Tour Chrono - Lamborghini Huracán STO : on la passe sur le grill (mouillé) du Vigeant !
Son V10 qui aboie dans le dos rend hystérique. Son châssis sans concession incite aux pires folies et sa ligne à mi‑chemin entre celle d’un chasseur furtif et celle d’une bête de circuit émerveille. La plus radicale des Lamborghini Huracán affole les sens et donne des envies irrépressibles de Tour Chrono au Vigeant. Même quand il pleut sans discontinuer !
A bord de l’Huracán STO, la route prend une
saveur délicieusement épicée qui donne envie d’en profiter sans
modération. Sa façon bien à elle de vous inviter à hausser le ton,
à la manière d’un petit diablotin qui vous exhorte à goûter au
fruit défendu, devient vite addictive.
Son train avant pratiquement aussi tranchant qu’un scalpel et son
freinage dont l’attaque rappelle celui d’une voiture de course sont
des incitations aux plaisirs interdits. Et puis, il y a surtout ce
fameux V10 qui tire aujourd’hui sa révérence. Un V10 qui hurle dans
le dos avec véhémence et vous supplie d’aller chercher un nirvana
perché à 8 600 tr/mn.
Comment rester raisonnable à bord d’une des sportives plus
communicatives du moment ? Avec un tel pousse‑au‑crime, la séance
de Supertest au Vigeant avec l’ami Christophe s’annonce aussi
inoubliable que palpitante. Pas de chance, la pluie s’invite à la
fête quelques minutes avant que le feu vert n’éclaire la sortie des
stands de la piste.
L’équipe Lamborghini présente sur place troque les semi‑slicks
Potenza Race pour leurs homologues Sport dont les sculptures
supplémentaires rassurent davantage dans ces conditions.
Les nuages gris et la piste détrempée donnent tout le temps de
s’attarder sur notre Huracán STO dont les lignes
d’avion furtif taillé à la serpe en font des caisses pour mériter
la prestigieuse appellation ! « STO » comme « Super Trofeo
Omologato », soit la version routière des modèles qui disputent le
trophée monomarque sur circuit, rien que ça !
Signes extérieurs de vitesse
Toute la partie avant comprenant capot, bouclier et ailes est
réalisée en une seule pièce baptisée « cofango ». Cet ensemble
bascule vers l’avant comme celui de la glorieuse Miura et a recours
à une multitude de conduits et déflecteurs pour canaliser le flux
d’air afin d’optimiser la déportance et le refroidissement.
Dans toute cette usine à gaz, il ne reste qu’un tout petit espace
pour installer un casque. Le capot arrière, dont les persiennes
généreusement ajourées rappellent les Lamborghini les plus
sauvages, l’utilise également pour dévoiler son merveilleux V10 qui
récupère un peu de fraîcheur à travers une prise d’air intégrée au
sommet du toit.
La panoplie aérodynamique arrière y ajoute une aile de requin et un
aileron dont la partie inférieure est réglable selon trois
positions. De quoi offrir un appui de 324 à 420 kg à 280 km/h en
fonction du réglage choisi. Pas mal, même si la toute dernière GT3
RS va bien plus loin encore, avec 860 kg de charge à 285 km/h.
La traque aux kilos superflus participe à la performance générale.
La STO commence par se débarrasser de son pont avant pour devenir
une pure propulsion. Elle utilise le carbone sur 75 % de sa
carrosserie à condition de mettre la main au portefeuille. Les
ailes arrière ont également droit à la précieuse matière dont la
construction en sandwich permettrait d’en économiser 25 %, tout en
conservant la même rigidité structurelle.
L’allègement concerne presque tous les postes. Le pare‑brise 20 %
moins lourd que celui des autres Huracán et les jantes magnésium
apportent leur pierre à l’édifice. Le résultat ? 1 339 kg à sec
selon Lamborghini et 1 528 kg mesurés
sur notre balance de Mortefontaine.
