Quels futurs pilotes pour Renault en 2016 ?

Alors que l'avenir de Renault est en train de se décider, quels pourraient être les pilotes en vue du retour dès 2016 ? Pistes et éléments de réflexions.
Pour un grand constructeur, un retour en F1 est tout sauf
anodin. C'est une décision lourde, un événement majeur, un coup de
pub et une opération marketing d'ampleur mondiale. Il ne faut donc
pas se louper. Et l'annonce des pilotes, celle que les fans et
médias attendent le plus, permet à la fois de mesurer l'intensité
de l'engagement et de définir le ton des premières lignes de la
future grande histoire que le constructeur veut nous raconter.
Le meilleur exemple n'est autre que Mercedes. A double titre. En
1954, Mercedes avait sorti l'artillerie lourde avec Juan Manuel
Fangio, certes une ''seule'' fois champion du monde alors, mais
déjà considéré comme le plus grand. Associés à lui, selon les
grands prix, deux Allemands, Karl Kling et Hans Hermann. Un
champion et un pilote national, voilà la combinaison la plus
logique et naturelle pour un grand constructeur.
Même chose en 2010, pour l'autre retour de Mercedes, en mieux cette
fois. Car le champion n'était autre que Michael Schumacher, 7 fois
couronné et... Allemand en plus. Avec, à ses côtés, un jeune loup
de la nation, Nico Rosberg. Difficile de faire mieux quand on
s'attaque à nouveau à la scène des grands prix.
D'autres retours ou arrivées de constructeurs ont eu lieu ces
dernières années : Jaguar, en 2000, avec Eddie Irvine et Johnny
Herbert, pas de champion mais deux pilotes confirmés et solides ;
Toyota, en 2002, avec Mika Salo et Allan McNish, faute de mieux il
est vrai, Toyota étant arrivé sur le tard et dans des conditions
qui n'attiraient pas les grands pilotes ; ou enfin BMW qui fit
confiance à Jacques Villeneuve et Nick Heidfeld, en 2006,
confirmant l'équation du champion et du compatriote.
L'impossibilité d'un champion
Parlons de Renault maintenant. En 2002, pour son premier retour
en tant qu'écurie complète, Renault avait misé sur la paire Jarno
Trulli et Jenson Button. Pas vraiment des stars (qui s'appelaient
alors Schumacher, Häkkinen, Montoya et Räikkönen), mais un choix
judicieux autour de jeunes espoirs. Et surtout, un an après,
Fernando Alonso arrivait dans l'aventure, après une année en tant
que pilote d'essais. Il n'était pas encore le champion que l'on a
connu ensuite mais tous les éléments étaient réunis pour qu'il le
devienne.
En cas de retour en 2016, on sera plus près d'un scenario de
transition à la 2002 qu'à la Mercedes 2010. Déjà car il n'y a pas
d'immenses pilotes français en exercice, ni même de futures stars
incontestables en évolution dans d'autres championnats. Par
ailleurs, Renault n'a pas la capacité financière et sportive
d'aller chercher un champion. Qui voudrait tenter le coup ?
Hamilton ? Non. Vettel ? Non. Räikkönen ? Non plus (même si en
2013, Kimi était encore la vedette d'Enstone). Alonso ? Renault ne
pourrait pas s'aligner sur le salaire mirobolant de l'Espagnol. Et
cela ferait un peu trop Retour vers le Futur, avec pas toujours que
des souvenirs joyeux autour d'Alonso.
Renault n'a jamais pu ou voulu fracasser sa tirelire pour attirer
un champion en exercice (hors cas d'Alain Prost puis Ayrton Senna
chez Williams en 1993 puis 1994, mais dans d'autres conditions).
Dommage d'ailleurs, cela montrerait que cette nouvelle aventure
démarre sous les meilleurs auspices financiers. Ce qui, en 2015,
parait une condition première pour gagner. Ne rêvons pas. Il
resterait Jenson Button, sans doute pas intéressé.
