Que penser du retour précipité de Manor ?

Fin 2014, Marussia semblait définitivement perdue. Mais l'écurie anglaise revient en 2015, sous l'appellation Manor. Un retour qui pose bien des questions.
La F1 n'est pas seulement Ferrari, Mercedes, McLaren ou Williams. Bien sûr, les top team font majoritairement le sport, le spectacle et le suspense, mais pas seulement. Il a aussi toujours fallu des petits aux côtés des gros : ne serait-ce que pour donner leur chance à des jeunes pilotes. Les Jordan, Marussia, Minardi, Forti, Super Aguri, Caterham et compagnie ont historiquement plus que bouché les trous sur les grilles de départ, elles ont servi la discipline tout entière. On se souvient qu'Alonso a débuté dans une Minardi, Senna dans une Toleman, Häkkinen dans une Lotus, Räikkönen dans une Sauber. De même pour des ingénieurs comme Brawn, Newey... On doit aussi à ses petites écuries des exploits mémorables, tout aussi admirables et salutaires pour la F1 qu'un pilote qui logiquement gagne dans la meilleure voiture. La neuvième place héroïque de Jules Bianchi dans la Marussia à Monaco l'an passé avait ravi les fans et le paddock tout entier. Pour toutes ces raisons, tout le monde espérait que Marussia, à défaut de Caterham, se sauve.
Une voiture 2014 dans les 107 % ?
Manor, la structure qui depuis 2010 alignait les Virgin puis Marussia, s'est engagée à la dernière minute dans le championnat 2015. Elle devrait courir dès le GP d'Australie mais avec ses monoplaces 2014. C'est là que le bât blesse. La voiture 2014 déjà à plus de trois secondes des meilleurs l'an passé va se retrouver plus loin encore. Sans doute à plus de 5, 6 ou 7 secondes, soit à la limite des 107%. C'est donc à se demander à quoi cela rime-t-il vraiment ? Le retour de Manor est étroitement lié au paiement par la FOM des primes de résultats des deux points de Bianchi l'an passé. La somme avoisinerait les 40 millions de dollars. Si Manor avait loupé les premiers grands prix de la saison 2015, cette somme aurait été perdue et distribuée en trois parts égales à Lotus, Force India et Sauber. Le repreneur de Manor, l'homme d'affaires Stephen Fitzpatrick, a donc mis la main à la poche avec la certitude d'en récupérer une partie dès le début de la saison. En sauvant Marussia, il fait une bonne affaire économique.
L'esprit Jules Bianchi
Reste que voir une voiture larguée en performance, pas aux dernières normes de sécurité (le drame Jules Bianchi est encore dans toutes les têtes), avec deux pilotes jeunes et inexpérimentés, ainsi qu'un pilote de réserve qui n'est autre que le fils du patron (Jordan King, fils du directeur par intérim Justin King) n'est pas très encourageant. Mais si cela permet pendant une saison de laisser perdurer l'esprit premier de Marussia et le souvenir de l'exploit de Bianchi, alors, on passe l'éponge. Il faudra rapidement que des gages meilleurs soient apportés pour 2016 : nouvelle voiture, soutien croissant de McLaren...