Retour aux sources - Ferrari F430 (2004) : ce petit truc en plus...
Ses contemporaines avaient beau avancer des arguments chiffrés, la Ferrari F430 n’a toujours su répondre qu’avec émotion. Et deux décennies plus tard, celle-ci est encore palpable.
Il y a quelque chose de très actuel quand on la regarde, de
presque moderne. Du haut de ses 20 ans, la F430 conserve une
fraîche allure. Elle fait partie de celles qui vieillissent avec
grâce, de celles qui n’en faisaient pas trop du temps de leur
fringante jeunesse, et qui continuent de charmer des années
après.
Proportions compactes et équilibrées, pureté des lignes, détails
intégrés avec soin… Le studio Pininfarina et la tête du
design Ferrari de l’époque ont fait les choses bien. Ils ont tout
de même pris le temps d’y incorporer des évocations.
Comme les entrées d’air à l’avant, généreuses mais dociles, qui
sont un hommage à la 156 de Phil Hill, champion du monde de Formule
1 en 1961. Idem pour les discrètes ouvertures situées sur les ailes
arrière, chapardées à la 250 LM des années 60.
Ou encore la poupe, râblée et gaillarde, qui rappelle tout de suite
le lien de parenté avec la fantastique Enzo, née deux ans plus tôt.
Difficile de la qualifier de gravure de mode – l’histoire de
Ferrari en est jonchée –, mais la F430 conserve ce charisme
singulier.
Sa sportivité sans réel compromis n’a jamais empêché la F430 d’être
une charmante compagne de route. On est assis très bas, sans
surprise, mais avec un certain niveau de confort. L’architecture à
moteur central arrière n’oblige pas les grands gabarits à conduire
les genoux dans le menton et le degré de filtration est
étonnant.
La présentation est en revanche basique, et si la mauvaise
réputation de Ferrari en matière de finition
n’est pas toujours justifiée, c’est ici le cas… Qu’importe. Après
deux décennies, ce n’est plus ce que l’on regarde, encore moins sur
un engin frappé du cheval cabré.
Il suffit de se glisser dedans, d’apprécier le charme un poil
désuet de l’ambiance à bord, et d’enclencher la mise à feu du V8.
Les frissons ! Ça vocifère fort à l’allumage, ça grogne méchamment
avant de doucement retomber sur un ronron chaud et presque
réconfortant.
Ce bloc ne reprend rien à celui du prédécesseur 360 Modena. En
partant d’une feuille blanche, les ingénieurs de Maranello
n’avaient qu’une seule obsession : donner un coup de fouet aux
performances tout en limitant la crise de croissance.
Mission réussie, car même s’il passe de 3.5 à 4.3, le moteur de la
nouvelle berlinette ne pèse que 4 kg de plus. Et il s’offre tout
l’attirail devenu cher à Ferrari : vilebrequin plat, double arbre à
cames en tête, distribution variable à l’admission et à
l’échappement… La Gestione Sportiva, la division sportive de la
marque, a dicté ses lois. Et que c’est bon !
Inspirée par la F1
La mélodie vous accompagne au quotidien. Si on reste dans les
registres graves dans le flot de la circulation, la complexité de
la partition est déjà un bonheur pour les oreilles. Et puis la voie
se libère, sur une ligne droite qui incite à tirer la palette de
gauche tout en faisant pression sur la pédale de droite…
La superbe symphonie se mue en un déchaînement philharmonique
dantesque. L’ascension du compte‑tours est un programme à elle
toute seule. Le grondement rocailleux laisse place à un rugissement
effrayant avant de finir par une note presque stridente dont les
divas italiennes ont le secret.
C’est beau, c’est puissant, ça vous prend aux tripes et ça vous
fait regretter une période où le talent de chanteuses des sportives
ne tombait pas sous le joug des régulations.
Côté performances, malgré un très joli 4’’0 pour atteindre les 100
km/h, elles n’ont jeté aucun pavé dans la mare à l’époque, et sont
actuellement à la portée d’une bonne petite sportive.
La F430 ne s’est jamais vantée d’être un dragster et trouve ses
arguments ailleurs. Elle a notamment été celle qui a réconcilié les
réfractaires de la boîte automatique avec une première innovation,
la boîte F1.
En réalité, les F355 et 360 Modena prônaient déjà cette bascule
vers une transmission automatique, mais sans jamais convaincre par
leur agrément. Ici, les ingénieurs ont sérieusement revu le
produit. Pas encore de double embrayage, mais les rapports sont
enfin passés avec douceur et la fiabilité y aurait gagné.
Faut-il aujourd’hui donner son avis sur cette fameuse transmission
F1 ? Evidemment ! Les ruptures sont marquées même en conduite
souple, et l’inertie est sensible. Nous dirons donc que c’était une
belle innovation pour l’époque et que le chemin parcouru depuis
impressionne.
Sensations oubliées
Les innovations ont été nombreuses sur la F430. A commencer par le fameux
Manettino. Un petit bouton à bascule qui introduit une nouvelle
manière d’exploiter sa monture. Tout y est, et là aussi la F1 est à
l’œuvre derrière.
Certains lui préfèrent un simple bouton, mais ce petit bout de
métal anodisé a quelque chose de spécial au toucher, et renvoie à
ce qui se fait de mieux en compétition.
