Scuderia Ferrari : pour quand le bout du (long) tunnel en F1 ?
Ferrari est de plus en plus forte sur le terrain des voitures de sport, où elle affiche une réussite commerciale insolente. Mais la Scuderia semble toujours incapable de décrocher un nouveau titre en F1. Après tout, est-ce si grave ?
Il y a quelques années, une société d’études de marché basée au Royaume-Uni, YouGov, a réalisé une enquête sur la popularité mondiale de l’équipe de F1 Ferrari. Les résultats étaient intéressants dans la mesure où ils montraient à quel point la marque est puissante, et dans quels secteurs il était encore possible de progresser.
L’enquête révélait qu’en Italie, environ 84 % des fans de F1 sont des partisans de Ferrari. Ce n’est pas une surprise, car le cheval cabré est une institution nationale, et pas seulement une écurie de course.
Sur d’autres marchés, comme l’Argentine (67 %) et la Turquie (63 %), la passion est impressionnante, tandis que l’Inde et l’Indonésie soulignent également la puissance du badge, avec respectivement 58 % et 57 % des fans déclarant soutenir la Scuderia.
Ailleurs, les choses ne sont pas aussi sensationnelles : seuls 12 % des Britanniques et 24 % des Américains sont des fans de Ferrari. Cette année, le constructeur a pris deux mesures pour tenter d’améliorer ces chiffres : l’embauche de Lewis Hamilton, très populaire au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, et l’engagement de Zhou Guanyu en tant que pilote de réserve, ce qui devrait permettre au Cavallino de renforcer sa présence sur le marché chinois.
La pire traversée du désert de l'histoire de la Scuderia...
Voilà pour l’image, très enviable. Et pourtant, dans les faits, l’équipe ne semble pas capable de remporter des championnats. Ce constat peut paraître exagérément sévère, car elle gagne des courses de temps en temps. Mais cette année sera la 17ème saison consécutive sans titre pour Ferrari.
Il s’agit de la pire série d’échecs en 75 ans d’histoire de l’écurie en Formule 1. Ferrari n’a pas remporté de titre depuis 2008, année où l’équipe a triomphé pour la dernière fois dans le championnat des constructeurs.
Le dernier trophée des pilotes remonte à l’année précédente, grâce à Kimi Räikkönen. Auparavant, la pire traversée du désert venait des 15 saisons vierges entre 1983 et 1999.
Ce qui laisse perplexe, c’est que l’équipe bénéficie d’avantages substantiels par rapport à ses rivaux, y compris des rétributions supplémentaires considérables et d’une meilleure image de marque à vendre aux sponsors et susceptible d’attirer les fans qui veulent acheter des produits dérivés.
La Scuderia est également une équipe où de nombreux acteurs de la F1 souhaitent travailler, ce qui signifie qu’elle devrait être en mesure d’attirer les meilleurs ingénieurs. Et pourtant, l’équipe reste à l’écart des titres mondiaux depuis 17 ans...
Sans impact jusqu’à quand ?
Le plus étrange, c’est que ces relativement piètres performances en piste ne semblent pas faire de différence lorsqu’il s’agit pour Ferrari de vendre des voitures de route et de gagner de l’argent.
La marque a vendu le nombre record de 13 752 voitures en 2024. Le chiffre d’affaires a atteint 6,9 milliards de dollars, soit plus de deux fois et demie le chiffre de 2008, année où Ferrari a remporté son dernier championnat du monde.
Les bénéfices de l’entreprise ont augmenté de 21 % par rapport à 2023, pour atteindre 1,51 milliard de dollars, bien que les ventes n’aient connu qu’une croissance minime. Le président de Ferrari, Benedetto Vigna, explique que ce résultat a été obtenu grâce à « un mix produit solide et à une demande croissante de personnalisation ».
L’entreprise prévoit une « croissance robuste » en 2025 et lancera sa première voiture entièrement électrique en octobre. Ce succès s’explique en partie par la fidélité des clients.
Près de 81 % des voitures vendues en 2024 l’ont été à des clients existants et 48 % d’entre elles à des clients qui possèdent plus d’une Ferrari. Les gens achètent des Ferrari parce qu’ils peuvent se le permettre.
Certains apprécient le luxe, le style et les performances élevées, tandis que d’autres veulent simplement une voiture pour être admirés. Une Ferrari est un symbole social évident. Quand d’autres en rêvent depuis l’enfance. Le succès en course a-t-il vraiment de l’importance ?
On pourrait se dire que ce n’est sans doute pas si grave. Sauf que, si Ferrari est un symbole de réussite, on peut imaginer qu’à force de ne plus gagner, la formule magique qui incite les gens à acheter la voiture des « winners » pourrait ne plus fonctionner et entraîner l’entreprise dans de grands troubles.
2025, enfin la saison de la réussite ?
L’histoire de l’automobile est remplie de marques à succès qui ont eu leur heure de gloire avant de retomber dans l’ombre. Depuis que Stefano Domenicali a quitté Ferrari il y a 11 ans, l’équipe a connu quatre directeurs à la tête de la Scuderia : Marco Mattiacci, Maurizio Arrivabene, Mattia Binotto et Frédéric Vasseur. Il n’est donc pas facile de conserver ce poste.
Il peut sembler ironique que le meilleur conseil à donner aux Italiens soit un proverbe anglais datant de 1546, lorsque l’auteur et dramaturge John Heywood a consigné l’expression : « Rome n’a pas été construite en un jour ».
Cela signifie que le succès ne vient pas du jour au lendemain, mais qu’il est le résultat d’efforts continus, de planification, de patience et de la présence des bonnes personnes aux bons postes. N’oublions pas qu’il a fallu six ans, entre 1993 et 1999, et beaucoup d’argent à Jean Todt pour faire de Ferrari une équipe dominante.
Le président de Ferrari, John Elkann, sait tout cela, mais après six ans à la présidence de Ferrari et l’absence persistante de succès en championnat, il doit se demander ce qu’il va faire maintenant.
La seule façon de savoir si Frédéric Vasseur est l’homme de la situation est la somme des succès accomplis sous son mandat. Jusqu’à présent, en restant parfaitement objectif, le bilan reste incertain.
L’équipe a terminé troisième en 2021, puis deuxième en 2022, et après avoir remplacé Binotto par Vasseur, elle a terminé troisième en 2023 et deuxième en 2024. La saison 2025 sera-t-elle enfin celle de la réussite ?
Retrouvez notre enquête sur la Scuderia Ferrari en F1 dans le Sport Auto n°758 du 28/02/2025.