Essai - Praga Bohema (2023) : l'ultime "pistarde" à moteur thermique ?
Côté puissance, parmi les engins inaccessibles, il y a plus spectaculaire. Esthétiquement, le débat reste ouvert. Mais pour les sensations procurées par cette Praga Bohema, machine de moins d’une tonne, théoriquement homologuée pour la route, il ne va pas être simple de trouver des rivales. Let's go !
La question est simple : si vous en aviez les moyens, accepteriez-vous de payer 1,2 million d’euros pour une nouvelle hypercar non pas équipée d’un moteur électrique de 2 000 ch ni d’un V12 atmo tournant à 12 000 tr/mn, mais par le vieux V6 biturbo de la Nissan GT-R ?
Facteur aggravant : le tout est construit par une entreprise dont vous n’avez jamais entendu parler, installée dans un pays qui n’est pas spécialement réputé pour son savoir-faire dans les voitures à hautes performances. Praga, en République tchèque, pense que vous devriez.
Normal, après tout, puisque c’est de leur voiture qu’il s’agit. Mais ils ont des arguments pour vous convaincre. Selon eux, leur Bohema représente l’une de vos toutes dernières opportunités de commander une hypercar dotée d’un pur moteur thermique, sans hybridation.
De fait, ces voitures ont la cote. Il reste encore des exemplaires de Rimac Nevera et de Pininfarina Battista électriques à vendre, en dépit de leur exclusivité et de leur ultra-puissance. Mais les Gordon Murray T50 et T33, et leur merveilleux V12, ont toutes été écoulées en l’espace de... 48 heures.
Et Gordon Murray, malgré son scepticisme initial, indique que ces deux modèles seront ses derniers purement thermiques. D’où le retour à notre Praga. La marque, qui vous est probablement inconnue, fabriquait dans les années 30 des avions, mais également plus de voitures que Skoda et Tatra réunies.
L’arrivée du régime communiste au pouvoir, après la guerre, n’a pas été tendre avec Praga, qui a dû se reconvertir dans la production de camions et de transmissions avant de pouvoir se diversifier récemment, sous le contrôle d’investisseurs privés, dans le karting et les voitures de course.
La feuille de route, au moment de se lancer dans le développement de leur première hypercar, était assez simple : se montrer utilisable sur route, mais aussi s’imposer comme la plus rapide des voitures homologuées route sur piste, en mettant la priorité sur la légèreté et l’aéro, plutôt que sur des puissances extravagantes.
L’objectif était d’atteindre les temps au tour d’une GT3 de course avec une Bohema chaussée en semi-slicks.
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— Sport Auto (@SportAutoMag) February 24, 2023
Sculpture futuriste
Dans ces conditions, la carrosserie n’est pas là que pour faire joli ou impressionner le badaud. Elle est susceptible de générer à 250 km/h un appui considérable, équivalent au poids (certes très contenu) de la Bohema. Mais Praga s’est aussi préoccupé de la rendre attractive, en combinant des éléments inspirés de la compétition en une sorte de sculpture futuriste.
Les incroyables supports des rétroviseurs extérieurs épatent, tout comme la posture ramassée et extrêmement basse du cockpit, qui indique à lui seul combien les masses sont centrées et posées au ras du sol. Voilà qui balaie également l’idée que les contraintes aéro de ces voitures les font toutes se ressembler.
L’intérieur aussi recèle son lot de singularités. Evidemment, vous descendez à bord plus que vous n’y montez, à travers ce qui évoque davantage la découpe d’un hayon qu’une portière. Il faut d’abord s’asseoir sur les flancs, glisser les deux jambes dans l’étroit tunnel, avant de se laisser tomber sur le siège.
Le cockpit est si étriqué que les deux baquets ovoïdes s’installent à des niveaux différents, celui du passager étant un peu plus bas et plus en retrait que celui du conducteur, pour éviter que leurs épaules ne s’entrechoquent.
