Retour aux sources - Dodge Viper SRT-10 (2005) : indispensable !
Une mécanique de camion, une bête de foire mal dégrossie, une auto de rustaud et j’en passe : les mauvaises langues ne manquent pas d’adjectifs à l’heure de décrire la Dodge Viper. Il suffit pourtant de s’installer à bord de cette SRT-10 millésime 2005 de troisième génération et de démarrer son V10 pour être mordu à jamais.
La sortie de garage étroite et sa pente fortement inclinée
réduisent la vision avant à peau de chagrin. A bord d’une Viper
SRT-10, au capot pratiquement aussi long que le reste de la
voiture, la manœuvre peut vite devenir anxiogène.
La proposition de son vendeur de la monter lui-même ne se refuse
pas, quitte à froisser une partie de votre amourpropre. Comme ses
devancières RT-10 puis GTS, cette troisième génération de Viper
baptisée « SRT-10 » incite à l’humilité.
Sa face avant quelque peu adoucie par rapport à ses ascendantes, ne
suffit pas à rassurer. Surtout quand elle arbore un logo orné d’une
tête de serpent doté de deux crochets prêts à cracher leur
venin…
La lecture de la fiche technique de ce modèle apparu aux Etats-Unis
en 2003 puis début 2005 dans l’Hexagone met de l’huile sur le feu,
même si bien des sportives actuelles font mieux. 507 ch et 72,6 mkg
de couple à passer sur ses seules roues motrices, c’est forcément
intimidant, même avec des rouleaux arrière de 345 mm de large
chaussés de Michelin Pilot Super Sport tout neufs.
D’autant plus qu’à l’exception d’un simple ABS, aucune aide
électronique ne vient au secours d’un pilote maladroit : pas
d’antipatinage et encore moins d’ESP. Le seul salut tient à une
cheville droite suffisamment souple et à un différentiel
autobloquant.
L’intimidant V10 impose de connaître assez la bestiole
Comme pour mieux faire monter la tension, l’intimidant V10
impose de connaître assez la bestiole avant de se dévoiler. La
tirette d’ouverture du capot nichée au niveau du spoiler avant et
non pas dans l’habitacle prend un plaisir sadique à prolonger
l’attente, même si le spectacle offert récompense la patience.
Ce 8,3 litres donne l’impression de se sentir tout petit. Moins
sensuel que sur la RT-10, l’effet visuel procuré par ce roadster
diabolique continue d’affoler le palpitant.
L’interminable rostre, les larges ouïes destinées à évacuer les
calories, ou les side pipes dont on n’aperçoit, sur cette troisième
génération, que les sorties devant les roues arrière, incitent à
rentrer les épaules avant de se glisser à bord.
La légère porte, dont les panneaux sont en fibre, s’ouvre sur un
habitacle à l’américaine aux plastiques et à la finition encore
plus basiques que ceux d’une citadine actuelle. L’instrumentation
sur fond blanc est aussi lisible que complète, et c’est bien là
l’essentiel.
L’assise pratiquement aussi moelleuse que celle d’une berline
étonne, et la position de conduite progresse largement. Autrefois
décalés vers la gauche à cause de l’imposant tunnel de
transmission, les jambes et le pédalier sont désormais presque dans
l’axe, alors qu’un repose-pied s’invite à présent à bord.
A l’heure de dompter un tel dragster, il est plus rassurant d’être
bien installé, non ? La mise à feu du V10 par l’intermédiaire d’un
bouton rouge niché dans le bas de la console centrale déclenche les
hostilités.
Son grondement caverneux et ses vibrations qui traversent l’épaisse
mousse des sièges pour chatouiller l’échine en font une pièce
maîtresse, à mille lieues des mécaniques actuelles de plus en plus
encapsulées.
Les températures négatives, malgré un ciel bleu azur, incitent à la
circonspection avant de s’élancer dans un environnement urbain pas
spécialement amical. Avec un tel capot, l’intersection de la sortie
du garage tient du cadeau empoisonné.
