Enquête - La Formule 1 en Afrique : une course pour la course...

L’action simultanée de quelques pays et de Lewis Hamilton a fait récemment surgir une perspective inattendue : l’organisation, à terme, d’un grand prix de F1 sur le continent africain. Simple idée en l’air ou projet réaliste ?
Selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique,
la population du continent a désormais dépassé 1,5 milliard
d’habitants. On estime qu’elle atteindra 2,5 milliards d’ici à
2050. A cette échéance, une personne sur quatre sur terre sera
Africaine.
Et grâce à cette croissance démographique, la classe moyenne
africaine devrait se développer. Au cours des dernières semaines,
Lewis Hamilton a donc demandé à
la Formule 1 d’organiser un grand prix en Afrique. La dernière
course de F1 sur le continent remonte à 1993, il y a plus de 30
ans.
"Nous ne pouvons pas ajouter des courses dans d’autres endroits
et continuer à ignorer l’Afrique, que le reste du monde ne fait
qu’exploiter, a déclaré le septuple champion du
monde. Beaucoup de gens qui n’y sont pas allés ne
réalisent pas à quel point ce continent est beau, à quel point il
est vaste. L’organisation d’un grand prix dans cette région
permettra de mettre en valeur la beauté de l’endroit et d’attirer
le tourisme et toute sorte d’autres choses."
Hamilton estime que la F1 devrait commencer par se rendre à
Kyalami, en Afrique du Sud, et inscrire l’Afrique au calendrier,
puis travailler à la construction d’autres choses. Mais cela ne
fonctionne pas tout à fait comme ça. Si l’on peut comprendre
qu’Hamilton souhaite vivement que sa discipline se développe, la F1
ne veut pas se précipiter dans une voie encore risquée.
L’objectif de Formula One Group (FOG), le propriétaire des droits
commerciaux de la F1, n’est pas vraiment de rendre le monde
meilleur, mais de gagner de l’argent. Si l’organisation d’un grand
prix aide à améliorer la situation d’un pays, tant mieux. Mais ce
n’est pas leur sujet.
Le Rwanda sur les rangs
Quoi qu’il en soit, cela fait déjà deux ans que Stefano
Domenicali, P.-D.G. de la Formule 1, a rencontré le président du
Rwanda, Paul Kagame, à Singapour. Ils ont discuté de la volonté de
la F1 d’être présente en Afrique et du souhait de Kagame de voir le
Rwanda accueillir un grand prix, afin d’aider à transformer son
pays en une économie compétitive basée sur le savoir, avec un
niveau de vie élevé pour tout le monde.
Kagame est l’homme politique le plus puissant de son pays depuis la
guerre civile rwandaise et le génocide de 1994, bien qu’il ne soit
président « que » depuis 24 ans. Il appelle le Rwanda le Singapour de l’Afrique, parce
qu’il voit des parallèles entre les deux pays, notamment une
population nombreuse et dense et peu de ressources naturelles.
Il a observé la transformation opérée à Singapour par Lee Kuan Yew
et a adopté de nombreuses politiques singapouriennes pour
développer l’économie, la planification urbaine et des transports,
l’éducation, la santé et les technologies de l’information.
Le pays est sûr, ordonné et exempt de corruption. En 2016, le
centre de convention de Kigali a ouvert ses portes et a depuis lors
accueilli des événements internationaux majeurs.
Le tourisme se développe rapidement, principalement en raison de la
faune (notamment les gorilles) et de la flore du pays, mais M.
Kagame estime que le pays peut encore se développer davantage, en
jouyant un rôle de plaque tournante aérienne pour l’Afrique avec
des connexions dans le monde entier.
Il a étudié la croissance du trafic aérien à Dubaï et à Doha et a
sollicité l’aide de Qatar Airways pour la construction d’un nouvel
aéroport international à Bugesera, à 25 km au sud de la capitale,
Kigali. Qatar Airlines a également acquis la moitié des parts de
Rwandair, la compagnie aérienne nationale.
Cet investissement comprendra des hôtels et des infrastructures. Le
plan de Kagame est de construire un circuit de course près de
l’aéroport (suivant la stratégie utilisée en Malaisie dans les
années 1990). Qatar Airways étant un partenaire mondial de la F1,
le potentiel est important.
L’aéroport devrait être achevé d’ici 2028 et la F1 est
enthousiasmée par les possibilités offertes. Après le dernier Grand
Prix d’Italie, un groupe de dirigeants de la Formule 1 s’est donc
envolé pour le Rwanda afin de visiter le pays et discuter de
l’organisation d’un grand prix sur place, comme annoncé en fin
d'année.
La nouvelle n’a pas été bien accueillie en Afrique du Sud, où le
circuit de Kyalami est actuellement certifié par la FIA comme une
piste de niveau 2. Des travaux de modernisation seraient donc
nécessaires pour atteindre le niveau requis pour accueillir un
grand prix.
Mais le gouvernement sud-africain souhaite relancer le Grand Prix
d’Afrique du Sud depuis l’arrivée au pouvoir du président Cyril
Ramaphosa, en 2018. Celui-ci a assisté à la dernière course en 1993
et est depuis longtemps un fan de F1, comprenant ce qu’elle peut
apporter à un pays.
L’Afrique du Sud veut revenir
Problème : il lui est impossible de financer un grand prix avec
l’argent public. On peut comprendre aisément que les dépenses
publiques soient consacrées à d’autres priorités, telles que la
réduction du chômage, l’amélioration des infrastructures et la
lutte contre la criminalité et la corruption.
Les entreprises privées sud-africaines, elles, n’ont pas jusqu’à
présent réussi à réunir les fonds nécessaires. Pourtant, ces
derniers mois, Ramaphosa a opéré une transformation de la scène
politique du pays en mettant en place une coalition avec de
nouveaux visages et de nouvelles idées.
Son gouvernement « d’unité nationale » pourrait être en mesure de
réussir davantage de réalisations, même si les problèmes
fondamentaux du pays n’ont pas disparu comme par enchantement.
Quoi qu’il en soit, le nouveau ministre des Sports, Gayton
McKenzie, s’est rendu récemment à Bakou pour rencontrer Stefano
Domenicali et tenter de trouver un accord avec la F1. La course
pour obtenir une course est donc lancée en Afrique... Reste à
savoir si Lewis Hamilton sera encore sur la grille lorsque la F1 y
posera réellement ses roues.
Retrouvez notre enquête sur l'avenir de la F1 en Afrique dans le Sport Auto n°754 du 25/10/2024.


