Nissan GT-R (2017) : promesse d'avenir

SUPERTEST. Dévoilée il y a près de dix ans, la tueuse de 911 Turbo a fait couler beaucoup d'encre. Mais la GT-R 2017 n'arrive toujours pas à la faire vaciller.
Nous sommes des privilégiés. Les plus belles et les plus rapides
autos de la planète nous passent entre les mains et nous savons que
nous sommes chanceux. Des chanceux qui écoutent. Aussi, lorsque
depuis des années, à l'occasion de journées sur circuit, on entend
çà et là que la Nissan GT-R est un monstre qui humilie tout ce qui
roule, surtout une marque comme Porsche qui a fait de l'utilisation
sur piste l'un de ses leitmotivs, on finit par le croire.
Il suffit de regarder l'armada de japonaises qui déboule sur les
circuits de la planète pour se convaincre que la Nissan est devenue
la nouvelle chouchoute des track-days. Parmi les points forts de
nos supertests, l'objectivité. Rien d'anormal pour un exercice
journalistique, c'est même recommandé, mais ça mérite d'être
répété. Une même piste, toujours le même pilote. Certes, les
conditions météo varient (souvent). N'empêche : l'exercice a été
voulu pour que chaque prétendante soit traitée de la même façon."Je
table sur 1'48'' ", annonce Christophe, qui se trompe rarement. Il
fallait bien une exception qui confirme la règle...Découvrez ici la
vidéo embarquée du chrono sur le Bugatti.
Plus GT que R ?
Le millésime 2017 ressemble comme deux gouttes d'eau à celui de
2015, qui en faisait de même avec celui de 2013, et ainsi de suite
jusqu'à 2008. Admettons que la face ait changé, histoire que le
designer maison justifie son salaire. C'est surtout à bord que le
restylage est plus sensible, avec une simplification bienvenue de
l'ergonomie et une limitation du nombre de commandes. Bon, une
partie d'entre elles se retrouvent sur le nouveau volant. Un peu
prise de tête à régler d'ailleurs, ce dernier. La faute : il y a
une tirette pour le positionnement en hauteur, une autre pour celui
en profondeur. Pas pratique du tout, à l'inverse du reste de
l'habitacle, cossu voire accueillant. J'ai bien dit voire car au
retour de leur entraînement de water poney, les mouflets râleraient
presque que Papa n'ait pas investi dans une 911 Turbo S (vidéo de la vitesse maxi par ici
!), tant les places arrière sont symboliques. Tiens, comme sa
concurrente directe, la nippone carbure au 6 cylindres suralimenté.
Boxer et V6 partagent également la même puissance et le même nombre
de turbos.
Le bloc de la GT-R a gagné 20 ch, via un allumage peaufiné et un
boost légèrement majoré plafonnant à 0,93 bar. Tiens encore, une
fois sur le banc de puissance, les deux blocs avouent, au cheval
près, la même puissance. C'est ce qui s'appelle se tenir à la
culotte, mais l'élastique de celle de la Porsche claque davantage
quand on le lâche. Pour cause : si les deux rivales ont bien des
points communs (puissance, transmission, philosophie générale),
l'allemande est bien plus légère. Les puristes rétorqueront que 1
619 kg vérifiés pour une 911, c'est intolérable. Et 1 797 pour une
GT-R ? La Nissan est plus GT que R en termes de poussée. Soyons
d'accord : rien ne peut suivre son rythme aux feux rouges, à part
une moto sportive, mais la sensation de punch est moins oppressante
que dans la Turbo S qui vous incruste littéralement dans le cuir
des baquets. Après que la nouvelle piste du Bugatti eut séché (le
bitume venait d'être refait avant notre venue), l'ami Tinseau
rentre aux stands. "- Je ne la tiens pas. Au freinage, je perds
l'arrière et dès que j'accélère, ça sous-vire. Combien j'ai fait ?"
"- On lui dit ? 1'51''35." "- C'est franchement pas terrible."
C'est en tout cas franchement décevant. La dernière GT-R que nous
avions chiffrée au Mans était celle de 2010, avec ses 485 ch. Son
temps : 1'51''37.
Voici la vidéo du chrono 2017.
Plus GT, c'est sûr
A l'époque, c'était Julien qui avait prêté la GT-R à Sébastien
Bourdais. Le pilote était descendu bluffé de l'efficacité et du
chrono. "Le nouvel enrobé ne lui réussit pas, je pense. Je ne vois
pas d'autre raison pour qu'elle sature autant en appui", explique
Christophe. O tempora o mores : en plus de six ans, les
performances des autos ont bondi et celle qui effrayait toute la
galaxie automobile signe aujourd'hui un temps de Carrera S. L' AMG
GT-S, moins puissante et sur le papier moins efficace, est devant
avec ses 1'51''18. Où est l'arnaque ? Nulle part et il faut
recentrer le débat. La GT-R est encore ce qu'elle a toujours été :
un engin long, lourd et intimidant, qui initie son conducteur aux
passages à la vitesse lumière. On sent que ça pousse sans vraiment
sans rendre compte. Les chronos en témoignent.Le 0 à 100 km/h :
3''5. Le mille, en 20''7, fait plus penser à une valeur
aéronautique.
Pourtant, c'est nettement plus lent que revendiqué. Pire : ces
valeurs sont similaires à celles du modèle 530 ch. La Nissan frise
toutefois les 230 km/h compteur au bout des stands et, croyez-nous,
le droit avant la chicane Dunlop est de suite plus effrayant.
