspension AV/AR : MacPherson/multibras, barres de torsion
- Poids : 1 210 kg
- Rapport poids/puissance : 5,2 kg/ch
- L - l - h : 4 291 - 1 652 - 1 320 mm
- Empattement : 2 272 mm
- Freins AV & AR : disques ventilés (282/292 mm)
- Pneus AV & AR : 205/55 & 225/50 R 17
- Réservoir : 77 l
- Prix à l’époque : NC
- Cote actuelle : environ 130 000 €
- V. max. : 240 km/h
- 0 à 100 km/h : 6”3
- 1 000 m D.A. : 26”3
Retrouvez notre article "Retour aux sources" sur la Ruf 3.2 (G50, 1987) dans le Sport Auto n°765 du 26/09/2025.


