F1 - Les stratégies vont-elles vraiment changer ?

Les pilotes pourront choisir parmi trois types de pneus cette année, avec plus de liberté qu'auparavant, mais l'impact sur les courses devrait rester limité.
L'une des principales nouveautés du règlement 2016 est une plus
grande liberté donnée aux pilotes dans leurs choix de pneus.
L'idée, lancée par Force India, a été validée par la FIA. Mais alors que l'équipe
proposait de laisser les équipes choisir leurs deux types de pneus,
Pirelli continuera à faire les choix, en proposant désormais trois
types. Par crainte de voir les équipes faire des choix trop
risqués, le manufacturier a énormément encadré le nouveau
règlement.
Les pilotes ne seront pas totalement libres de leurs choix. Ils ne
choisissaient aucun train de pneus en 2015, et ils pourront en
choisir 10 sur les 13 cette année. Un train de pneus, a priori du
type le plus tendre des trois, sera cependant réservé à la Q3, et
deux autres, a priori un de chacun des deux types les plus durs,
seront réservés à la course, avec l'obligation d'utiliser l'un des
deux.
Ce manque de liberté devrait lisser les stratégies. Imposer
l'utilisation d'un des deux trains réservés à la course aura peu
d'impact puisque le règlement oblige toujours à utiliser deux types
de pneus, et que si le pilote veut utiliser un train de pneu qui
n'est pas imposé, il aurait de toute façon était contraint
d'utiliser au moins l'un des deux trains de pneus imposés. Ces deux
trains imposés limiteront cependant les choix sur l'ensemble du
week-end, ce qui va pousser à une uniformisation des sélections.
Pirelli espère quand même que le nouveau règlement permettra
d'ouvrir les stratégies.
« En fait, ça permet aux équipes de faire un choix différent
de ce qui existait auparavant, si elles estiment qu'avec leur
châssis elles peuvent être un peu plus agressives et peut-être
prendre le composé le plus tendre et faire un relais plus long que
celui d'une autre équipe, » a expliqué Paul Hembery, le patron
de Pirelli Motorsport, à Sky Sports F1.
Hembery veut des stratégies différentes, Button n'y croit pas
L'objectif du nouveau règlement est de permettre à des pilotes
de créer la surprise. Pirelli souhaite voir des choix différents
parmi les pilotes, y compris entre équipiers, même si Mercedes
s'oppose à une telle philosophie.
« J'espère que ça mènera à des choses comme 2012 ou 2013,
quand Force India, Lotus et Sauber ont pu prendre une approche
différente, que ça différenciera peut-être les stratégies entre les
voitures et que ça leur permettra de décrocher un meilleur résultat
que ce que présageait leur place sur la grille, » a indiqué
Hembery à BadgerGP. « Ca reste le véritable espoir, et ça
serait assez bien que les équipes séparent les stratégies entre
leurs pilotes. »
Jenson Button ne partage pas cet optimisme. Il estime que les
limites imposées dans les choix vont empêcher toute décision
audacieuse: « Tout le monde utilisera les mêmes pneus, »
a assuré le champion du monde 2009 à Autosport. « A moins
d'avoir un gros problème avec un type de pneus, tout le monde
utilisera les mêmes. »
Même si la dégradation des pneus reste l'un des éléments les plus
difficiles à intégrer dans les simulations, les équipes ont souvent
des stratégies très proches. Un pari ne survient que dans une
situation particulière et il reste une option secondaire, par
nature jugée moins bonne que la stratégie de base. Que la meilleure
stratégie soit en utilisant deux ou trois types de pneus en course,
les équipes devraient donc faire des choix assez similaires, ce que
reconnaît Hembery.
« Si on prend une équipe comme Haas, qui arrive dans le
championnat, ils on moins de données que tout le monde, donc pour
eux je suis certain que les décisions seront assez difficiles en
début de saison, » a précisé l'Anglais à Sky Sports F1.
« Mais durant l'année, les choses vont probablement beaucoup
se normaliser entre les équipes, avec des choix de plus en plus
similaires. »
Les équipes trouveront vite les bonnes solutions
Quand un nouveau règlement a des conséquences sur les
stratégies, les équipes en prennent rapidement la mesure.