"C'est sûr, ça pédale." Christophe aime bien les analogies
avec le vélo et il faut reconnaître que la Nissan peut être confiée
à n'importe qui. "Indéniablement l'un de ses points forts",
renchérit le pilote. Y a des vibreurs sur le circuit ? Ah bon. Même
en R, l'amortissement piloté de chez Bilstein est très conciliant
au point que, contrairement aux générations précédentes, il n'est
plus insupportable pour un usage régulier, voire quotidien. On
détecte même, sur l'A11 qui mène au circuit, une certaine tendance
au flottement lorsque la petite gâchette est placée sur Confort.
Nissan ne nous aurait pas refilé une Sentra recarrossée quand même
? Visionnez cette vidéo pour vous rassurer.
Godzilla en pré-retraite ?
Loin de là, même si l'échappement en titane manque toujours
cruellement de timbre pour nous émouvoir. La GT-R marche fort, en
dépit d'un manque de puissance sensible (voir encadré), soigne son
rapport poids/puissance qui passe de 3,7 à 3,2 kg/ch et pourtant,
sur une piste mancelle nouvellement refaite, elle ne va pas plus
vite. Pour Christophe, l'explication tient dans les mouvements
parasites. En assouplissant sa suspension, la GT-R a perdu en
efficacité. Certes, les trajectoires peuvent être tendues puisque
Godzilla engloutit les vibreurs mais la transmission, si probante
en matière de motricité, peine à réguler convenablement le
transfert sur l'avant.
En d'autres termes, à la remise des gaz, ça sous-vire et pour le
coup, il faut juguler cet écart en relâchant. Et, si la GT-R est
assez sensible de l'arrière sur les freinages, elle se montre plus
neutre sur les phases transitoires et peine à retrouver la ligne
que son pilote souhaite lui voir prendre. Les pneus Dunlop Sport
Maxx ne sont pas en cause. Leur pression est demeurée imperturbable
pendant les trois tours chrono, et à l'issue de ces derniers, les
entailles avaient toujours bonne mine. Les freins (étriers 6
pistons à l'avant, 4 à l'arrière) ont davantage souffert avec un
allongement de la pédale, la faute à une montée en température du
liquide qui, comme trop souvent sur les voitures que nous emmenons
dans la Sarthe, résiste mal à l'échauffement. Les distances que
nous avons relevées au CERAM sont d'ailleurs assez moyennes : 142
m. La japonaise mérite une rigidification globale de ses
débattements pour en faire une pistarde. Quoi qu'il en soit, on
prend son pied avec elle. Cela débute avec cette direction
précise.
Roi du monde
La renommée de la GT-R n'est pas usurpée : à son volant, tout
semble si simple au point que son conducteur se sent pousser des
ailes. Je suis le roi du Monde ! Alors que sur réseau secondaire,
on décèle une tendance au guidonnage lorsque le bombé du bitume est
trop flagrant, sur le Bugatti, c'est tout bon. La boîte à double
embrayage à 6 vitesses n'est pas au niveau de ce que proposent
Ferrari, Porsche ou McLaren, avec des rapports qui tardent à
passer, mais son étagement serré permet d'exploiter pleinement la
forme olympique du 3,8 litres. Mais le plaisir vient avant tout de
cette prise en mains intuitive. La Nissan doit en bonne partie sa
renommée aux jeux vidéo.
Elle n'est pas usurpée : à son volant, tout semble si simple au
point que son conducteur se sent presque invincible. Tout va vite,
les erreurs sont pardonnées, on se sent pousser des ailes. Je suis
le roi du Monde ! A défaut d'être Leonardo di Caprio, le quidam
jubile. Ce n'est pas le toucher ultra-incisif d'une GT3 RS, ni la
claque surpuissante du V8 biturbo d'une 488 GTB et encore moins le
dynamisme d'une 650S mais la lourde intégrale répond parfaitement à
une demande contemporaine : aller vite, sans se faire peur. Et pour
pimenter l'expérience, gageons que les Track Edition, non
disponibles au moment de cet essai, répondront à nos attentes.
Suspensions Bilstein abondamment retouchées, barres antiroulis plus
légères et aéro revue devraient satisfaire notre ami Christophe. En
partie du moins...Foncez revoir le chrono de la Nissan GT-R 2017 sur le Bugatti.
Quelques chiffres
Voici quelques données sur Godzilla version 2017. La GT-R a son
énorme derrière entre deux chaises. Ses performances inquiètent des
sportives mais son feeling de conduite n'a rien d'envoûtant. Chrono
en main, cette version 2017 n'est même pas plus rapide qu'un modèle
de 2010.
Reste que pour qui cherche un dragster avec du coffre, efficace
sans être radical, la GT-R est imbattable.
> Moteur : V6, biturbo, 570 ch à 6 800 tr/mi, 64,9 mkg à 3 600
tr/mn
> Transmission : intégrale, boîte 6 rapports robotisé
> Poids constructeur/contrôlé : 1 752 / 1 797 kg
> Prix de base/modèle essayé : 99 911 €/105 911 €
> Nos performances : 0 à 100 km/h en 3''5, 0 à 200 km/h en
11''1, 1 000 m D.A. en 20''7, 315 km/h (annoncée, autolimitée)
Photo : C.Choulot/EMAS