A moins bien sûr d’avoir une paire d’yeux supplémentaire au bout de
la calandre ! L’imposant appendice impressionne toujours autant
dans la circulation parisienne. Capote en place, la vision très
moyenne n’arrange rien.
L’embrayage nécessite un minimum d’effort
A l’avant, passe encore, mais les vitres latérales façon
meurtrières et la vue arrière digne d’un écran noir donnent cette
inquiétante sensation de naviguer à vue. L’embrayage nécessite un
minimum d’effort par rapport à celui d’une auto classique, mais pas
non plus un mollet de cycliste nourri à l’EPO.
Il en va de même pour la commande de boîte aux longs débattements,
dont le maniement certes un peu rude ne requiert quand même pas une
poigne de bûcheron, comme sur les anciennes Ferrari ou
Lamborghini.
Ce trait de caractère que l’on retrouve sur les précédentes RT-10
met fin à deux idées reçues qui ont la peau dure : aussi rustique
soit-elle, la Viper n’est pas plus camionnesque que son moteur.
Son fameux V10 n’est pas dérivé du monde du poids lourd,
contrairement à certaines légendes urbaines. Basé sur un V8 5.9
culbuté de Dodge Ram, qui est un utilitaire
(et non pas un camion), il est ensuite revu par Lamborghini
Engineering – autrefois affilié à Chrysler –, qui le transforme en
V10. Cubant 8,3 litres sur notre SRT-10, il profite de son couple à
déraciner un arbre pour ménager le pied gauche et la main
droite.
Connaissez-vous d’autres autos en mesure de démarrer puis de passer
cinq rapports sans toucher à l’accélérateur, avant de prendre sa
vitesse maxi fixée à 306 km/h d’une simple flexion de la cheville
droite ?
Avec de telles capacités, les évolutions en ville s’effectuent du
bout de l’orteil droit. Quand on est bercé par ce V10 qui ronronne
à travers ses sorties d’échappement latérales, l’agglomération
parisienne devient un décor de cinéma, avant que le premier
dos-d’âne ne mette fin à la rêverie.
Les réactions sèches d’un amortissement intolérant aux aspérités de
la route et l’inconfort qui en découle justifient le rembourrage
généreux des sièges !Tant qu’à souffrir, autant le faire à l’air
libre, avec un si beau soleil. La manipulation du couvre-chef en
toile s’effectue électriquement, à condition d’avoir préalablement
ouvert le coffre avec une télécommande. Sacrées américaines !
Grands espaces
Si la Viper SRT-10 peut être un réseau
social parfait pour faire des rencontres, c’est surtout une usine à
sensations qui donne soif de grands espaces et goûte peu les
petites départementales bosselées.
Non pas à cause d’un manque d’agilité, mais du fait de cet
amortissement intransigeant qui engendre quelques ruades, rendant
la conduite soutenue plus hasardeuse, même en tenant fortement le
volant.
Sur un itinéraire plus roulant et plus propre, elle devient alors
un jouet extraordinaire, à mille lieues de l’image de bateau ivre
dont souffrent nombre de sportives américaines.
Au point de marquer un vrai progrès par rapport à une RT-10 déjà
beaucoup plus efficace qu’elle en avait l’air. Bien aidée par un
châssis rigoureux et rigide, la SRT-10 encaisse des appuis
incroyables pour l’époque avec l’aplomb d’un rugbyman.
Son train avant précis qui ne faiblit pas sous l’effort permet de
tracer des trajectoires au cordeau tout en profitant d’un parfait
équilibre. La direction consistante participe à l’excellente
sensation, même si elle s’allège un peu avec la vitesse.
Enfin, le freinage costaud et au ressenti idéal étonne d’autant
plus qu’il incite à retarder le moment de frapper la pédale du
milieu. Et puis, il y a surtout cet extraordinaire moteur V10. Son
architecture archaïque, avec son simple arbre à cames central et
ses culbuteurs, ne fait sourire que ceux qui ne s’y sont pas
frottés.
