Retour aux sources - Lotus Elise S2 (2003) : un formidable antidépresseur !
Avec 122 ch seulement, la Lotus Elise S2 offre des performances dignes de sportives deux fois plus puissantes. Et ce n’est rien à côté de sa maniabilité diabolique sur route sinueuse, grâce à son poids plume. Vingt ans après sa sortie, la petite anglaise reste un formidable antidépresseur…
La firme créée par Anthony Colin Bruce Chapman a
toujours chassé le gramme superflu. Une doctrine hélas un tantinet
galvaudée par Lotus au fil de ses rachats
successifs… jusqu’à la prise de pouvoir de Romano Artioli, le père
de la Bugatti EB110, devenu propriétaire du constructeur
britannique à compter de 1993.
Il souhaite alors revenir aux fondamentaux de la marque – « Light
is right » – en lançant le projet 111. Une mini‑propulsion à moteur
central arrière, aussi compacte que légère, bâtie autour d’un
châssis constitué d’éléments en aluminium collés et revêtue d’une
carrosserie en matières plastiques.
Un véritable retour aux sources, après le cuisant échec de l’Elan
M100 conçue sous l’ère General Motors. Celle qui, souvenez-vous,
eut l’outrecuidance de tutoyer la tonne et de se laisser entraîner
par ses roues avant (ce qui ne l’empêcha pas de se montrer
plaisante à conduire)…
L’aboutissement de ce projet 111, c’est la délicieuse Elise, qui se
conforme au passage à une autre tradition à Hethel, avec le « E »
pour initiale. Un prénom qui n’est autre que celui de la
petite-fille d’Artioli. Fantaisie du patron ? A vrai dire, les
visiteurs découvrant la nouvelle Lotus au Salon de Francfort, fin
1995, s’en contrefichent royalement.
Car ce qui captive alors les amateurs de sportives, c’est le poids
plume de l’engin : 700 kg à peine ! De quoi faire passer la Renault
Twingo et ses 780 kg pour une baudruche à l’époque. Par conséquent,
pas besoin d’une armée de pur-sang pour en faire un efficace
projectile : 4 cylindres suffisent.
Tandis que le moteur de l’Elan M100 battait pavillon japonais (1600
Isuzu), celui de l’Elise, lui, représente fièrement
les couleurs de l’Union Jack. Il s’agit du fameux (et fumeux,
lorsque son fragile joint de culasse déclare forfait !) 1 796 cm3 «
K Series » d’origine Rover. Un bloc en aluminium à 16 soupapes,
aperçu entre autres sous le capot du roadster MG F. 118 ch
seulement ?
Les premiers essais dans la presse, dithyrambiques, comme les longs
mois d’attente pour obtenir un exemplaire cloueront vite le bec aux
sceptiques. D’autant que Lotus prendra soin de proposer rapidement
le 1.8 VVC à calage d’admission variable de 143 ch sous le capot de
la 111 S…
8 613 Elise voient ainsi le jour entre 1995 et 2000, avant que
Lotus ne soit contraint de revoir sa copie pour répondre aux normes
d’homologation européennes inédites, notamment en matière de
crash-tests. Hélas, le petit constructeur britannique et son
nouveau propriétaire malaisien (Proton) ne sont pas en mesure
d’assumer seuls les investissements permettant de mener à bien les
modifications structurelles.
C’est finalement General Motors, revenu par la porte de derrière
filer un coup de main, qui financera l’élaboration de la seconde
génération. Mais à condition que celle-ci partage sa ligne de
montage avec un ersatz aux lignes plus anguleuses, badgé Opel : le
Speedster.
Si ce dernier hérite d’un 2,2 litres de 147 ch au fort accent
teuton, l’Elise S2, dévoilée en octobre 2000, conserve de son côté
le modeste 1,8 litre Rover, porté à 122 ch grâce à une nouvelle
cartographie. Le couple progresse tout aussi timidement, avec 17,1
mkg à 3 500 tr/mn contre 16,8 mkg à 3 000 tr/mn pour la S1.
