Essai - Hyundai Ioniq 5 N (2024) : ludique, performante et efficace !
Jusque-là, à Sport Auto, nous avions du mal à nous enflammer pour les voitures électriques. Jusque-là, le plaisir automobile était thermique et, soyons francs, nous doutions que ce soit Hyundai qui nous fasse changer d’avis. Mais voici la première voiture électrique à la fois ludique, performante et efficace !
Non, mille fois non : je n’échangerais pas une journée au volant
d’une 911 S/T pour une semaine à bord d’une Ioniq 5 N. Non, un
million de fois non : cette coréenne n’entrera jamais au panthéon
des autos légendaires. Et non, un milliard de fois non : elle ne me
fera pas regretter ce que j’ai pu écrire par le passé à propos des
électriques.
Pourtant, il me faut le reconnaître, cette commode ovoïde est une
réussite indéniable et je lui souhaite le succès commercial.
Qu’elle ne devra pas à son physique. Prenez un conteneur de fret,
ôtez un peu de matière à l’avant, équipez-le de jantes forgées de
21 pouces, insérez des optiques rectangulaires, et le tour est joué
: vous avez une Ioniq 5 N.
L’avantage d’un conteneur, c’est qu’il y a de la place à bord. Avec
son empattement de 3 m pour une longueur de 4,71 m et une largeur
de 1,94 m, la Hyundai en impose. Mais soyons honnêtes, même
repeinte en bleu mat pastel (900 €) ou en orange Soultronic (de
série), cette charrue n’a pas l’aura d’une F40.
Même si elle la fusille à la première accélération (on s’en
doutait) et distille un plaisir de conduite totalement insoupçonné
(on ne s’en doutait pas). Quoique… Par le passé, Hyundai a déjà
montré qu’il pouvait répondre au cahier des charges exigeant des
amateurs. La preuve avec l’i20 N, petite pépite dont la carrière
fut stoppée en plein essor par le malus écologique, car une GTi à
bord de laquelle on s’amuse, vous le savez maintenant, c’est très
vilain.
Tout comme la horde de fonctionnalités de l’Ioniq. Entre le NTD (N
Torque Distribution) qui permet, sur onze niveaux, de faire varier
la répartition du couple entre les deux essieux, le NAS+ (N Active
Sound +) qui simule les borborygmes d’un moteur thermique ou d’un
vaisseau spatial, le N e-shift qui imite le passage des rapports,
le NRS (N Road Sense) qui, lisant les panneaux de circulation,
recommande le programme Sport lorsqu’il détecte une signalisation
de virage dangereux, le NGB (N Grin Boost) qui ajoute, pendant dix
secondes, une quarantaine de chevaux en sus ou encore le N Pedal
qui améliore l’inscription en virage grâce à une récupération
massive de l’énergie cinétique à l’arrière : pourquoi tant de N
!
« Pour que le conducteur puisse se concocter une voiture à la
carte, répondant pleinement à ses attentes ou envies », nous
répond-on. L’Ioniq 5 N se revendique comme la première Hyundai électrique
réellement consacrée au circuit. Pour endurer cette conduite, ce
sont 42 points de soudure supplémentaires, 2,10 m d’adhésifs
structurels en plus, des supports de moteurs et de batteries
renforcés, idem pour la colonne de direction, et des disques king
size de 400 et 360 mm.
Conduite sur piste et électricité font rarement bon ménage. Les
accus de l’Ioniq sont logés dans le plancher, entre les deux
essieux. D’une capacité de 84 kWh, ils acceptent des charges sous
800 V et Hyundai annonce qu’en dix-huit minutes et sur une borne
délivrant 350 kW, la jauge passe de 10 à 80 %. A la maison (sur du
11 kW), tablez plutôt sur une grosse nuit pour passer de 10 à 100
%.
La piste, même pas peur
Les piles ne raffolent pas des sollicitations violentes. En plus
d’optimiser le refroidissement, le constructeur coréen a bossé sur
le maintien d’une température idéale. Ainsi, lorsque le mode Drag
Racing est enclenché, les batteries sont maintenues entre 30 et 40
°C.
