Essai - ABT XGT (GT2) : le moteur V10 nous livre son ultime récital... radical !

Publié le 26 août 2024 à 16:00
Mis à jour le 31 août 2024 à 09:44
Essai - ABT XGT (GT2) : le moteur V10 nous livre son ultime récital... radical !

Tandis que les Audi R8 ou Lamborghini Huracán sortent du catalogue, le V10 livre son ultime récital sous le capot de l’ABT XGT. Cette R8 GT2 de course, homologuée pour la route, constitue l’écrin le plus radical que cette mécanique ait jamais connu. Alors musique, maestro !

Mais que reste-t-il de la traditionnelle Audi R8 ? A priori, pas grand-chose, tant l’installation à bord fait l’effet d’une bonne séance de gymnastique. Enjamber la forêt de tubes qui encadre l’habitacle, poser son séant dans un baquet généralement réservé à un vrai pilote, puis glisser ses jambes vers un pédalier qui n’a plus rien à voir avec celui d’origine. Ouf, m’y voilà !
Difficile ensuite de reconnaître l’ambiance intérieure de la plus emblématique sportive de la firme aux anneaux. Point de Virtual Cockpit personnalisable ni de finition tirée à quatre épingles comme Audi en a l’habitude, mais une multitude d’éléments empruntés à la course.
Le simple combiné d’instrumentation, le volant façon nœud papillon fourmillant de fonctions ou encore la console centrale en carbone atteinte de la varicelle, avec sa quantité de boutons, donnent l’impression de se trouver sur une grille de départ.
C’est pourtant bel et bien un itinéraire routier qui nous attend à bord de cette ABT XGT. Derrière cette appellation barbare se cache la version la plus radicale des Audi R8 homologuées sur route. Sa panoplie aérodynamique, son immense entrée d’air au-dessus du capot ou encore ses vitres fixes en Lexan, dotées d’une minuscule meurtrière côté conducteur, rendraient la toute dernière Porsche 911 GT3 RS un brin timide en comparaison.
C’est à se demander par quel miracle ses concepteurs sont parvenus à lui apposer des plaques d’immatriculation ! Préparateur sur des modèles issus du groupe Volkswagen et impliqué en compétition, ABT s’associe avec l’écurie de course Scherer Sport dans ce projet un peu fou, avec l’aval d’Audi.
L’idée initiale ? Proposer le plus incroyable écrin possible à l’Audi R8 avant sa disparition, et un merveilleux chant du cygne à son exceptionnel V10. Alors que les deux partenaires auraient pu affûter un modèle de route comme la R8 GT pour parvenir à leurs fins, ils partent au contraire d’une version GT2 de course, qu’ils adaptent à la route. Et cela change tout !
Scherer Sport prend en main la partie commerciale, tandis qu’ABT joue le rôle de constructeur. L’écurie est donc chargée d’acheter 99 R8 LMS GT2 au service Compétition client d’Audi Sport, puis de les revendre à des particuliers. Basé à Kempten, le préparateur les modifie de son côté afin de les homologuer pour la route, tout en restant le plus M proche possible de la version originelle.
Outre les indispensables crashtests, seuls les fixations de siège, l’interface électronique, le réservoir (et son remplissage), le toit, les jantes magnésium, le bloc d’instrumentation, l’échappement doté d’un filtre à particules, les suspensions ou quelques concessions pratiques (frein à main, verrouillage centralisé, caméra de recul et système antidémarrage) distinguent cette ABT XGT de la R8 LMS GT2. Les heureux propriétaires de cette pépite, dont trois seulement sont destinées à la France, profiteront de la plus radicale des GT à pouvoir rouler sur route. Rien que ça.