Quant à la boîte de vitesses, il s’agit de la PG1 d’origine Honda à
rapports courts, reprise de l’ancienne 111 S. Parmi les 276
changements opérés par les ingénieurs, citons également des disques
de frein ventilés de 288 mm au lieu de 282 auparavant, des jantes
en alliage majorées d’un pouce (16 devant, 17 derrière), des pneus
et des voies élargis ainsi qu’une batterie migrant du compartiment
avant au coffre à l’arrière.
Deux packs sont proposés par ailleurs à ceux qui trouveraient la S2
trop légère (756 kg tous pleins faits) : le Race Tech (+ 12 kg),
avec disques de frein perforés et étriers peints en noir, bavettes
à l’avant, film de protection sur les bas de caisse, peinture
métallisée, rétroviseurs ton caisse, alarme, habillages en
Alcantara, coussin gonflable pour les lombaires et éléments
intérieurs en aluminium ; et le Sports Tourer (14 kg de lest), qui
s’équipe en sus de panneaux de porte, d’un volant et de sièges en
cuir, de tapis de sol, d’un cale-pied réglable (deux positions)
côté passager et d’un autoradio CD à quatre haut-parleurs au lieu
de deux au crédit du premier pack.
Lotus Elise S2 (2003) : pas un poil de graisse…
De prime abord, l’Elise S2 est restée mignonne à
croquer. Compacte, hyper-basse et encore relativement étroite
(seulement 2 cm de plus que son aînée), la petite anglaise vous met
d’emblée dans sa poche. Les rondeurs émoustillantes de
l’adolescence ont néanmoins cédé leur place à des lignes plus
élancées.
Ecopes latérales harmonieusement dessinées, yeux effilés fardés de
noir, apparition de jolies fossettes de part et d’autre de la
calandre et jupons retroussés à l’arrière, laissant entrevoir un
soupçon de lingerie : miss Elise a gagné en maturité. Mais pour
obtenir sa confiance, il faut savoir faire don de soi.
Car la grimace n’est jamais loin quand vient l’heure de s’installer
à ses commandes, surtout pour un grassouillet épicurien de mon
espèce. Heureusement, ce genre de bolide s’appréciant au grand air,
le démontage du toit souple amovible devrait me préserver d’un
lumbago.
Un « clip » à déverrouiller sur l’armature, au-dessus de chaque
vitre, et il suffit ensuite de rouler la toile comme un sac de
couchage avant de la jeter dans le coffre (là, derrière, près du
moteur), en compagnie des deux barres métalliques qui la
maintiennent en place.
Accéder au poste de pilotage est ainsi devenu infiniment plus
commode. L’Elise est en effet munie de minuscules portières tels
d’imposants longerons caissonnés en alu, exigeant d’avoir la jambe
leste. Mais couvre‑chef déposé, il devient possible de s’introduire
debout sur le plancher, avant de laisser glisser ses jambes vers
l’avant.
En théorie… N’ayant pas osé m’accrocher au cadre du pare-brise pour
me retenir, de peur de l’arracher, c’est avec la souplesse d’un
Carambar et la grâce d’une andouillette que je me suis lourdement
effondré dans la fine coque faisant office de baquet, non sans
m’arracher la peau des tibias sur le volant au passage. « Je suis
trop vieux pour ces conneries ! » comme dirait l’autre…
Lotus Elise S2 (2003) : voiture à vivre
A défaut de régime light pour votre serviteur, voyons
de quoi il en retourne pour cette Lotus. Le menu du jour ? Un
volant à trois branches, des baquets aussi épais que du papier à
cigarette, un petit levier de vitesses surmonté d’une boule en alu,
un modeste combiné de bord à cadrans argentés (tachymètre et
compte-tours, rien de plus), de l’Alcantara et de l’aluminium un
peu partout (trahissant la présence du pack Race Tech) et du
chauffage : en digne voiture de sport, la S2 se contente du minimum
vital.
