Retour aux sources - Alfa Romeo GTV 2.0 V6 TB (1997) : le souffle coupé !
Au milieu des années 90, le coupé Alfa Romeo GTV est peut-être une traction, mais il conserve le fameux V6 Busso dans ses versions haut de gamme. Moins recherchée, sa déclinaison 2.0 Turbo mérite amplement le détour.
La clé empruntée à n’importe quelle autre Fiat du milieu des
années 90 ne fait pas rêver, mais sa première rotation dans le
Neiman rassure. Le réveil des deux bancs de 3 cylindres espacés par
un angle de 60° réchauffe autant l’atmosphère qu’il pose une
question existentielle.
Que serait une Alfa sans V6 ? A priori pas grand‑chose tant cette
architecture moteur fait partie intégrante de l’histoire
contemporaine de la firme du biscione. A l’heure d’agrémenter les 6
cylindres, Porsche les aime à plat, BMW les apprécie en ligne,
alors qu’Alfa Romeo les préfère en V. La
capacité du bloc italien à marquer les esprits entretient sa
légende.
Sa souplesse exemplaire, sa sonorité divine et ses montées en
régime poétiques alimentent les souvenirs de ceux qui ont goûté à
ses saveurs raffinées. Je soupçonne même bon nombre d’entre eux
d’avoir au moins une fois atteint par mégarde le limiteur, piégés
par son caractère aérien et son appétence à aller chercher la zone
rouge !
Ces moments de plaisirs mécaniques sont d’abord dus à un homme :
Giuseppe Busso. Alors en toute fin de carrière, cet ingénieur
motoriste de génie travaille sur ce fameux V6 dès le milieu des
années 70. Ce bloc ravit tout autant par sa longévité réjouissante.
Il entame son existence en 1979, sous le capot de l’anonyme berline
Alfa 6, flanqué d’une batterie de six carburateurs Dell’Orto, et
évolue constamment pour chanter jusqu’en 2005.
Pour l’anecdote, son père spirituel décède quelques mois seulement
après la fin de production de son chef‑d’œuvre dans les usines
d’Arese. Un signe qui montre combien ces deux destins sont
intimement liés.
Un V6 2 litres turbo fait pour l’Italie
Derrière la petite parenthèse historique qu’elle mérite, cette
pièce d’orfèvrerie permet aussi de faire passer une pilule bien
difficile à avaler pour les alfistes. Depuis l’arrivée de Fiat aux
commandes en 1986, les créations de la firme milanaise privilégient
le pragmatisme au romantisme.
Comprenez par là qu’elles exploitent les synergies techniques du
groupe en mutualisant un maximum de pièces. Le magnifique coupé GTV sorti en 1994
n’échappe pas à la règle et cache sous sa carrosserie une base
dérivée de la populaire Fiat Tipo. La prestigieuse architecture
propulsion du précédent GTV (1974-1987) laisse place à des roues
avant motrices.
Il ne reste plus aux ingénieurs Alfa qu’à faire du mieux possible
avec un exercice imposé. La présence du fameux six pattes Busso sur
les versions haut de gamme constitue tout de même une belle
consolation. Surtout que le plaisir continue, une fois le capot
ouvert.
Ce mythique V6 enchante non seulement les sens, mais aussi les
rétines en exhibant ses superbes pipes d’admission chromées. Notre
GTV V6 TB a droit à un 2.0 turbo, disponible dès le lancement.
Cette déclinaison, initialement créée pour un marché italien
fiscalement clément avec les moteurs de moins de 2 litres, excite
d’autant plus la curiosité qu’elle est désormais pratiquement
tombée dans l’oubli.
Disparu en 2000, ce petit bloc dopé a subi la concurrence de ses
dérivés multisoupapes à la cylindrée supérieure, qui l’ont remplacé
progressivement dans le cœur des alfistes et sous la baie moteur du
GTV. Un simple regard sur les formes de notre monture du jour
rappelle l’âge d’or de ces coupés sportifs, relativement
abordables. Entre 1994 et 2004, ce modèle ferraille alors avec son
cousin Fiat Coupé, les BMW Z3 Coupé et consorts.
Plus court qu’une compacte actuelle avec 4,28 m de long, il
apparaît particulièrement ramassé aujourd’hui. Un vrai bouledogue
qui conserve tout de même cette pincée d’élégance italienne qui le
rend plus fréquentable !
Fréquentable, certes, mais pas habitable, car en récupérant les
longerons de la version Spider, il réduit le bien-être de ses
passagers arrière à la portion congrue, à moins de ne pas dépasser
1,20 m !
Les occupants avant sont mieux traités, même si la position de
conduite reste un peu haute et moins naturelle qu’à bord des BMW
concurrentes de l’époque. Elle rappelle, dans son ergonomie parfois
confuse, cette fantaisie dont seules les italiennes ont le
secret.
L’ouverture de la trappe à essence sur le tableau de bord ou encore
la commande électrique des rétroviseurs extérieurs entre le
conducteur et son passager ne sont pas courantes, mais on s’y
habitue vite. La sellerie cuir ne manque pas d’allure et la
présentation fait tout son possible pour mettre dans l’ambiance
sportive.