Pur et dur

Evidemment, s’installer à son bord se mérite davantage que de se placer à l’intérieur d’une R8 aux douillets sièges électriques, mais cette ABT XGT fait tout son possible pour vous mettre à l’aise. L’environnement dépayse et le baquet de course boulonné à la coque est entièrement fixe, mais sa manière unique de vous envelopper donne cette rassurante impression de faire corps avec la machine.
Le pédalier de course doté d’un revêtement antidérapant et la colonne de direction coulissent afin de s’adapter à tous les gabarits. Il ne reste plus qu’à se harnacher (ou à se faire aider pour y parvenir), en l’absence de la moindre ceinture de sécurité classique. Ensuite, le cérémonial de la mise à feu s’effectue en deux temps.
D’abord, par un petit coup d’index sur le bouton en haut à gauche de la console centrale pour mettre le contact et allumer l’écran. Puis, par une pression sur la fonction stop/start en haut à droite du volant afin de démarrer ce fameux V10. Ses aboiements bien plus marqués encore que dans la déjà très volubile Lamborghini Huracán STO rappellent que ce préretraité conserve toujours un sacré brin de voix !
Il suffit de balayer d’un simple regard l’habitacle ou le toit entièrement à nu (qui garde sa trappe d’extraction) pour se rendre compte que ce niveau sonore plus élevé s’explique par l’absence totale d’insonorisants. Ses (bonnes) vibrations directement retransmises dans l’habitacle et dans le creux de vos reins démontrent aussi que les silentblocs ou encore les articulations du châssis sont autrement plus rigides que sur les autres R8.
Résultat des courses, le V10 apparaît d’autant plus présent, quitte à devenir gentiment envahissant, mais difficile de s’en plaindre, non ? Pied sur le frein et petit coup de doigt sur la mini-palette de droite pour enclencher la première et s’élancer. La boîte à double embrayage d’origine facilite les évolutions, même si sa gestion plus radicale marque sa désapprobation de rouler au pas en générant parfois quelques légers à-coups.
Seul vrai problème, la direction bien plus directe que sur le modèle de série ne l’est pas suffisamment pour permettre de garder constamment les mains sur le volant en butée de braquage. Avec un cerceau dénué de partie supérieure et un rayon de braquage pire encore que celui d’un supertanker, la moindre manœuvre tourne au supplice !
L’assistance de direction autrement moins présente que sur le modèle de série demande également un peu plus d’efforts. La moindre difficulté urbaine donne ici l’impression de franchir la montée impossible. Les combinés filetés deux voies ont beau rehausser la garde au sol de 10 mm par rapport à la version de course, notre XGT risque de s’échouer lamentablement sur le premier ralentisseur un tant soit peu inamical.
Inutile, en outre, de compter sur la présence d’un système permettant de lui rehausser le nez à basse vitesse comme sur une Porsche GT3 RS. Le plus compliqué reste pourtant cette position de conduite typée circuit. Le baquet implanté à même le sol sert à abaisser le centre de gravité, mais il limite le champ de vision et oblige le pilote ficelé par des harnais à lever les yeux pour tenter d’y voir clair. Impossible ou presque, donc, d’apercevoir les véhicules qui vous croisent en arrivant à une intersection.