Déjà impressionnant sur une RT-10, il devient carrément méchant sur
la SRT-10, après que ses concepteurs se sont occupés de son cas.
L’augmentation de son alésage (102,4 mm contre 101,6) et de sa
course (100,6 mm contre 98,6) permet de gagner 287 cm3 et de porter
sa cylindrée totale à 8 277 cm3 .
Ajoutons à ça un collecteur d’admission retravaillé, un échappement
revu pour réduire les pertes par contre-pression et un volant
moteur générant moins d’inertie. Le résultat ? Une drogue dure.
Drogue dure !
Ça pousse fort mais impose un minimum de bravoure pour écraser
l’accélérateur à fond. Encore plus plein et plus réactif qu’avant,
le V10 a surtout davantage d’allonge dans la seconde partie du
compte-tours.
Tractant dès le régime de ralenti, les dix pistons de plus de 10 cm
de diamètre cognent de plus en plus fort et vous collent
progressivement au fond du dossier jusqu’à 6 000 tr/mn. 6 000
tr/mn, ça n’épate peut-être pas sur le papier, mais à bord d’une
SRT-10, tout compte double !
Directement connectés aux oreilles, les échappements latéraux vous
téléportent au pied des enceintes d’un concert de heavy metal, en
crachant une sonorité aussi envoûtante que glaçante dont le volume
dépend du pied droit.
Sans parler des déflagrations au lever de pied, qui renvoient les
artificielles pétarades pop and bang actuelles au rang de pétards
mouillés. Mons-tru-eux ! Le pédalier, adapté au talon-pointe, est
d’autant plus important sur un modèle sujet aux blocages de boîte
lors d’un rétrogradage musclé.
L’étagement long comme un jour sans pain est digéré comme qui
rigole par le couple phénoménal. Sa commande à poigne n’est pas la
plus rapide, mais ses verrouillages francs et sa précision
confèrent cette agréable impression d’aller chercher soi-même ses
pignons.
Cette véritable promiscuité mécanique dont on ne peut que regretter
la disparition sur les sportives contemporaines régale à l’usage.
Un tel volcan suffit à faire partir les rouleaux arrière en fumée
au moindre démarrage vigoureux.
La longue course de l’accélérateur et un train arrière communicatif
collé au bassin du pilote permettent de faire durer le plaisir sans
trop de sueurs froides pour un habitué des propulsions
énervées.
Difficile alors de résister à la tentation de dessiner quelques
jolies petites virgules, même si l’énorme grip et les reprises
d’adhérence brutales donneront davantage de travail à ceux qui
désireraient aller plus loin. Attention à la morsure !
Dodge Viper SRT-10 (2005): fiche technique
- Années de production : 2003-2007
- Exemplaires produits : 8 190
- Moteur : V10, 20 S
- Position : avant longitudinale
- Cylindrée : 8 277 cm3
- Puissance maxi : 507 ch à 5 600 tr/mn
- Couple maxi : 72,6 mkg à 4 200 tr/mn
- Transmission : propulsion, 6 rapports manuels
- Autobloquant/antipatinage : de série/non
- Suspension : triangles superposés, combiné ressorts-amortisseurs et barres antiroulis
- Freins : disques ventilés
- Poids annoncé : 1 546 kg
- Rapport poids/puissance : 3,1 kg/ch
- L - l - h : 4 459 - 1 911 - 1 210 mm
- Empattement : 2 510 mm
- Pneus AV & AR : 275/35 ZR 18 & 345/30 ZR 19
- Réservoir : 70 l
- Prix à l’époque : environ 110 000 € (2005)
- Cote actuelle : environ 60 000 €
- V. max. : 306 km/h
- 0 à 100 km/h : 4”8
- 1 000 m D.A. : 22”5
Retrouvez notre sujet rétro autour de la Dodge Viper SRT-10 (2005) dans le Sport Auto n°760 du 25/04/2205.