Et pourtant, c’est étonnamment confortable à bord, avec une esthétique qui mêle l’univers de la course et celui du luxe comme aucune autre voiture de notre connaissance. La finition, à base de carbone, d’Alcantara et d’aluminium usiné, est magnifique. Mais pour les trajets quotidiens domicile-travail, on sent bien que ça ne va pas le faire…
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Week-end en (très) amoureux
Retour à la salle des machines. Le V6 biturbo d’origine Nissan, construit et préparé par Litchfield en Angleterre, déploie ici un peu plus de 500 ch dans ce prototype de développement.
Sur les modèles de production, il est prévu d’en extraire 700 ch, et sans doute pas loin de 1 000 ch lorsque les clients retourneront voir Litchfield pour leur propre compte.
Côté sonorité, c’est plutôt bourru mais pas excessivement intrusif. La transmission fait appel à une boîte Hewland séquentielle de course, brutale dans ses changements de rapport mais raisonnablement gérable. Pas sûr cependant qu’elle apprécie les embouteillages répétés.
La surprise vient de la visibilité et de la facilité à manœuvrer cet engin tout de même plus proche d’une barquette de compétition que d’une Clio. Et avec ses deux mallettes de 50 l, à installer dans les pontons latéraux de la voiture, on peut presque imaginer une escapade le week-end en (très) amoureux.
Mais ce n’est pas tout à fait son objectif prioritaire. Même avec ce niveau de préparation quasi anémique, et sans l’effet de couple immédiat et la traction intégrale d’une hypercar électrique comme la Rimac Nevera, la Bohema reste absolument terrifiante.
Ses accélérations se situent à la frontière de ce que votre cerveau et votre corps peuvent gérer. Les sifflements et bruits de succion des soupapes de décharge des turbos ajoutent aux sensations, dans notre époque de plus en plus électrifiée.
Le bruit, la férocité, la nature essentiellement mécanique de la performance convaincraient les plus fervents avocats de la mobilité électrique de la nécessité d’un retour au pétrole. Côté comportement, « notre » Romain Grosjean s’est impliqué dans le développement, et soyons clairs, le résultat est sublime.
Vous ressentez immédiatement la légèreté de la Praga, par son absence totale d’inertie et la rapidité de ses réponses à la moindre des injonctions sur le volant. Elle freine par ailleurs aussi fort qu’elle accélère, ce qui n’est pas un mince exploit, considérant l’ardeur redoutable de ses mises en vitesse.
Sur les freinages, on se retrouve assez vite comme en apesanteur, suspendu par le harnais 6 points. Il n’y en aura que 89 de construites, en hommage à la victoire de Praga aux 1 000 Miles de Tchécoslovaquie, il y a 89 ans. Oui, c’est un peu alambiqué comme référence.
A la différence d’autres engins de ce calibre, elles ne sont pas encore toutes vendues à l’heure où nous écrivons ces lignes. Mais franchement, si l’étendue de votre compte en banque l’y autorise, ne réfléchissez pas trop longtemps.
Avec dans le garage une Porsche Taycan comme voiture du quotidien, cet engin démoniaque constitue un rééquilibrage nécessaire au politiquement correct, pour aller brûler le week-end quelques litres d’essence… tant qu’il s’en vendra encore
Praga Bohema (2023) : fiche technique
- Moteur : V6, biturbo, 24 S
- Cylindrée : 3 799 cm3
- Puissance maxi : 700 ch à 6 800 tr/mn (env. 500 ch sur prototype de développement)
- Couple maxi : 73,8 mkg à 3 000 tr/mn
- Transmission : roues AR, 6 rapports manuels séquentiels
- Poids annoncé : 982 kg
- Prix : environ 1 200 000 €
- V. max. : 300 km/h
- 0 à 100 km/h : 2”3
Retrouvez notre essai de la Praga Bohema dans le Sport Auto n°734 du 24/02/2023.