Essai - Maserati MC20 Cielo : shoot d’air pur entre ciel et terre (+ images)
Qui pourrait résister à l’idée de sillonner les routes au volant d’une barquette en carbone ? Pas nous ! Direction le ballon d’Alsace pour un shoot d’air pur au volant de la Maserati MC20 Cielo.
Rendez-vous à Saint-Cloud sous un ciel gris sombre, pour prendre possession de la MC20 Cielo et mettre les voiles en direction du seul coin de France épargné par les averses : l’Alsace. Notre fusée jaune, à peine débarquée du camion de Modène, capte littéralement la lumière. Elle ne brille pas car elle est mate, mais elle irradie entre la grisaille et les taxis gris.
Ses faux airs de MC12, sa carrure impressionnante et sa faible hauteur font mouche. Et ses portes en élytre, toujours leur effet. En se laissant tomber dans les baquets, on s’attend à découvrir une navette spatiale sertie de boutons et truffée d’écrans. C’est l’inverse : une mer de carbone et un volant. L’habitacle fait replonger dans l’ambiance des supercars d’antan.
Cette baignoire en fibres composites rappelle quelque peu l’atmosphère d’une Ferrari Enzo. Ou d’une Maserati MC12, qui partageait la même base, effectivement. Mais le décor n’est pas brut de décoffrage. Le coffre ? Derrière et un peu devant, pas bien grands mais existants, contrairement à la Ferrari SF90 par exemple.
Il y a toujours ceux qui râleront de ne pas avoir davantage de rangements. Mais entre nous, qui jugerait une auto de cette trempe au volume de sa boîte à gants ? Maserati se concentre sur l’essentiel, c’est-à-dire ce qui se passe au volant.
Entre ciel et terre
La Maserati plonge dans l’enfilade de tunnels du périphérique parisien en rongeant son frein. C’est l’occasion d’abaisser la vitre de custode centrale, pour mieux profiter du son de ses échappements. Si le moteur chante ? Disons qu’il fredonne, il chantonne, mais moins que ses aïeuls. Bien que le V6 à préchambre de combustion soit une merveille de technologie, ce n’est pas un ténor.
En tout cas, pas autant que ses adversaires directs. Le 3 litres laisse quand même échapper des sifflements de wastegate qui font dresser les oreilles et rappellent la belle époque des F40. Au point d’inspirer une Lotus Exige 430 Cup qui nous double en rétrogradant, tout échappement hurlant, avant de revenir à un régime conventionnel plus approprié à cette portion de l’A6 truffée de radars.
Ces quelques kilomètres en bonne compagnie donnent du baume au cœur dans une jungle d’Uber grisâtres. En comparaison de cette Lotus évadée d’un circuit, la Maserati a beau s’époumoner, elle est plus discrète. Si c’est décevant ? Sans aller jusque-là, c’est surprenant. Disons qu’on ne s’attend pas à un caractère mécanique de grand tourisme presque lissé dans une auto aussi spectaculaire.
Malgré son fuselage et sa mire au ras du sol, la MC20 Cielo est donc parfaitement adaptée à un usage routier. Ne serait-ce qu’en matière de facilité et de visibilité. Au point de révéler une polyvalence insoupçonnée. Le seul bémol concerne le caractère pas toujours intuitif de certaines commandes pourtant essentielles, qui obligent à faire un billard en trois bandes sur l’écran tactile, en quittant accessoirement la route des yeux.
Un coup d’éperon fait rétrograder la boîte 8 et jette de l’huile sur le V6. La MC20 décampe joyeusement. Sympa, très sympa même, mais pour être honnête, la poussée n’est pas aussi spectaculaire qu’escompté. Pas aussi marquée, en tout cas, que celle de la concurrence directe.
Pas de débordement de puissance comme dans une McLaren, ni de supplément d’âme comme dans une Lamborghini par exemple. Pour prolonger les parallèles, le V6 de la Ferrari 296 GTB est plus envoûtant et le flat 6 d’une 911 Turbo est plus impressionnant. Si la MC20 Cielo ne vous cueille pas par le caractère de son V6 biturbo, elle vous éblouit, en revanche, par son comportement.
a coque carbone et le moteur qui donne l’impression d’être boulonné à la caisse génèrent en effet des vibrations et des sensations sans aucun équivalent. On s’en rend compte à la première bretelle d’autoroute. Malgré l’adhérence dégradée (sur sol sec) des Michelin Alpin qui équipent ce modèle d’essai, les changements de cap et les placements révèlent un entrain inhabituel.