Sans oublier que l'aventure Renault peut d'ores et déjà inspirer de
la méfiance, se basant sur les cendres de Lotus et sur un moteur
encore en retrait. Il faudra donc pour les futurs patrons de
l'écurie française, notamment Cyril Abiteboul, beaucoup d'énergie
et de persuasion pour attirer, à terme, un très grand pilote.
Peu de choix en 2016
Mais alors qui ? Qui Renault va-t-il bien pouvoir nous annoncer
comme défendant officiellement ses couleurs en F1 ? Première
hypothèse, le choix de l'histoire à la Française. Façon
Jabouille-Arnoux, ou Arnoux-Prost. Renault est Français et fier de
l'être. Ce qui était vrai il y a plus de 35 ans peut l'être encore
aujourd'hui. L'épopée Acte I de Renault s'est autant faite sur la
révolution turbo que sur son écurie Cocorico. Cela ne gagnait pas
toujours mais cela parlait au coeur des gens. Dans cette optique,
Romain Grosjean et Jean-Eric Vergne seraient parfait dans le rôle,
pour raconter une belle histoire à notre pays et pour s'attirer
d'entrée un socle solide de popularité en ses terres. C'est le
minimum syndical. Ou même un Grosjean-Ocon, avec l'introduction
d'un peu de sang frais. Esteban Ocon est sans doute encore un peu
trop tendre et jeune, mais un poste de pilote d'essais avec de
vraies séances de roulage serait une excellente idée le
concernant.
Quoiqu'il en soit, l'argument ''nationaliste'' prévaudra au moins
pour l'un des pilotes. Romain Grosjean est à 99,9% sûr de faire
partie de l'aventure. Malgré son comportement plus que moyen envers
le moteur Renault pendant la cauchemardesque saison 2014 de Lotus,
le Français a tout pour lui : la nationalité, la connaissance
d'Enstone, et le talent. En montant sur le podium à Spa, il a
démontré qu'il restait un pilote à fort potentiel même s'il faudra
encore retailler un peu son image. Grosjean est d'autant plus
favori que décidément, Jean-Eric Vergne se heurte à une loi presque
inviolable des grands prix : l'impossibilité d'une seconde chance.
A quelques exceptions près (Massa ou Grosjean), une seconde chance
n'est jamais offerte. Dommage pour lui. Si quelqu'un peut
l'affranchir de cette loi, c'est Renault.
Maldonado ou Pérez, le casse-tête moral
Aux côtés de Grosjean, il faudra donc aller piocher ailleurs. On
ne peut pas imaginer un seul instant Renault revenir en F1 et
conserver Pastor Maldonado. Celui-ci a trop une image de pilote
payant pour qu'un constructeur base son programme sportif dans la
discipline reine sur quelqu'un qui est là, outre son coup de
volant, pour ses pétrodollars. Renault commettrait une erreur
originelle de communication, que les millions de Maldonado ne
suffiraient pas à soulager.
C'est à peu près la même situation pour un autre candidat, dit-on
le plus sérieux à l'heure actuelle, Sergio Pérez. A ceci près que
Pérez réalise une intéressante saison 2015, la plupart du temps au
moins au même niveau que Hülkenberg (il a plus de points que lui),
et qu'il y a encore trois ans, il était sur les tablettes de
Ferrari avant que McLaren ne l'utilise, sans résultats probants.
Pérez a aussi pour lui un gros budget sponsor qui renforcerait les
finances initiales de Renault. Mais là-encore, quelle identité
propre à prendre un Pérez ? Aucune.
Selon nous, il n'y aurait que trois choix possibles, crédibles et
justifiés. Nico Hülkenberg, qui a aujourd'hui une excellente image
depuis notamment sa victoire aux 24 Heures du Mans, et qui, en
plus, est considéré comme le maudit du plateau. Qu'aucun top team
n'ait jamais fait appel à lui semble scandaliser les fans et donc,
Renault ferait oeuvre de courage en le prenant.