L'ouverture sur les choix de pneus devraient donc créer de
l'incertitude en début de saison.
« Je ne pense pas qu'au début de la saison les choses seront
normales, » estime Hembery. « Je suis assez certain (...)
que certaines décisions (...) seront intéressantes en début de
saison. »
Hembery évoque le début de saison puisque les équipes devraient
rapidement les meilleurs stratégies possibles: « Nous sommes assez
intelligents en Formule 1 et s'il y a une bonne solution, nous la
trouverons assez vite, » a expliqué Pat Symonds, le directeur
technique de Williams, à Autosport. « Et ensuite on aura tout
perdu. »
Pat Symonds prend l'exemple de la saison 2003, la première année où
les pilotes ont dû se qualifier avec le carburant pour le premier
relais. Ce règlement est resté présent jusqu'en 2009 mais dès la
deuxième course, Renault a placé Jarno Trulli et Fernando Alonso en
première ligne, en roulant avec peu de carburant, et cette
stratégie s'est avérée efficace. Elle a été copiée par la
concurrence.
« Après des analyses, nous avons décidé que ce que nous devions
faire, c'était considérer les qualifications comme le premier tour
de la course, » explique Symonds. « En Australie, nous
n'avons pas eu de très bonnes qualifications, nous n'avons pas
vraiment démontré notre approche et personne n'a vraiment remarqué
ce que faisions. »
« Mais en Malaisie, nous avons eu les deux voitures en
première ligne. Je me souviens de tous ces gens intelligents, comme
Ron Dennis, qui disaient "oh, c'est juste pour se montrer". A la
course suivante, la plupart des gens faisaient la même chose. Les
gens n'ont pas besoin de beaucoup de temps pour comprendre ce qu'il
faut faire. »
Cette fois, ces choix pourraient mettre quelques courses de plus à
se mettre en place puisque les sélections de pneus des pilotes se
feront plusieurs semaines à l'avance. Les équipes devraient
cependant faire des choix souples en début d'année, couvrant
plusieurs possibilités.
Le règlement aurait pu être mieux fait
Avec une liberté plus grande mais encore très encadrée, Pat
Symonds doute que les courses soient réellement chamboulées par le
nouveau règlement. Il regrette les limites imposées par
Pirelli.
« Je ne peux pas dire que je suis vraiment excité par les
changements sur les règlements autour des pneus, » reconnaît
Symonds. « J'aime les choses qui ajoutent un peu de
chaos. »
« A la base, quand les propositions sur les pneus ont été
faites par les équipes, je pense qu'il y avait une vraie chance
d'apporter un peu de chaos, parce qu'il avait plusieurs façons
d'aborder le problème. Pirelli ne voulait pas que les équipes
choisissent les pneus partout, ce qui est un peu
étrange. »
Pour lui, l'argument de la sécurité ne tient pas puisque les
équipes n'auraient aucun intérêt à faire des choix trop
risqués : « Nous sommes des adultes assez responsables et
en fait j'aime bien marquer des points dans les courses, et tenter
de les gagner, » ironise Symonds.
« Nous pourrions mettre les moteurs à fond et les faire
exploser à la première course mais nous ne le faisons pas. Nous
pourrions concevoir des voitures qui ne sont pas assez solides,
mais nous ne le faisons pas. Nous sommes assez bons dans ce que
nous faisons. Je trouve assez malhonnête de suggérer (que les
équipes feraient des choix dangereux). Je pense que ça avait
le potentiel pour être un peu mieux. »
Jenson Button pense que cette mesure ne changera rien au
spectacle: « Si c'était totalement ouvert et qu'on pouvait
utiliser tous les types de pneus disponibles, on pourrait voir
quelqu'un tenter une chose un peu différente, un peu folle. Mais on
est limité à trois types de pneus et tout le monde fera exactement
la même chose. Après la première course, plus personne n'en
parlera. »
Une certaine confusion pourrait également apparaître, avec plus de
choix stratégiques possibles et des pilotes qui n'auront pas
forcément les mêmes pneus à disposition. Pour éviter que les
courses deviennent plus difficiles à suivre, Pirelli veut communiquer toutes les informations en temps
réel.