Vu que le réservoir engloutit 80 litres de sans‑plomb et non pas
200 litres, un bon quintal s’est perdu en chemin par rapport aux
promesses du constructeur. Sacrés Italiens ! Le châssis profite
d’un recalibrage de l’amortissement piloté, de bagues de suspension
plus rigides et de barres antiroulis spécifiques.
Les disques de frein carbone‑céramique réalisés par Brembo
emploient ici une technologie CCM‑R offrant une résistance accrue
de 60 %, une puissance de freinage 25 % supérieure et une
décélération longitudinale raccourcie de 7 % en comparaison avec le
système traditionnel utilisé sur les autres Huracán.
Pied de velours
Un tel apanage met forcément en appétit l’ami Christophe, qui
s’élance pour une première session : « C’est une véritable
patinoire ! Les importantes coulées d’eau dans la ligne droite
engendrent de l’aquaplaning qui m’oblige à soulager à de nombreux
endroits. Je suis même contraint de conserver l’ESP. » C’est
dire si les conditions météo sont compliquées !
La position de conduite lui convient : « On est très bien
installé, avec cette impression immédiate de faire corps avec la
voiture. J’inclinerais peut‑être un peu plus le siège pour que tout
soit parfait, mais ce n’est pas possible avec ce baquet dont
l’assise est fixe. En revanche, il est plutôt raide. Une petite
mousse supplémentaire ne serait pas de trop pour absorber les
imperfections de la piste ! »
Un court trajet suffit
amplement à se rendre compte que l’amortissement piloté ne fait pas
dans la tendresse. Au point de rendre le toucher de route des
Corvette Z06 et Ferrari 296 GTS Assetto Fiorano infiniment plus
conciliant en comparaison !
En l’absence de possibilité de chronométrage sur le sec, notre
pilote facétieux s’affranchit de la béquille électronique pour
mieux distraire les photographes : « La poupe de la STO pivote
en fin de freinage. Il suffit ensuite de remettre les gaz pour
pouvoir entretenir de belles glisses. »
Dans ces
conditions, la transalpine exige un pied droit de velours à
l’accélération, sous peine de tête‑à‑queue immédiat ou de sauvetage
en catastrophe. Le manque de progressivité des décrochages et les
reprises d’adhérence brusques n’arrangent rien.
Même notre pilote le reconnaît : « La voiture réagit
brutalement dans ce cas. L’empattement court la rend vive et il
faut être particulièrement rapide sur le contrebraquage. Les
réglages des programmes de conduite au volant sont mal placés au
moment de s’adonner aux plaisirs du drift. Il arrive de changer de
mode de manière involontaire, en contrebraquant, et dans ce cas,
l’ESP se réactive ! »
La STO conserve aussi ce merveilleux
V10 atmosphérique dont les jours sont comptés. Alors certes, les
mécaniques suralimentées marchent bien plus fort, en distribuant
swing et uppercuts à mi‑régime. Mais aucune d’entre elles n’offre
une telle ivresse.
Sa façon progressive de délivrer sa puissance, sa poussée
constante, son caractère ombrageux au‑delà de 6 000 tr/mn et son
incomparable rage à 8 600 tr/mn en font un des moteurs les plus
addictifs de la planète.
Impossible de résister au timbre rauque qui s’échappe de ses
sorties Akrapovic, dont les clapets ouvrent les grandes orgues à 4
800 tr/mn dans le mode STO ou à 3 800 tr/mn sur les deux autres
programmes. Sa manière unique de vous aboyer dans le dos entre
chaque coup de palette d’une boîte à double embrayage suffit à
faire perdre la raison.
Nos mesures d’accélération font état d’un 0 à 100 km/h avalé en
3’’0 tout pile et d’un 0 à 200 km/h expédié en 8’’9. Le 400 m D.A.
est franchi en 10’’6 et le 1 000 m D.A. est abattu en 19’’5
seulement.