En mode Track, supposant des sessions de plusieurs tours sur piste,
le thermostat se situe entre 20 et 30 °C. De type synchrone à
aimants permanents, les deux moteurs électriques peuvent tourner
jusqu’à 21 000 tr/mn. Celui de devant développe entre 226 et 238 ch
(si le N Grin Boost est activé) et son homologue arrière oscille de
383 à 412 ch. Le couple instantané et cumulé peut grimper jusqu’à
78,5 mkg, de quoi claquer le 0 à 100 km/h en 3’’4.
Nous avons eu droit à quelques tours de manège sur le circuit de
Castellolí, à une soixantaine de kilomètres de Barcelone. Creusé
dans la montagne, il est rapide, très en relief, avec un bitume
bien abrasif, et ses 4,1 km permettent de varier les plaisirs. Oui,
le mot est lâché : en Ioniq 5 N, j’ai pris du plaisir. Beaucoup
même. La raison principale réside dans le N e-shift (nous y
reviendrons), mais il faut également louer l’équilibre de
l’auto.
Compte tenu du poids indécent, le sous-virage est contenu et le
placement de l’essieu frontal (pas de roues arrière
directionnelles) est solide, constant, précis. La conduite n’est
pas euphorisante mais surprenante car, honnêtement, qui aurait
prédit qu’un frigo lancé sur une piste aussi exigeante s’y
sentirait à son aise ?
L’autonomie ne fond pas comme une tartine de saindoux au soleil et
le freinage est, contre toute attente, endurant, bien qu’on
regrette une attaque trop molle et un mordant peu rassurant.
Jean-Claude Martens, à la tête du département véhicules hautes
performances chez Hyundai (et ex-Lotus et Toyota), nous explique
que c’est voulu pour ne pas perturber le client qui 63 s’essaierait
à la conduite rapide.
Paradoxalement, cette mollesse de la pédale disparaît en grande
partie une fois le mode Normal enclenché. A l’issue de ces quelques
tours de la piste catalane, il me faut me rendre à l’évidence :
cette Hyundai y est dans son
élément, même si les Pirelli PZero spéciaux grimpent vite en
température.
Le poids est sensible mais pas handicapant et le comportement en
appui mérite des louanges, avec une propension de la poupe à
s’alléger dans les grandes courbes, ce qui exige une conduite fine
mais gratifiante. Mais c’est bien sur route, si possible
alambiquée, que cette boîte à chaussures nous a scotchés.
Bravo !
Tout n’est pas parfait. Certains programmes sont incompatibles
les uns avec les autres. Basculer sur un launch control vous
changera la bande‑son pour une partition façon Prius première
génération. Il n’est pas non plus possible de jouer sur la
distribution du couple entre l’avant et l’arrière tout en
conservant le simulateur de boîte de vitesses.
Enfin, le mode N Pedal est, au niveau le plus poussé, presque
dangereux avec l’impression d’avoir jeté une ancre dès qu’on lâche
l’accélérateur. Ajoutez à cela une position de conduite typée
Citroën C15, des sièges manquant de maintien latéral, une direction
trop collante et une navigation entre les différents menus
indigeste et vous conviendrez que je n’ai pas totalement retourné
ma veste concernant les électriques. Pourtant, bravo, Hyundai !
Bravo car, pour la première fois, il se passe quelque chose de fort
à bord d’une zéro émission. Bravo car à l’efficacité froide à
laquelle nous sommes de plus en plus habitués se greffe une bonne
tranche de ludisme. Bravo car sous son costume de galet poncé par
l’érosion, l’Ioniq 5 N n’est pas qu’une auto d’ingénieur : c’est
surtout une voiture à conduire.
Si possible sur des axes désertés par la maréchaussée et le trafic.
Je pointais du doigt l’assistance de direction trop caoutchouteuse
à mon goût, mais le nouveau train avant (deux bras inférieurs et
support de roue inédits) est imperturbable, même en cas de rajout
de braquage.