Les deux gros blocs d’instrumentation indiquent que cette GTV est
une Alfa. Le réveil du V6 confirme que c’en est bel et bien une
vraie ! Sa cylindrée réduite ne l’empêche pas de conserver
l’incroyable souplesse qui confère tout son charme à cette
mécanique. Il accepte de repartir dès le régime de ralenti sans
plainte et permet d’économiser des passages de rapport.
Une vertu appréciable car la commande de boîte un rien
caoutchouteuse et flanquée de longs débattements accroche parfois,
au moment de rentrer la deuxième. La présence d’à-coups à très
basse vitesse constitue le principal défaut en utilisation
urbaine.
Ce désagrément, partagé avec certaines BMW concurrentes, tient
davantage à un embrayage caractériel et aux contraintes de
dépollution de l’époque qui imposent une inertie de l’accélérateur
qu’au moteur proprement dit. Il exige donc de faire preuve d’une
grande douceur en ce qui concerne le pédalier, pour rendre la
conduite un peu plus fluide.
De la souplesse et de l’entrain
La direction directe au ressenti franc et l’amortissement un peu
sec pimentent également le trajet à la boulangerie. La voix de
baryton de notre V6 TB régale les oreilles même à un train de
sénateur. Les relances ne sont pas aussi toniques que celles de ses
successeurs multi-soupapes qui profitent de leur cylindrée
généreuse pour offrir plus de coffre.
Pour autant, cette vigueur inférieure n’engendre aucune désagréable
impression de creux dans la première partie du compte-tours. Il
possède l’onctuosité qui fait tout le charme du V6 Busso. En
accélérant franchement, le sifflement du turbo s’entend davantage
et son effet est marqué vers 3 000 tr/mn.
Ses deux soupapes par cylindre et son assistance respiratoire ne
l’empêchent pas de grimper jusqu’à 6 500 tr/mn. Bien évidemment, le
coup de boost fourni par la suralimentation s’avère autrement moins
présent que sur les modèles actuels.
En outre, ses montées en régime ne sont pas aussi rapides ni aussi
aériennes que celles des 3.0 et 3.2 24 V, et c’est parfaitement
logique. Il conserve toutefois un bel entrain à l’abord de la zone
rouge et chante particulièrement bien pour une mécanique dopée. Le
souffle du turbo à pleine charge ne recouvre qu’une petite partie
de sa voix.
Le punch supplémentaire à mi-régime y ajoute une légère dose de
brutalité qui le rend délicieusement attachant. Son seul vrai
défaut tient dans sa moindre réactivité à l’accélérateur face à un
gros atmosphérique ou à un turbo actuel. Ce travers oblige à
patienter une fraction de seconde avant de profiter de tout son
potentiel.
De plus, la commande de boîte à 5 rapports contraint à décomposer
soigneusement son geste au poignet, sous peine de refuser
l’obstacle. Il y a presque trente ans, l’architecture traction ne
faisait pas spécialement bon ménage avec la brusquerie naturelle
des mécaniques suralimentées. Contre toute attente, notre coupé
s’en tire plutôt bien.
Pas de réactions caricaturales dans le volant ni de fumées
suspectes lors d’une remise des gaz un tant soit peu généreuse : la
motricité apparaît tout à fait correcte par rapport à ce que l’on
est en droit d’en attendre. Particulièrement directe pour l’époque,
avec à peine plus de deux tours de volant, la direction ne s’allège
que dans des proportions raisonnables sous l’effort.
Elle offre assez de ressenti pour pouvoir s’appuyer sur un train
avant plutôt solide. Dans un état de conservation impeccable sur
cet exemplaire à vendre à L’Essence de l’automobile, son châssis
rigoureux permet de mener suffisamment bon train pour exploiter le
V6 turbo sans trop d’arrière-pensées.
Sans enrouler à la manière d’une GTi, le train arrière multi-bras
spécifique au GTV accompagne tout de même le mouvement pour
amplement impliquer le conducteur. L’amortissement assez sportif
demande un minimum de poigne quand le revêtement se dégrade.
Histoire sans doute de rappeler que les vraies Alfa ont du
caractère !
Alfa Romeo GTV 2.0 V6 TB (1997) : fiche technique
- Années de production : 1994-2000
- Exemplaires produits : 6 914
- Moteur : V6 turbo, 12 S
- Cylindrée : 1 996 cm3
- Puissance maxi : 200 ch à 6 000 tr/mn
- Couple maxi : 28,5 mkg à 2 400 tr/mn
- Transmission : traction, 5 rapports manuels
- Autobloquant/antipatinage : non/non
- Suspension AV/AR : MacPherson, barre stabilisatrice/essieu multibras, ressorts hélicoïdaux
- Freins AV/AR : disques ventilés/disques
- Poids annoncé : 1 430 kg
- Rapport poids/puissance : 7,1 kg/ch
- L - l - h : 4 285 - 1 780 - 1 318 mm
- Empattement : 2 540 mm
- Pneus : 205/50 R 16
- Réservoir : 70 l
- Prix à l’époque : environ 212 300 F (1996)
- Cote actuelle : environ 15 000 €
- V. max. : 239 km/h
- 0 à 100 km/h : 8’’2
- 1 000 m D.A. : 28’’
Retrouvez notre article "Retour aux sources" sur l'Alfa Romeo GTV 2.0 V6 TB (1997) dans le Sport Auto n°752 du 30/08/2024.