Le principe s’est depuis très largement démocratisé, mais la F430
fut la première Ferrari à proposer des configurations différentes
pour les divers organes, de la transmission au différentiel en
passant par le son de l’échappement ou le contrôle de motricité,
par le biais de cette simple molette.
Du mode Wet, pour calmer la cavalerie, au mode « complètement off
», la belle gagne en agressivité et se montre de plus en plus
communicative. Les performances ne dévissent pas les cervicales,
mais la F430 récompense différemment celui qui en manie le
volant.
Outre le son démoniaque de son V8, sa conduite rappelle les
meilleures productions de l’époque. Les commandes sont à portée de
main, et le sentiment de faire corps avec la voiture est
saisissant. Encore plus que sur de nombreux modèles actuels gavés
de puces électroniques et de boost survolté.
Vibrante, vivante et enjouée, la F430 a cette manière instinctive
de vous susurrer des mots doux à l’oreille. Reprendre aujourd’hui
le volant d’un modèle aussi bien né nous remémore des sensations
oubliées.
La direction n’est pas aussi tranchante que les sportives
contemporaines, mais sa précision et surtout le niveau
d’information qu’elle recèle sont fantastiques. Et la rigueur du
train avant met en confiance.
Le rythme augmente, le Manettino bascule sur le mode Race, et cette
transmission que l’on trouvait un poil faiblarde au quotidien
retrouve de sa superbe. Il faut bien évidemment la replacer dans le
contexte de l’époque, mais la cadence qu’elle impose permet
d’exploiter pleinement les capacités du V8.
La prudence reste de mise avec cet exemplaire magnifique, maintenu
dans un état collection par son propriétaire Jean-Louis. Mais quel
pied ! Facile à prendre en main, dotée d’une motricité efficace
(elle fut la première à embarquer un différentiel à glissement
limité électronique), agile et communicative, la F430 a décidément
tout du bon vin.
Cette rubrique porte vraiment bien son nom. Après une balade au
volant d’une F430, on en vient à se demander
: mais comment en est-on arrivé là ?
Alors oui, sa lointaine descendante (296 GTB) est devenue un
véritable missile sol-sol et serait presque capable de piloter à la
place de son conducteur. Mais les performances d’un autre monde
empêchent une exploitation réelle du potentiel en dehors des
circuits.
Et encore, pas n’importe lequel. Malgré l’excellente exécution de
cette dernière, difficile de ne pas tomber sous le charme de ce que
le Cavallino rampante savait déjà nous procurer à l’époque.
Une vision plus simple de la voiture plaisir, perfusée au
savoir-faire en compétition de la marque, et qui garde, vingt ans
plus tard, un petit truc en plus.
Ce qu'en disait Laurent Chevalier en 2004
La F430 survole littéralement la concurrence en matière de
cordes vocales. Elle vous enivre, vous remue les tripes et vous
soulève le cœur en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire.
Et il suffit d’un coup de palette de boîte F1 pour enclencher la
fonction Replay. Sans compter que la F430 élargit les domaines de
compétence de la 360 Modena en se montrant plus accessible en
conduite quotidienne et plus radicale en conduite extrême.
Enfin et surtout, l’intervention de l’électronique n’est pas
envahissante, loin de là. Tout semble fonctionner dans la plus
grande progressivité et la plus grande discrétion. C’est ici que
réside, à notre sens, l’un de ses véritables tours de
force.
Ce qu'en dit Sport Auto en 2025
Si elle reprend une recette semblable à celle de la 360
Modena, la F430 s’est autorisé quelques libertés sur les
ingrédients. Et le tout a quand même une sacrée saveur !
Passons sur la boîte robotisée F1, efficace pour l’époque mais pas
révolutionnaire pour autant. En revanche, tout le reste mérite
d’être délicieusement savouré. C’est fort en caractère mais pas
caractériel, rigoureux sans jamais tomber dans l’autoritarisme.
Efficace à mener, très communicative, agile sans surprendre,
l’italienne saurait aussi donner des leçons aujourd’hui sur
certains points. Et ce V8 a encore de quoi hanter vos
nuits.
Ferrari F430 (2004) : fiche technique
- Années de production : 2004-2010
- Exemplaires produits : non communiqué
- Moteur : V8 à 90°, 32 S Cylindrée : 4 308 cm3
- Puissance maxi : 490 ch à 8 500 tr/mn
- Couple maxi : 47,4 mkg à 5 250 tr/mn
- Transmission : roues AR, 6 rapports robotisés (boîte F1)
- Suspension AV/AR : triangles superposés, amortissement piloté, barre stabilisatrice
- Freins AV & AR : disques ventilés percés (360/350 mm) (disques carbone-céramique en option)
- Poids annoncé : 1 450 kg
- Rapport poids/puissance : 3 kg/ch
- L - l - h : 4 512 - 1 923 - 1 214 mm
- Empattement : 2 600 mm
- Pneus AV & AR : 225/35 & 285/35 ZR 19
- Réservoir : 95 l
- Prix à l’époque : 152 000 €
- Cote actuelle : environ 120 000 €
- V. max. : 315 km/h
- 0 à 100 km/h : 4”0
- 1 000 m D.A. : 21”6
Retrouvez notre reportage "Retour aux sources" dans le Sport Auto n°758 du 28/02/2025.