Plus ça tourne et plus la Cielo est un poisson dans l’eau. La succession de ronds-points qui suit la barrière d’autoroute met au jour une dextérité et une capacité à pivoter invraisemblables. On s’en lèche déjà les babines en pensant à la route des Crêtes qui nous attend.
Direction les Vosges, avec l’avertisseur de radar aux aguets jusqu’à Épinal puis cap sur Gérardmer pour une courte nuit avant la chasse aux virages. Ah, l’air pur. Le V6 s’en remplit les poumons en tirant sur ses intermédiaires. Plus on délaisse les grands axes et plus la magie de la Cielo opère.
Le ballon d’Alsace est en ligne de mire et le royaume des virages se dessine sous nos yeux. On y entre comme des affamés pousseraient la porte d’une auberge réputée. Une pression prolongée sur l’écran tactile ouvre le toit et lance le début des festivités. La Cielo s’en donne à cœur joie sans jamais sembler forcer. Sa rigidité est supérieure à celle d’une Ferrari 296 GTS et au risque de verser dans les clichés, le V6 boulonné à la caisse donne l’impression de ne faire qu’un avec la machine. Il y a de quoi jubiler.
Oxygène
Dans cette profusion de virolos, la direction électrique sait préserver des remontées d’informations. En revanche, l’association des pneus hiver et du freinage « drive by wire » calme les ardeurs. L’attaque à la pédale et sa consistance laissent perplexe. Qu’importe, puisque cela ne gâche pas l’essentiel : le comportement routier de la Cielo est à l’image de celui du Coupé, c’est-à-dire au-dessus du lot. Son truc, c’est le galop.
Au rythme des nombreux allers-retours imposés par les besoins de notre séance photos, la Maserati hausse la cadence et montre son vrai visage. Sa légèreté, sa facilité et sa rigidité rappellent certaines Lotus. L’un des plus beaux compliments qu’on puisse faire.
Pourtant, le poids de la Cielo est loin d’être aussi léger que Maserati voudrait l’imaginer : 1 737 kg vérifiés par nos soins, au lieu de 1 540 kg revendiqués à vide. Soit 200 kg d’écart, une paille. Il est d’ailleurs étonnant de constater que malgré la présence de la monocoque carbone et l’absence d’hybridation, Maserati ne parvient pas à faire mieux qu’une Ferrari 296 GTS que nous avons mesurée à 1 651 kg avec les pleins.
Mais ce résultat décevant sur la balance n’empêche pas la MC20 Cielo de briller par des qualités dynamiques et un équilibre remarquable. Plus les virages défilent, plus les saveurs au volant s’imposent comme des évidences. La Cielo donne une sensation comparable à celle du Coupé, à savoir l’impression de dribbler sur revêtements dégradés et de recouvrer de la détente sur les chaussées uniformes.
En clair, et malgré le terme usurpé de « supercar », la MC20 Cielo est une vraie GT. C’est une voyageuse au long cours, qui vous incite à traverser la France… mais par les petites routes. A condition de garder un œil attentif à la vitesse pour éviter de voir s’envoler les points du permis. Ironie de l’histoire, notre descente vers Gérardmer se solde par un 92 km/h retenu au lieu de 90 km/h, on s’en tire bien.
A propos d’accélérations, nous n’avons pas pu mesurer celles de cette version d’essai, faute de l’accord de Maserati et de pneumatiques adéquats. Mais à vue de nez et à l’aune des sensations éprouvées au volant des concurrentes dûment évaluées, le 0 à 100 km/h annoncé en 3’’0 et le 0 à 200 km/h en 9’’2 paraissent optimistes.
Comme avant
Qu’importe, au fil des kilomètres et des sensations emmagasinées, on s’aperçoit que la MC20 Cielo produit des émotions si rares qu’elle dépasse le cadre d’un jugement froidement objectif. Il y a certes plus performant ou plus spectaculaire sur le plan mécanique, mais la Cielo n’a pas dit son dernier mot.