Grosjean-Hülkenberg, cela aurait de la gueule pour commencer. Il
faudrait pour cela que Nico le veuille et notamment qu'il tire un
trait sur son projet de conserver son titre au Mans avec Porsche.
C'est tout sauf impossible, la décision de Hülk de rester chez
Force India prouvant que son objectif n°1 demeure la F1. La
présence probable de Frédéric Vasseur en tant que soit directeur
sportif soit team manager de Renault pourrait permettre de
convaincre Nico. Ensemble, chez ART, ils ont remporté les titres F3
et GP2. Encore, donc, une belle histoire à écrire.
Puiser chez Toro Rosso ?
Deuxième choix... Carlos Sainz Jr. L'Espagnol est l'une des
surprises de la saison. Annoncé sur le papier comme de la chaire
pour le canon Hollandais Verstappen, le fils du double champion du
monde des rallyes fait mieux que de se défendre. Il va vite, très
vite et est constant en course. Cela se voit moins dans le second
exercice, le manque de fiabilité de sa monture et de son moteur
l'handicapant fortement. En plus, Sainz a gagné deux des formules
de promotion de Renault (la 2.0 et la 3.5), il est espagnol
(nationalité qui rappelle Alonso et les deux titres de 2005 et
2006), il a du charisme et il a une bonne gueule, ce qui ne gâche
rien ! Carlos sera bientôt à l'étroit dans la famille Red Bull,
surtout que Max Verstappen est clairement le chouchou.
Grosjean-Sainz Jr : c'est un peu notre choix de coeur et de
raison.
Troisième choix... Max Verstappen. Si le Hollandais est vraiment la
future star que les top team voudront s'arracher dès 2017, autant
que Renault met le paquet maintenant sur lui. Ce pourrait un
excellent coup, façon Alonso en 2002, quand l'Espagnol était encore
dans le radar de Ferrari. Mais Verstappen est sans doute pieds et
poings liés à Red Bull. Et pas sûr qu'il ait envie de tenter un
coup de poker, en attendant les propositions de Ferrari, Red Bull
et peut-être Mercedes.
Puiser chez Toro Rosso parait une des meilleures options de
Renault. Le constructeur français les côtoyant depuis un an, la
communication ne repartirait pas de zéro, et même si les
performances moteur laissent à désirer en 2015, un pilote peut très
bien se laisser tenter par une place chez un constructeur de
premier plan.
Et en 2017 ?
En revanche, le marché des transferts va exploser pour 2017.
C'est désormais acté avec plusieurs fins de contrat, dont Räikkönen
et Rosberg. Renault a surtout le regard tourné vers cette
échéance-là, pour vraiment lancer son projet. Justement, Nico
Rosberg pourrait être un excellent choix pour Renault. Il est
encore jeune, sort de sept saisons avec Mercedes où il a connu
l'excellence des méthodes de travail, et voudra se relancer après
avoir subi le joug d'Hamilton. Il est intelligent, bon metteur au
point. Il ferait un bon choix. Idem pour Daniel Ricciardo, pilote
rapide et très populaire, également lié à Renault dans les formules
de promotion. Mais on n'en est pas encore là, Renault devant déjà
se décider et réussir la future délicate année de transition. Rien
ne lui sera épargné en cas de déception dès 2016.
Conclusion :
Si Grosjean/Pérez parait le plus probable pour cette saison 2016 de
transition et de lancement, cette association ne nous convainc pas.
Pas assez forte, sportivement et surtout symboliquement. Au
contraire d'un duo 100% français Grosjean/Vergne ou Grosjean/Ocon,
et aussi et surtout d'un Grosjean/Hülkenberg ou Grosjean/Sainz. A
Renault maintenant de conclure son retour et de faire son annonce.
On saura alors quelle histoire ils comptent nous raconter.


