Humeur d'avant GP de Bahreïn : le cas Rosberg

Avant et après chaque GP, Sportauto.fr se laisse aller à une humeur très personnelle. A Bahreïn, il est question du pétage de plomb de Nico Rosberg.
Depuis dimanche soir et sa vigoureuse sortie contre Lewis Hamilton en pleine conférence de presse d'après GP de Chine, Nico Rosberg est la cible de toutes les moqueries et railleries. Quelle que soit la victime, Twitter et les réseaux sociaux font office de boucheries médiatiques. Au point de compliquer encore plus l'éternel dilemme entourant la communication des pilotes : quand ils ne parlent pas assez, on les trouve sans intérêt, et quand ils se lâchent ou craquent, ils passent pour des pleurnicheurs. Il faudrait savoir ce que l'on veut. Rosberg l'expérimente cette fois, comme d'autres avant lui : Hamilton, Vettel, Webber, Alonso...
Jamais eux, toujours les autres
Tous, qu'ils se soient fait prendre la main dans le sac ou pas,
ont un point commun : ils ne sont pas aussi forts mentalement qu'on
l'imagine. Les pilotes de F1 évoluent, très seuls, pas ou mal
entourés, dans un univers de haute pression et de haute tension. La
compétition fait rage, les enjeux sont colossaux, et ils sont en
première ligne, guidés par leurs ambitions démesurées. Ces sportifs
sont des grands égoïstes, dont la particularité est de tirer leur
force d'une technique éculée : toujours reporter ailleurs leurs
propres responsabilités. Parlez à d'anciens pilotes et tous vous
expliqueront qu'ils n'ont pas été champions car leur équipier leur
a fait des crasses, car les ingénieurs étaient contre lui, car les
pneus n'étaient pas bons... Il est rarissime d'en trouver un,
admettant "je n'étais pas assez fort" ou "mon équipier était
meilleur que moi." Leur grande particularité pour survivre dans
cette jungle est de ne jamais lier ce qu'ils leur arrivent à leur
propre faute. Ils gardent leur rage de vaincre en s'en prenant aux
autres. Un réflexe pavlovien. Tous ne le formalisent pas
verbalement comme Rosberg l'a fait, pourtant ils pensent tous
ainsi.
Mieux, ils se remotivent en projetant leur frustration à
l'extérieur. C'est sans doute aussi pourquoi Nico Rosberg s'est
lâché ce dimanche en Chine. Il se contient depuis plusieurs
courses, il emmagasine depuis des mois l'énergie négative d'être
battu sportivement par son équipier... Il avait besoin, ce jour-là,
d'exploser, de crier sa colère même si elle n'était pas fondée. La
frustration de 2014 a fait irruption à ce moment précis. Lewis
Hamilton a à peu près fait la même chose en Belgique l'an passé, en
pétant un plomb à l'arrivée de la course. Il était sorti du
briefing en allant voir directement la presse pour répéter que Nico
Rosberg lui avait avoué l'avoir délibérément accroché au 2e tour.
Evidemment, l'Allemand n'avait rien avoué du tout, mais Lewis avait
eu besoin, après les tensions énormes depuis Monaco et la bonne
passe estivale de son équipier, de lâcher la bride. Comme par
hasard, après, il est revenu mentalement plus calme et plus fort
que jamais. Il s'était remotivé de la sorte, tout en mettant la
pression sur son équipier qui, du coup, a perdu l'avantage qu'il
avait récupéré.
L'arme psychologique contre l'impuissance sportive
Dans le cas de Nico Rosberg, sa complainte chinoise est d'un
autre ordre. Elle tient de la particularité de son duel avec
Hamilton depuis deux ans. A chaque fois, cela commence pareil. Il
est battu nettement en début de saison. Puis vient la saison
européenne, et Rosberg parvient à revenir dans le jeu. L'an passé,
notamment, où battu jusqu'à Monaco, il avait ensuite entamé une
lutte en coulisses qui lui avait permis ensuite de signer 7 pole
positions en 8 GP et de gagner 3 GP. Hamilton, émotionnellement
touché, s'était déréglé en un rien de temps. Il avait mis du temps
à retrouver sa sérénité.
Rosberg, secrètement, veut faire craquer Hamilton. Il veut l'amener
sur un terrain qu'il maîtrise moins : la place publique. Il sait
qu'en piste, c'est dur de battre son équipier à la régulière, alors
il s'en prend à lui en coulisses. On a découvert l'an passé que
Nico était un personnage plus complexe qu'on l'imaginait, malin
certes mais aussi parfois un peu vicieux. Monaco, Canada, Spa...
C'est une de ses armes. Comme celles d'autres avant lui : Piquet,
Prost, Schumacher face à Hill de temps en temps... Rosberg a décidé
de la sortir en Chine. Elle n'est pas sûre du tout de fonctionner,
mais c'est sa seule chance maintenant de rester dans le combat.
Hamilton a compris la parade depuis Spa l'an passé et parait en
mesure de la neutraliser à nouveau. L'Allemand risque d'y perdre
des plumes en popularité. Et s'il perd encore en 2015, ce sera la
double peine. Mais devenir champion du monde ou tenter de le
devenir est parfois à ce prix-là.