Vitres et rétroviseurs électriques ? Trop lourd, pardi ! Des
plastiques moussés ? Trop chic ! Et l’ambiance « kit car » n’est
pas uniquement visuelle : avec l’Elise, tous les sens sont en
éveil. On entend évidemment fort bien le moteur – même si notre
noir exemplaire triche légèrement avec son échappement inox –, mais
également les craquements de la caisse travaillant sur route
déformée, le cliquetis des graviers rebondissant sur les
soubassements, les sifflements d’air autour de la cabine et le
travail de la pignonnerie à chaque changement de rapport.
Pas une aspérité ni un mégot sur la chaussée que votre séant ne
puisse percevoir par ailleurs. Vous avez dit vivante ? Cela dit,
bien que leurs faibles débattements rappellent vite à l’ordre sur
certains ralentisseurs, les suspensions ne sont pas aussi
incommodes qu’on peut l’imaginer. Moins, en tout cas, que celles de
son aînée.
Cette rigidité d’ensemble permet surtout de faire totalement corps
avec la machine. Hyper-réactive, scotchée à la route, l’Elise offre
une tenue de cap extrêmement rigoureuse, alors que la direction –
privée d’assistance, comme il se doit sur une sportive de cet
acabit – parvient à rester civilisée à basse vitesse (nettement
moins en manœuvre !), sans s’alléger outre mesure à allure
soutenue. Si obéissante qu’il suffit de jeter un œil au point de
corde pour que la voiture s’y précipite langue pendante.
C’était déjà le cas avec la première génération, mais avec ses
voies et ses pneus élargis, son centre de gravité au ras des
pâquerettes et ses freins faciles à doser, la S2 fait montre d’une
agilité encore plus impressionnante. On se laisse d’autant mieux
griser que le train arrière ne manifeste plus son impatience
aussitôt remis les gaz. Moins joueuse, cette seconde génération ? A
vrai dire, comme Maurice, elle pousse juste le bouchon un peu plus
loin.
Il faut donc garder à l’esprit que la mener à ses limites réclame
un bon coup de volant. Surtout quand un crachin typiquement
britannique s’invite à la fête… Mais, avant d’en arriver là, bien
des sportives infiniment plus riches en cylindres comme en chevaux
auront capitulé en essayant de rester à son contact sur route
sinueuse.
Car le plus étonnant avec cette anglaise demeure l’incroyable santé
dont fait preuve son modeste 1800 Rover. Difficile d’imaginer qu’il
s’agit du même moulin (ou presque) que celui de la sage MG F !
Même sans abuser des courts et nets débattements du levier de
vitesses (un pur régal), histoire de lui dégourdir les bielles en
zone rouge (ce bloc tutoie sans mal les 7 000 tr/mn), la moindre
sollicitation de l’accélérateur se traduit par un franc coup de
collier, l’étagement de la transmission ne présentant aucune
faiblesse particulière.
Vous en connaissez beaucoup, des sportives de 122 ch qui vous « torchent » le 0 à 100 km/h en 5”7 ? Je vous laisse remettre le nez dans vos archives…
Lotus Elise S2 (2003) : fiche technique
- Années de production : 2001-2006
- Exemplaires produits : 6 655 (dont 4 535 pour la 122 ch)
Moteur : 4 en ligne, 16 S - Cylindrée : 1 796 cm3
- Puissance maxi : 122 ch à 5 500 tr/mn
- Couple maxi : 17,1 mkg à 3 500 tr/mn
Transmission : roues AR, 5 rapports manuels - Suspension : triangles superposés, barre stabilisatrice
Freins : disques ventilés - Poids annoncé : 710 kg
- L - l - h : 3 785 - 1 719 - 1 117 mm
- Empattement : 2 300 mm
Pneus AV & AR : 175/55 R 16 & 225/45 R 17 - Réservoir : 32 l
- Prix à l’époque : 34 100 €
- Cote actuelle : environ 33 000 €
- V. max. : 200 km/h
- 0 à 100 km/h : 5”7
Retrouvez notre essai "Retour aux sources" de la Lotus Elise S2 (2003) dans le Sport Auto n°745 du 26/01/2024.