En jouant sur des émotions plus subtiles et plus subjectives, comme le fait de jongler entre une technologie moderne et de véritables perceptions old school, cette Maserati détonne. Comme sur la neige rencontrée en franchissant les cols des Vosges, où elle conserve des réactions typiques et un très bon équilibre.
Le seul bémol concerne l’auto-bloquant électronique de notre version d’essai (en option) qui met trop l’accent sur la neutralité du comportement au détriment du ressenti. Gageons que l’auto-bloquant mécanique de série et les pneus classiques laissent ressortir des réactions encore plus authentiques.
Mais cela n’entrave pas les charmes de la MC20 Cielo. D’autant qu’elle se plie à tous les styles de conduite, à en juger par sa facilité à reprendre un rythme conventionnel après le passage des cols. Une pause-déjeuner s’y improvise, avant de se résoudre à rejoindre la vallée et remettre le cap vers Paris.
On quitte la route des Crêtes en plongeant dans le champ de coton formé par les nuages, tête la première vers la grisaille, à la recherche de l’énième station-service. Il faut souligner qu’avec un réservoir de 60 litres seulement et une consommation qui peut aisément s’envoler au-delà de 20 l/100 km, les ravitaillements sont fréquents. Direction la station où le pompiste en perd son latin : « C’est une Ferrari ou une Lamborghini ? Ah, une Maserati ? C’est pas plus gros et plus haut normalement ? »
La Cielo finit de remplir sa citerne et lève le camp pour rejoindre ses congénères sur l’autoroute. Cette expérience prouve que c’est le genre d’auto nécessitant une longue distance pour faire la différence. A l’inverse d’une Lamborghini Huracán EVO ou d’une Porsche 911 Turbo S qui vous assomment en deux coups de cuillère à pot, cette Maserati a besoin de temps pour démontrer l’étendue de son talent.
Au fil des kilomètres, elle distille une sensation de légèreté, une rigidité et une homogénéité inhabituelles à ce niveau de gamme. Non pas qu’elle soit exempte de défauts, mais cela ne l’empêche pas de vous attirer comme un aimant, une fois que vous en avez pris le volant.
La conduite de la Cielo dégage une finesse et une subtilité qui se matérialisent par un toucher de route traditionnel et moderne à la fois. En clair, cette Maserati vous donne l’impression concrète de reprendre les commandes, des mains jusqu’au bout du pied, là où certaines sportives ultra-rapides sont devenues des TGV presque trop filtrés.
On lui opposera seulement deux bémols : un moteur pas assez communicatif sur le plan des sensations par rapport à la concurrence et, par là même, un tarif disproportionné au regard de ses prestations mécaniques
L'avis de notre essayeur Laurent Chevalier
Ce périple met en exergue l’une des qualités rares de la Cielo : sa faculté à mêler de vraies aptitudes à voyager aux sensations uniques apportées par l’alliance de la monocoque en carbone et du moteur donnant l’impression d’être boulonné à la caisse. En clair, c’est une voiture de course capable de se plier aux longues distances… et le plaisir qui en ressort est addictif. Même si l’on aurait apprécié un moteur plus démonstratif, ou un tarif avec options davantage en rapport avec ses prestations mécaniques, le cocktail n’en demeure pas moins savoureux.
Maserati MC20 Cielo : fiche technique
- Moteur : V6, biturbo, 24 S
- Cylindrée : 3 000 cm3
- Puissance maxi : 630 ch à 7 500 tr/mn
- Couple maxi : 74,4 mkg à 3 000 tr/mn
- Transmission : roues AR, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série, mécanique (électronique en option)
- Poids annoncé/contrôlé : 1 540/1 737 kg
- Rapport poids/puissance : 2,7 kg/ch
- L - l - h : 4 669 - 1 965 - 1 218 mm
- Empattement : 2 700 mm
- Pneus AV & AR : 245/35 & 305/30 ZR 20
- Réservoir : 60 l
- Prix de base : 287 250 €
- Prix des options/malus : 113 940/60 000 €
- Prix du modèle essayé : 461 190 € (malus compris)
- V. max. : 320 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’0
- 0 à 200 km/h : 9’’2
Retrouvez notre essai de la Maserati MC20 Cielo dans le Sport Auto n°748 du 26/04/2024.