La motricité est sans reproche grâce au travail conjoint des PZero
et du différentiel e‑LSD arrière. La suspension pilotée, même
lorsqu’elle est basculée sur le programme le plus raide, conserve
suffisamment de mouvements de caisse pour ne pas rendre les trajets
insupportables. Mais l’atout principal, c’est ce fameux N e‑shift.
Sur le papier, ça a tout du gadget, mais en pratique, on peine à
s’en passer.
Grâce à lui, le conducteur se sent vraiment aux commandes de son
groupe motopropulseur. La sonorité, imitant celle d’un 4 cylindres
turbo, est plutôt réussie et on peut en régler l’intensité à bord.
Des haut‑parleurs extérieurs, trop discrets, préviennent aussi de
votre arrivée.
L’improbable se produit : les quelques vibrations et les montées en
régime, certes factices, donnent l’impression d’être à bord d’une
voiture thermique. Il y a un rupteur (virtuellement à 7 700 tr/mn)
coupant l’accélération, des diodes pour indiquer quand passer le
rapport. Les vitesses sont plus ou moins heurtées en fonction de la
sollicitation de l’accélérateur.
On peut donner des coups de gaz au point mort. Bref : cette Hyundai
a tout de la maxi GTi. En virage, les rétrogradages génèrent un
semblant de frein moteur qui, associé au freinage régénératif,
autorise vraiment à emmener cette auto tambour battant, comme
n’importe quel modèle à double embrayage.
C’est drôle et addictif. En prime, il n’y a pas cet effet « coup du
lapin » si désagréable sur les électriques. La poussée est
évidemment musclée mais linéaire. Hyundai a inventé la voiture
écolo qui se conduit comme tout ce que l’écologie maudit. Vous avez
bonne conscience et vous vous amusez.
La 5 N est une auto de bad boy mais elle sait également troquer sa
motricité rassurante pour un comportement bien plus olé olé une
fois qu’on la pousse dans ses retranchements. L’arrière est alors
plus volage et les transferts de charge se soldent par de belles
dérives sans que l’essieu directionnel perde pied en s’éloignant
trop de sa trajectoire.
Si Hyundai nous préparait des voitures électriques plus compactes
aussi plaisantes à conduire que celle‑ci, l’avenir ne serait
peut‑être pas aussi gris que je le craignais…
L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux
L’Ioniq 5 N est la meilleure voiture électrique qu’il m’ait été donné d’essayer. Elle demeure trop lourde, présente une interface compliquée et ne communique pas assez à mon goût, mais Hyundai réussit ce à quoi aucun autre constructeur, y compris premium, n’était parvenu : faire d’une technologie a priori accessoire une arme de conviction massive. En se dotant d’une fausse boîte de vitesses, la 5 N devient une vraie machine à plaisir.
Hyundai Ioniq 5 N : fiche technique
- Moteurs : 2 électriques synchrones à aimants permanents, un par essieu
- Puissance cumulée : 609 ch (650 ch avec N Grin Boost)
- Couple cumulé : 75,4 mkg (78,5 mkg avec N Grin Boost pendant 10’’)
- Transmission : intégrale, réducteur à rapport unique
- Antipatinage/autobloquant : de série déconnectable/piloté AR
- Poids annoncé/mesuré : 2 155 / 2 248 kg
- L - l - h : 4 715 - 1 940 - 1 585 mm
- Empattement : 3 000 mm
- Pneus : 275/35 R 21
- Prix de base : 78 000 €
- Prix des options/malus : 900/0 €
- Prix du modèle essayé : 78 900 €
- V. max. : 260 km/h
- 0 à 100 km/h : 3’’5 (52 m)
- 0 à 200 km/h : 12’’2 (438 m)
- 400 m D.A. : 11’’5 (196 km/h)
- 1 000 m D.A. : 21’’3 (237 km/h)
- Freinage de 200 km/h à 0 : 147 m (5’’2/1,1 G)
Retrouvez notre essai de la Hyundai Ioniq 5 N dans le Sport Auto n°749 du 31/05/2024.


