Coup d'oeil dans le rétro - Citroën Xsara WRC (2003) : les chevrons de la gloire

Publié le 18 décembre 2023 à 10:00
Coup d'oeil dans le rétro - Citroën Xsara WRC (2003) : les chevrons de la gloire

Tranquille voiture de papi, la Xsara ? Pas si sûr… Aux mains de Sébastien Loeb, elle s’est transformée en une véritable machine à gagner qui a permis à Citroën de commencer, voilà 20 ans, une impressionnante moisson de titres en championnat du monde des Rallyes…

Bon, il faut bien le reconnaître : la Citroën Xsara n’est pas forcément le premier nom qui vient à l’esprit au moment d’énumérer les voitures de sport qui ont le plus fait fantasmer les foules. Pourtant, cette auto étroitement liée à l’ascension de Sébastien Loeb possède un des plus beaux palmarès du WRC. Mais il lui a fallu surmonter quelques obstacles…

Le projet de Citroën Sport d’intégrer le championnat du monde des rallyes a en effet subi quelques fâcheux ralentissements. Comme nous l’explique Jean-Claude Vaucard, alors responsable châssis de l’équipe aux chevrons :

"Il y a eu un couac. Chez Citroën, les motoristes ont été un petit peu trop gourmands en certifiant qu’on ne pourrait pas gagner avec le moteur de série, et qu’il fallait faire un moteur spécial à 2 500 exemplaires, étudié par Cosworth, ce qui impliquait une facture assez phénoménale."

"Du coup, la haute direction a rejeté le projet. Là-dessus, Peugeot Sport a dit : “Nous, on vient, mais avec le moteur de série.” Et ils sont passés devant nous ! Je peux dire que j’étais bien remonté. Ce fut dur à avaler parce que, personnellement, j’étais persuadé que nous pouvions y arriver avec le moteur de série."

Les succès de la Peugeot 206 WRC, dès 1999, l’ont d’ailleurs rapidement confirmé. Citroën Sport s’est donc retrouvé limité à un simple engagement en championnat de France avec une Xsara Kit-Car atmo à deux roues motrices.

Une auto diabolique, qui s’est aussi offert des incursions spectaculaires sur quelques rallyes asphalte du championnat mondial. Résultat ? Victoires de Philippe Bugalski au Rallye de Catalogne et au Tour de Corse 1999, devant tout le gratin du WRC… et à la fureur de celui-ci !

"Aussitôt après", se souvient Jean-Claude Vaucard, "j’ai été convoqué à la FIA, où je me suis fait remonter les bretelles par tous les autres constructeurs du WRC, y compris les pilotes, Sainz en tête. Pour eux, les victoires de notre Kit-Car dévalorisaient les WRC, et il fallait les interdire !"

Après deux refus, la direction du groupe PSA a fini par donner son feu vert à la venue de Citroën en WRC, mais de manière progressive afin de laisser du temps à Peugeot pour remporter des titres : quatre épreuves en 2001, onze en 2002, et enfin le championnat complet en 2003. Pour ce faire, Citroën Sport a concocté une nouvelle auto en s’appuyant sur la base de la Kit-Car.

"Le bloc avant était presque le même", explique Jean-Claude Vaucard. "Nous avons greffé un turbo sur le moteur, mais c’était quand même le même bloc alu. En revanche, nous avons dessiné une boîte spécifiquement adaptée au passage à quatre roues motrices."

Un gros travail de développement a alors été nécessaire :

"Auparavant, notre Kit-Car n’évoluait que sur l’asphalte. Là, il nous fallait rouler sur asphalte, sur neige et sur les différents types de terre ! Notre expérience du Rallye-Raid n’a pas été très utile du fait de la différence des règlements. En WRC, il faut passer aussi vite qu’en Raid, mais avec des débattements de suspensions divisés par deux !"

"Pour gagner du temps, j’ai reproduit ce que j’avais déjà fait avec la 205 Turbo 16 à l’époque des Groupe B : aller tout de suite au Kenya pour rouler dans les pires conditions, et mettre le doigt sur toutes les faiblesses de la voiture. C’est un accélérateur de mise au point. Ensuite, il restait juste à la faire rouler sur les différents types de sol…"

La montée en action progressive imposée par la direction générale aura au moins eu le mérite de permettre à Citroën Sport de développer une auto aboutie et fiable. D’abord engagée en championnat de France en 2000 dans une catégorie FRC spécialement créée pour elle (Bugalski champion), la Xsara T4 est devenue Xsara WRC lorsqu’elle a été homologuée par la FIA.

Au cours de sa première saison internationale, en 2001, la Xsara a fait l’objet d’une évolution importante :

"Au début, elle était tout juste concurrentielle, reconnaît Jean-Claude Vaucard. "Aussi, nous lui avons fait subir une cure d’amaigrissement d’environ 25 kg. Nous avons retrouvé 25 ch, et puis nous avons bien amélioré la rapidité du passage des vitesses, ce qui nous a fait gagner en capacité d’accélération.