Son et lumière

Pénalisant au quotidien, ce manque de visibilité n’est pourtant pas une raison valable pour rentrer sans demander son reste. Surtout quand un sympathique instructeur comme Aurélien ouvre la route pour jouer les chiens-guides d’aveugles !
Quelques tours de roues suffisent pour se rendre compte du typage circuit de la bestiole. L’amortissement ultra‑ferme à la moindre irrégularité rendrait presque une Lamborghini Huracán STO pantouflarde en comparaison. Le train avant qui lit constamment la route et nécessite suffisamment de poigne dans les deux mains évoque une géométrie radicale destinée à la piste.
De son côté, le freinage dont les étriers avant à six pistons mordent les plaquettes de course sur des disques en acier donne l’impression qu’un train entre en gare. L’absence de toute assistance oblige à frapper sans ménagement l’imposante pédale de gauche, sous peine de se retrouver fort dépourvu au premier croisement ou virage venu. Une fois le temps d’adaptation passé, l’excellent ressenti rassure autant que la présence d’un ABS déconnectable et réglable selon cinq positions.
Un ESP paramétrable sur quatre modes et un antipatinage qui en compte cinq complètent les aides à la conduite. La première ligne droite qui se profile incite à libérer les 640 ch d’un V10 encore plus addictif. Toujours aussi souple à bas régime, il se réveille vraiment vers 4 500 tr/mn, puis donne un deuxième coup de collier vers 6 000 tr/mn, avant d’aller chercher le limiteur perché vers 8 500 tr/mn en moins de temps qu’il n’en faut pour le lire. Sans être aussi percutant qu’une vraie boîte de course, l’unité à double embrayage plus rapide et franche que celle d’origine ajoute une pointe de sensation mécanique supplémentaire.
Le plus stupéfiant demeure cette absence d’insonorisation qui donne l’impression d’augmenter le volume du son. Déjà expressif à la base, le V10 devient plus extraverti encore que sous le capot de l’Huracán STO. Ses hurlements à la limite du seuil de douleur auditif, et sa manière de vous exhorter à aller chercher les tout derniers tours/minutes disponibles pour en extraire toute sa substantifique moelle, font vite perdre la raison.
Le rythme de plus en plus soutenu imprimé par mon poisson‑pilote qui connaît les routes de l’arrière‑pays du circuit du Castellet comme sa poche incite à jouer les notes les plus aiguës de l’instrument à dix pistons. Avec un tel élastique, les lignes droites raccourcissent et le paysage qui défile toujours plus vite amène à porter son regard au loin.
Magnifié par cette ambiance de course, le merveilleux V10 à l’étonnante progressivité permet de profiter d’un châssis plus impressionnant encore. L’amortissement radical et la raideur de ce dernier font parfois bouger le pied de l’accélérateur et engendrent ainsi un à‑coup sur une déformation plus importante.
Cependant, l’auto ne provoque guère de ruades ni d’écarts de trajectoire et ne désarçonne pas son pilote pour peu qu’il tienne suffisamment fort la barre. Pas spécialement à l’aise à une allure de sénateur, cette R8 extrême dévoile alors ses talents surnaturels en haussant le ton et devient une redoutable négociante en virages sur un itinéraire sinueux pourtant pas particulièrement adapté à ses qualités premières.
Une fois à température, le grip de ses gommes semi‑slicks Pirelli Trofeo R transforme la XGT en sangsue de l’asphalte et la direction devient autrement plus naturelle. L’ensemble s’accorde avec un train avant bien plus incisif, plus réactif et, surtout, plus solide. Le léger sous‑virage au point de corde de la version de série est à ranger au rayon des souvenirs, tant la plus radicale des R8 dévore les apex avec gourmandise.
Encore faut‑il faire preuve d’autorité et de précision au volant, tout en tapant franchement sur la pédale de gauche pour tenter d’exploiter du mieux possible un freinage infatigable. La mauvaise visibilité périphérique et le caractère radical du châssis imposent de la concentration, mais l’incomparable plaisir que la R8 distille ne donne envie que d’une chose : remettre cela au plus vite, en nous ouvrant cette fois‑ci les portes du circuit Paul Ricard. Chiche ?

L'avis de notre essayeur Jacques Warnery

Il suffit de s’installer à bord de cette ABT XGT pour se transporter dans un autre monde : celui d’une auto de course sans concession. Impossible de trouver dans cette catégorie un modèle immatriculable aussi radical sur le marché et un plus bel écrin pour rendre une dernière fois hommage au V10.
Usante dans la circulation, elle dévoile sur route un potentiel inattendu et une incomparable pureté. Son pilote en ressort fourbu mais heureux. Il est certes difficile d’entrer dans la plus radicale Audi R8 de l’Histoire, mais il est encore plus difficile d’en sortir.

ABT XGT (GT2) : fiche technique

  • Moteur : V10, atmo, 40 S
  • Cylindrée : 5 204 cm3
  • Puissance maxi : 640 ch à 8 000 tr/mnC
  • ouple maxi : 56,1 mkg Transmission : roues AR, 7 rapports à double embrayage
  • Antipatinage/autobloquant : oui (réglable + contrôle de trajectoire et ABS paramétrables)/oui (AR)
  • Poids annoncé : 1 400 kg
  • Rapport poids/puissance : 2,2 kg/ch
  • L - l - h : 4 568 - 1 995 - 1 290 mm
  • Empattement : 2 650 mm
  • Pneus AV & AR : 305/30 ZR 19 & 315/30 ZR 20
  • Réservoir : 83 l
  • Prix de base : 604 235 €
  • Prix des options/malus : 7 362/60 000 € 64
  • Prix du modèle essayé : 671 597 € (malus compris)

Retrouvez notre essai de la ABT XGT (GT2) dans le Sport Auto n°751 du 26/07/2024.

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