Essai - Porsche 718 Spyder RS : un dernier (thermique) pour la route...
Après lui, c’est fini : le remplaçant de la gamme 718 ne s’alimentera plus de sans-plomb mais basculera vers le tout-électrique. Le Porsche Spyder RS nous prépare-t-il à ce changement vertueux ? Pas vraiment et, même sous la pluie allemande, impossible de ne pas vouloir s’en resservir une bonne rasade...
La première diapo de la présentation presse fait vibrer la corde
nostalgique. Une Porsche 550 Spyder (1953), à la symétrie quasi
parfaite, me ferait presque regretter d’être né avec le Club
Dorothée. Le Spyder RS contemporain, lui, est la version la plus
ultime des 718 découvrables.
Côtoyant les lombaires, le moteur 4 litres venu de la 911
GT3 Cup. Un demi-millier de chevaux : ça devrait suffire. Chez
Porsche, RS (pour RennSport) est synonyme de chasse aux kilos. Dans
le cas du roadster rouge, Zuffenhausen n’y va pas avec le dos de la
cuillère.
Avec le pack Weissach et les jantes en magnésium optionnelles, le
Spyder RS serait 5 kg plus léger que le Cayman GT4 éponyme. Et si
on confronte sa fiche technique à celle du Spyder « tout court »,
l’écart grimpe à 40 kg. Sur le Boxster de base, la capote, qui est
électrique, pèse 34,8 kg. Sur le Spyder, elle est déjà 8,7 kg moins
lourde.
Sur le RS, le couvre-chef avoue 18,3 kg, soit quasiment deux fois
moins que la valeur initiale. Le Spyder RS récupère aussi le bloc
atmosphérique de la 911 GT3, une première pour les 718
découvrables. Mais le Spyder tout court, me direz-vous ? En fait,
sa cylindrée est identique, mais là s’arrête la similitude.
Le 4 litres du Spyder est en réalité le 3 litres des 992 réalésé
auquel la paire des turbos est partie conter fleurette sous
d’autres cieux. Celui du RS, lui, dérive de la compétition et cela
se sent tout de suite. Il faut une dose de témérité pour attraper
la zone rouge à 9 000 tr/mn.
Il faut avoir le cuir bien tanné pour ne pas frémir à mesure que le
compte-tours, avec une certaine inertie, poursuit son ascension.
Privé de suralimentation (fort heureusement), ce moteur ne déborde
pas de vigueur mais il incite à le cravacher sans cesse. Pour notre
plus grand plaisir. Et celui du pompiste...
A l’heure où l’automatisation automobile bat son plein, s’inviter à
bord du RS devient un voyage dans le passé. La cartographie désuète
du GPS témoigne du remplacement prochain de cette gamme 718 par, on le sait déjà,
un duo coupé/cabriolet 100 % électrique. L’infographie y sera plus
jolie, la polyvalence encore meilleure, même si, tout RS qu’il est,
le Spyder conserve ses très pratiques deux grandes soutes à
bagages.
Les sièges en carbone (monocoques) sont quasi parfaits, bien moins
fermes que la finesse de leur dossier laissait croire. Pour
décapoter ou recapoter, il faut le mode d’emploi, de la patience,
ne pas tourner trop vite les pages de la notice et de nouveau
(beaucoup) de patience.
Après avoir déclipsé les ancrages de capote près du double bossage
et désolidarisé la custode arrière, il convient de déverrouiller
une poignée commandant le tendeur à l’arrière. On saute à nouveau
dans l’habitacle pour libérer la gâchette entre les deux
pare-soleil avant de rouler la capote. Ce traversin de fortune
prend alors place derrière les appuie-tête.
Certains propriétaires râleront peut-être face à cette gymnastique
qui suppose de ne pas brûler les étapes sous peine de se retrouver
trempé par une pluie inattendue. Nous l’avons hélas vécu, mais
plutôt que de pester contre le Spyder RS, nous avons préféré y voir
une expérience de conduite.
Porsche 718 Spyder RS : le chant du six
Il y a sur le marché des cabriolets bien plus pratiques, mieux
insonorisés, plus polyvalents que ce Spyder RS. Mais aucun, à notre
connaissance, ne pousse le curseur de la sportivité à ce niveau. On
me rétorquera Caterham. Je répondrai extase mécanique car si la
Seven est encore plus spartiate, elle ne peut lutter si on se
focalise sur le chapitre moteur.
O.K. : la Porsche est usante sur autoroute
en raison de sa transmission aux rapports rapprochés. D’accord
aussi pour pointer du doigt l’insonorisation déplorable de la
toile. Mais comme c’est sur départementales que ce cabriolet donne
la pleine mesure de son talent, oublions ces griefs. Le Spyder est
déjà une excellente auto, capable de satisfaire les plus
exigeants.
Qu’apporte le RS ? De la visibilité arrière, faute d’aileron en
carbone (pour conserver son équilibre aérodynamique, la suppression
du zinc de bar a aussi conduit à réduire le spoiler avant). Et de
la rage mécanique. Et ce sentiment de jubilation presque honteuse,
tant cravacher un flat 6 hurlant à s’en vriller les bielles a
quelque chose de délicieusement subversif à l’heure actuelle.
Notre monture dispose de presque toutes les options. Quasiment 260
000 € le Boxster : ça commence à faire cher la Porsche d’entrée de
gamme. Là se situe le premier écueil, appréhender ce Spyder RS
comme un super-718. Il est tellement plus
que ça. Ce 4 litres n’a pas seulement une personnalité
multipolaire, en plus, ses modulations de fréquence, à régime
identique, sont sauvages.