Complément d’enquête
La pluie qui cesse en fin de journée donne envie de sortir le
chrono, juste pour voir. Avec un tour signé en 1’57’’40, sur une
piste encore largement humide. Impossible pour autant d’en tirer la
moindre conclusion, même si Christophe a sa petite idée de la chose
: « Le châssis semble rigide, même si je n’ai évidemment pas pu
mettre suffisamment d’énergie dedans. Un peu paresseux dans nos
conditions de piste spécifiques, le train avant devrait se montrer
plus tranchant sur le sec. Si l’arrière suit, la voiture promet
d’être vraiment efficace. La bonne motricité prouve que cela
devrait être le cas. »
Quoi qu’il en soit, la STO implique
comme aucune autre concurrente son pilote sur cette piste rapide. A
l’exception d’une direction peut‑être un peu légère, la transalpine
communique à travers ses baquets ultra‑fins la plus infime des
vibrations de son V10 et la présence de chaque grain de bitume ou
morceau de vibreur constituant la piste du Vigeant.
Au point de rendre une Porsche 911 GT3 plus aseptisée en
comparaison. Ce caractère incroyablement extraverti et cette
capacité unique à mettre son pilote au centre des débats en font
l’une des plus démonstratives des sportives. La STO ne dispose pas
d’un châssis aussi efficace que celui de la dernière Porsche 911
GT3 RS, se fait déposer en ligne droite par la F296 GTS Assetto
Fiorano et n’apparaît pas aussi aboutie qu’une Corvette Z06.
C’est pourtant bel et bien celle qui comblera le plus les amateurs
de frissons. Au point même d’affoler le sonomètre à près de 105 dB
et d’imposer une sourdine pour participer à de nombreux track days.
De toute façon, il est bien trop tard pour passer commande puisque
les STO sont toutes vendues depuis belle lurette, alors que la
gamme classique quitte progressivement le catalogue. C’est sûr, ce
merveilleux V10 va cruellement nous manquer.
L'avis de notre essayeur Jacques Warnery
Avec de telles conditions météo, impossible de connaître l’intégralité du potentiel de cette STO. Toujours est-il qu’elle apparaît bien plus communicative que ses rivales directes, avec son châssis sans concession et son V10 addictif. La plus radicale des Huracán fait partie de ces autos extraverties qui parlent avec les mains et vous font perdre la raison.
Lamborghini Huracán STO : en chiffres
Lamborghini Huracán STO : fiche technique
- Moteur : V10, 40
- Position : centrale, longitudinale
- Cylindrée : 5 204 cm3
- Alésage x course : 84,5 x 92,8 mm
- Rapport volumétrique : 12,7 Régime maxi : 8 700 tr/mn
- Puissance maxi : 640 ch à 8 000 tr/mn
- Puissance au litre : 123 ch/l
- Couple maxi : 57,6 mkg à 6 500 tr/mn
- Couple au litre : 11 mkg/l
- Transmission : roues AR, 7 rapports robotisés à double embrayage
- Autobloquant : de série
- Antipatinage : de série + correcteur de trajectoire déconnectable
- Suspension AV/AR : double triangulation, amortisseurs hydrauliques pilotés avec commande électromagnétique + ressorts
- Direction : crémaillère, assistance électrique
- Tours de volant/diamètre de braquage : 2,2 tours/11,5 m
- Freins AV/AR : disques ventilés en carbone‑céramique (380 x 34 mm, étriers 6 pistons/360 x 28 mm, étriers 4 pistons) Antiblocage : de série
- Poids constructeur/contrôlé : 1 339/1 528 kg
- Répartition AV/AR : 41/59 %
- Rapport poids/puissance : 2,39 kg/ch
- L - l - h : 4 547 ‑ 1 945 ‑ 1 220 mm
- Empattement : 2 620 mm
- Voies AV/AR : 1 688/1 647 mm
- Réservoir : 80 lR
- oues AV & AR : 8,5J & 11J x 20
- Pneumatiques AV & AR : 245/30 & 305/30 R 20
- Prix de base : 299 294 €
- Options/malus : 128 040/60 000 €
- Prix du modèle essayé : 487 334 € (malus compris)
Retrouvez notre Tour Chrono de la Lamborghini Huracán STO dans le Sport Auto n°747 du 29/03/2024.