"Ces trois points ont représenté un grand pas en avant. Je dirais même que c’est la plus grosse évolution que la voiture a subie sur l’ensemble de sa longue carrière. Par la suite, ça n’a été qu’une évolution continue sur une multitude de détails. Un travail de fourmi."

Une voiture fétiche pour Loeb

C’est en octobre 2001, au San Remo, qu’un jeune Alsacien, tout juste sacré champion de France sur une Kit-Car, se voit confier pour la première fois le volant d’une Xsara WRC. Il en fait bon usage :

"Pour ma première épreuve en mondial dans une équipe d’usine, j’ai terminé deuxième, à seulement 11 secondes du vainqueur, Gilles Panizzi", rappelle Sébastien Loeb. "Je peux dire que j’ai vraiment gagné ma place en mondial sur ce rallye. J’ai découvert le WRC avec cette Xsara. J’en garde de bons souvenirs, parce que c’est une voiture qui était sympa en pilotage aussi. Elle était assez agile."

Après une telle prouesse, Loeb est intégré dans l’équipe Citroën pour la saison 2002, qu’il commence de manière impériale en dominant le Monte-Carlo. Seule une pénalité, due à une maladresse de l’équipe dans l’utilisation des pneus, le privera de cette première victoire. Il se rattrapera quelques mois plus tard en remportant le Rallye d’Allemagne.

Et pour bien mettre les choses au point, il remporte sans l’ombre d’une contestation sa première « vraie » victoire au Monte-Carlo en 2003, devant ses nouveaux coéquipiers : Carlos Sainz et Colin McRae !

Alors que Citroën a enfin le droit de disputer une saison complète, la fusée Loeb est lancée. Comme le reconnaît le pilote alsacien, l’arrivée de Carlos Sainz et Colin McRae a apporté beaucoup à l’équipe :

"Sur la terre, je pense que nous n’étions pas totalement au point. Leur venue a été bénéfique. 'Revenons à la base. Il y a trop d’électronique dans votre truc !', nous ont-ils dit."

Il faut rappeler que l’une des particularités de la réglementation de l’époque était d’autoriser des ponts avant, arrière et central, pilotés électroniquement. Une vraie boîte de Pandore !

"Ce n’était pas si facile que ça à maîtriser", confesse l’ex-directeur technique de Citroën Sport. "Il y avait tellement de possibilités et de paramètres qu’on pouvait vite se perdre. A chaque séance d’essai, et même en cours de rallye, nous cherchions l’optimum."

"Ça pompait une bonne partie de notre énergie. Finalement, en revenant à des fonctionnements plutôt simples, on s’apercevait que ça marchait quand même très bien."

Une vision tout à fait partagée par Sébastien Loeb :

"Les trois différentiels pilotés, c’était hyper-compliqué à synchroniser. On pouvait tout intégrer : la pression des freins, la position du volant, la pédale d’accélérateur, le rapport de boîte, etc. On en rajoutait, on en rajoutait, mais finalement, à force d’ajouter des artifices, on tombait parfois sur une caisse plus difficile à conduire sans s’en rendre compte."

Un premier titre mondial rocambolesque

Néanmoins, la Xsara WRC confirme son potentiel et, alors que se profile la finale du championnat 2003, en Grande-Bretagne, Citroën occupe la tête du championnat constructeurs, Sébastien Loeb et Carlos Sainz pointant tous deux en tête chez les pilotes, avec 1 pt d’avance sur Petter Solberg (Subaru) et 5 sur Richard Burns (Peugeot).

Ce rallye restera à jamais gravé dans la mémoire de Jean-Claude Vaucard :

"C’est parti à une vitesse de folie. J’ai failli en avoir une attaque cardiaque ! Tout était encore jouable, et puis la caméra embarquée dans la voiture de Sainz a pris feu sur la ligne de départ de l’ES 3. J’ai obtenu que la FIA lui accorde une nouvelle heure de départ, mais Carlos est devenu fou !"

"Il a finalement pu partir, mais il était tellement énervé qu’il s’est mis dans les arbres dès le premier virage en arrivant avec un rapport de plus que les autres. C’était fini pour lui. C’est à ce moment-là que Claude Satinet, le patron de la marque Citroën, est arrivé sur le rallye : “Si c’est ça, on assure le titre constructeurs et on oublie le titre pilotes”, a-t-il lâché. Nous avons alors tous accusé le coup. Colin McRae est d’ailleurs allé voir Loeb : 'N’écoute pas, continue à attaquer !"

Mais Loeb a obtempéré, se contentant de la deuxième place derrière Solberg, tant dans le rallye qu’au championnat, et Citroën a remporté son premier titre mondial… en veillant bien à ce que le visage de Sébastien Loeb ne soit pas visible sur l’affiche annonçant au monde entier cette consécration !

Lors de cette fin de saison, un constat s’est vite imposé : si la voiture était quasi imbattable sur asphalte, il restait encore à la rendre aussi dominante sur terre.