Pour résumer : il peut la mettre en sourdine à 3 000 tr/mn si le 46
fillette caresse l’accélérateur, comme il peut grogner comme un
lion en cage, au même régime, si ledit pied droit oublie ses bonnes
manières. Ensuite vient une litanie que je vous ai déjà servie par
le passé. Chaque tranche de 1 000 tr/mn est orchestrée
différemment.
A mi-régime, le non initié a déjà eu son compte et pérorera auprès
de son entourage : « Si tu entendais le bruit de cette
Porsche…» Mais c’est comme quitter la table dès l’amuse-bouche
chez un étoilé Michelin. L’entrée est amenée vers 7 000 tr/mn. Les
pistons donnent l’impression de frotter dans les chambres de
combustion.
Le maître d’hôtel déboule 1 000 tours plus tard. Vu votre rictus
extatique, il en déduit que le repas se passe bien. Tant mieux car
c’est désormais une grosse louche de stridence qui accompagne cette
frénésie. Vous vous pensez rassasié ? Que nenni !
En dessert, le chef vous propose un lavage des conduits auditifs,
une chair de poule même si le thermostat est réglé sur 25 °C et un
chamboulement des repères. Pas en termes de poussée, ne mentons
pas, car la moindre bétaillère électrique tiendra en respect le
Spyder RS. Mais le goût en bouche est autrement plus savoureux.
Porsche 718 Spyder RS : pas si RS que ça
Concernant la 911, autant rouler en GT3 tous les
jours est possible, autant en faire de même avec son pendant RS est
inenvisageable. Forcément moins radical, le Spyder RS peut-il être
votre seule et unique voiture ? Oui.
Il y a d’abord tous les aspects pratiques, évoqués plus haut, sur
lesquels il ne fait pas l’impasse. Le cabrio est aussi plus
confortable que le Cayman. L’amortissement est ferme mais j’ai
connu des Carrera filtrant moins bien, malgré leur vocation grand
tourisme. La suspension pilotée PASM abaisse la garde au sol de 30
mm par rapport aux 718 de base.
Le Spyder RS ne tressaute pas sur les raccords de bitume. Attention
néanmoins aux dos-d’âne. Le porte-à-faux avant est toujours aussi
important mais moyennant les 2 616 € du Lift, vous éviterez déjà
quelques déconvenues. Paradoxalement, c’est dans les virages que le
RS perd le moins de temps.
Il faut accompagner son avant suffisamment longtemps pour le caler
sur la trajectoire mais ensuite, le conducteur écrase sans
arrière-pensée. La motricité est sans faille et pour cause : le
moteur est central et le différentiel piloté jugule les pertes de
grip. Les gommes Michelin Sport Cup 2, une fois qu’elles retrouvent
le goudron sec, autorisent les relances précoces mais sous la
pluie, les limites sont si vite atteintes que l’allure est
forcément sénatoriale.
Les freins ? Impossible d’en voir le bout sur route ouverte. Les
disques carbone/céramique sont optionnels (7 980 €) mais les
galettes en acier ventilé et perforé de série donnent toute
satisfaction. Tout comme la direction. L’assistance est électrique,
ne délivre pas le même retour d’informations que dans une Lotus
Emira par exemple, mais elle ne gomme pas outrageusement ce qui se
passe sous l’essieu directeur.
Pas plus qu’elle ne se densifie inutilement à mesure que le rythme
augmente. Les palettes de la PDK sont facilement préhensibles et la
transmission, à l’étagement court, se marie à ravir avec cette
mécanique de course. Certains Porschistes ne jurent que par la 911.
Certains ayatollahs revendiquent même que, depuis que Zuffenhausen
produit des Taycan et des Macan électriques, il n’est plus un
véritable constructeur de voitures de sport.
Certains, enfin, ne voient dans le Spyder RS qu’un objet
spéculatoire. Alors dans l’ordre : pas faux, pas faux et pas faux.
Mais il suffit de quelques kilomètres au volant de cet engin
politiquement incorrect pour contrebalancer les arguments.
Cette version est un chant du cygne. Mais plutôt que d’avoir la
larme à l’œil à l’annonce de ce qui nous attend, nous préférons
savourer le moment présent. Ce Spyder RS délivre autant de plaisir
qu’une GT3 RS, pour un tarif moindre, et se montre en prime plus
vivable un quotidien.
Le châssis des 718 en avait encore sous le pied et il ne lui
manquait que l’adoption d’un moteur extraordinaire pour tirer
sa révérence. C’est chose faite.
Porsche 718 Spyder RS : l'avis de Sylvain Vétaux
Le Spyder RS dispute probablement le titre de meilleure Porsche du moment avec la 911 S/T, la GT3 RS et le GT4 RS. L’arrivée du moteur de la GT3 Cup confirme ce que nous savions déjà : le châssis des 718 est terriblement bien né. Son remplaçant aura fort à faire pour nous émouvoir autant…
Porsche 718 Spyder RS : fiche technique
- Moteur : flat 6, atmosphérique, 24 S
- Cylindrée : 3 996 cm3
- Puissance maxi : 500 ch à 8 400 tr/mn
- Couple maxi : 45,9 mkg à 6 750 tr/mn
- Transmission : roues AR, 7 rapports double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/piloté PTV
- Poids annoncé : 1 410 kg
- L - l - h : 4 418 - 1 822 - 1 252 mm
- Empattement : 2 482 mm
- Pneus AV & AR : 245/35 & 295/30 ZR 20
- Réservoir : 54 l (90 l en option)
- Prix de base : 159 052 €
- Prix des options/malus : 39 528/60 000 €
- Prix du modèle essayé : 258 580 € (malus compris)
- V. max. : 308 km/h
- 0 à 100 km/h : 3”4
Retrouvez notre essai de la Porsche 718 Spyder RS dans le Sport Auto n°746 du 29/02/2024.