"Après avoir travaillé sur tous les paramètres imaginables de notre côté, restait le pneumatique, analyse Jean-Claude Vaucard. Mon idée était d’accroître la surface de contact au sol dans le but d’augmenter le grip longitudinal et transversal. Le fait d’avoir plus de gomme au sol réduisait l’usure et permettait de passer des mélanges plus tendres et performants."

"Nous gagnions à deux niveaux. Michelin a travaillé très vite sur cette piste. Du coup, en 2004, la vie est devenue beaucoup plus facile avec trois jeunes ingénieurs. Alors que j’espérais un gain de 5/10e au kilomètre, les premiers tests en Sardaigne ont révélé un gain de 8/10e  !"

Et Sébastien Loeb a pu remporter le premier de ses neuf titres mondiaux. Parti à la retraite début 2005, Jean-Claude Vaucard a quitté les parcs d’assistance avec un regret :

"Le Safari 2002 restera ma plus grande désillusion ! Il était interdit de préparer le rallye sur la zone même de l’épreuve, et notre zone de test présentait un terrain qui s’est avéré moins accidenté que celui du rallye. Bilan : alors que Sébastien menait largement dans toutes les spéciales, les amortisseurs cassaient systématiquement dans les quinze derniers kilomètres !"

Cruel souvenir aussi pour Sébastien Loeb :

"Lorsque les amortisseurs lâchaient, ça devenait insupportable, même à 30 km/h. A un moment, j’ai failli tout arrêter. Lorsque Daniel (Elena, son copilote, NDLR) a proposé de prendre le volant, j’ai continué, mais j’ai dû en partie me déharnacher en conduisant à moitié debout pour amortir les chocs avec les cuisses. L’enfer !"

Malgré ce problème, la Xsara WRC s’est taillé un palmarès impressionnant, avec 3 titres mondiaux constructeurs, 3 titres pilotes et 32 victoires sur 52 rallyes WRC. Tirant le maximum de la réglementation, elle a même inspiré une nouvelle génération de voitures, en rupture avec les précédentes WRC qui étaient très typées « propulsion ».

"Je pense que c’est en partie lié à mon pilotage", analyse Sébastien Loeb. "A l’époque, Markko Märtin roulait super-fort, avec un style très propre. Il avait commencé à changer les habitudes par rapport aux pilotes qui roulaient tout en glisse. J’ai réfléchi à ça, et j’ai commencé à m’appliquer aussi ce type de pilotage."

"Ça allait bien avec mon style naturel, qui était déjà plutôt propre. J’ai compris que, même dans les virages très serrés ou les épingles, il ne fallait pas forcément trop glisser. Je me suis inspiré de lui. Et c’est sans doute pour cela que j’ai réussi à faire la différence face à Carlos et Colin, qui étaient peut-être restés sur leur style naturel."

Alors qu’il la pilotait depuis déjà plus de quatre ans, Sébastien Loeb a découvert la Xsara sous un nouveau jour lors de la saison 2006.

"Nous sommes revenus aux différentiels mécaniques avant et arrière, et ça m’a changé la vie en matière de pilotage ! Je l’ai trouvée tout de suite bien mieux équilibrée."

C’est même à regret qu’il a changé de monture en fin de saison…

"C’était une auto très agile et, lorsque nous avons fait les premiers essais avec la C4, je me souviens avoir dit à Daniel : 'On ne sera plus jamais champions, parce qu’avec celle-là, on n’y arrivera jamais !"

La suite lui a donné tort. Au grand dam de ses concurrents !

Citroën Xsara WRC (2003) : fiche technique

  • Moteur : 4 en ligne suralimenté par un turbo Garrett
  • Cylindrée : 1 998 cm3 Alésage x course : 86 x 86 mm
  • Disposition : transversal avant
  • Distribution : 2 arbres à cames en tête, 4 soupapes par cylindre
  • Lubrification : carter sec
  • Puissance officielle : 340 ch à 5 500 tr/mn
  • Couple : 53 mkg
  • Gestion : Magnetti-Marelli
  • Transmission : 4 roues motrices, boîte de vitesses transversale à 6 rapports, à commande séquentielle par palette au volant. Dessin Citroën Sport, éléments X-Trac
  • Embrayage : tridisque carbone 140 mm
  • Différentiel : ponts avant arrière et central pilotés électroniquement (en 2006 : ponts avant et arrière mécaniques) Châssis : coque en acier renforcée par des arceaux de sécurité en acier
  • Suspensions : combinés McPherson, amortisseur Extreme Tech
  • Freins : disques en acier ventilés avec étriers 4 pistons (6 pistons sur asphalte)
  • Diamètre des disques : 304 mm (368 à l’avant sur asphalte)
  • Jantes : OZ 8 x 18
  • Pneus : Michelin, puis BFGoodrich en 2006
  • Empattement : 2 555 mm L x l : 4 167 x 1 770 mm
  • Poids : 1 230 kg

Retrouvez notre coup d'oeil sur la Citroën Xsara de 2003 dans le Sport Auto n°742 du 27/10/2023.

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