Essai - Porsche Panamera Turbo E-Hybrid (2024) : passage en force !
Pour déplacer un corps, il faut de l’énergie. Plus ce corps est lourd, plus le besoin énergétique est important. Les voitures sont de plus en plus en lourdes, donc davantage de puissance est nécessaire. Mais plus de puissance, c’est également plus de poids. C’est le cercle vicieux. Et pour qui aime le dynamisme, c’est la tuile. Mais Porsche a peut-être trouvé la solution. On vous emmène pour quelques tours du circuit Monteblanco à bord de la Panamera Turbo E-Hybrid avec son étonnante suspension Active Ride.
Nous sommes calés à 50 km/h. Devant nous, deux rangées de bosses (une à gauche, l’autre à droite) simulant un goudron défoncé sur une cinquantaine de mètres. Près de trente nids‑de‑poule factices. Au volant, ça secoue. Un peu. Mais de l’extérieur, l’expérience vaut tous les discours.
La Panamera Turbo E-Hybrid conserve une assiette parfaitement parallèle au sol. La carrosserie ne bouge pas d’un iota. Je viens d’expérimenter le Porsche Active Ride, amortissement révolutionnaire combinant pneumatique et hydraulique, et dont l’ami Yves Maroselli vous a déjà dévoilé tous les secrets.
Pour résumer, chaque amortisseur est relié à une pompe commandée électriquement qui permet, en un éclair, de faire varier le volume dans la chambre du ressort en fonction des besoins et de la route. Comme d’autres, me direz-vous ?
A un degré que je n’avais jamais vu. La pression générée par la pompe est instantanée (35 millisecondes), et hauteur de caisse, détente et compression sont ajustées en temps réel. C’est comme si la Panamera n’était plus assujettie aux lois de la physique. Bon, tout n’est pas rose.
L’Active Ride est hélas une option (8 154 €) dont nous n’avons pas pu vérifier la pertinence lors d’un essai routier. Paradoxalement, Porsche a en effet préféré nous cantonner sur le très joli tracé de Monteblanco, pas très loin de Séville, pour attester des capacités dynamiques de sa Turbo E-Hybrid. Quelle est la proportion de propriétaires de Panamera qui ira sur circuit avec sa familiale ? Probablement encore moins que ce à quoi l’on pense…
En attendant la S
Lors du briefing, Thomas Friemuth, vice-président de la gamme Panamera, le révèle : « Il y aura quatre modèles hybrides. » Comme Porsche vient d’annoncer les 4 (470 ch) et 4S E-Hybrid (544 ch), cela fait donc, avec la Turbo (680 ch) à l’essai, les trois quarts des sièges occupés. Nul doute qu’une Turbo S, dont la puissance devrait s’établir autour de 750 ch, verra bientôt le jour. « Interdiction de déconnecter le PSM », prévient d’emblée le chef de piste.
Le râleur râle, prétextant que c’est bien la peine de venir ici pour se retrouver bridé par l’électronique. Le raisonneur se raisonne en songeant à l’embardée dont peut être capable une baleine comme la Panamera, une fois que ses pneus et ses garde-fous ont rendu les armes.
Pour les gommes, c’est pourtant du très bon qui a été choisi : des Michelin Pilot Sport S 5, dans des tailles « raisonnables » (275 et 325 de large). L’un des nombreux points forts de l’Active Ride est de permettre, outre une filtration quasi parfaite, de faire légèrement varier le carrossage pour que la bande de roulement soit le plus en contact possible avec le sol.
L’usure prématurée serait retardée. En théorie. Car une fois à l’attaque des près de 4 km de la piste concoctée aujourd’hui, les gommes crient leur agonie. Mais n’allez pas croire que la Porsche se comporte comme une Chrysler 300C. En mode Sport Plus, l’Active Ride permet à la Turbo E-Hybrid de virer totalement à plat, en abaissant son centre de gravité et en compensant le roulis, le cabrage et la plongée.
Associé aux roues arrière directrices, le système ne peut que subjuguer. Les Michelin crient leur désapprobation, mais le dynamisme dont fait preuve ce paquebot impressionne. La Panamera ne refuse jamais l’obstacle, même lorsque le jockey lui réclame davantage de directionnel. La masse est sensible mais le sous-virage contenu.
Toutefois, le plus bizarre reste à venir, car basculer sur le mode Hybride donne le droit de cocher deux cases supplémentaires : Active Pitch Control et Active Tilt Control.
Le planté de bâton
L’Active Ride ne compense plus les forces subies mais pousse le curseur encore plus loin. Explications. Lors d’une accélération franche, les lois de la physique nous apprennent que l’avant se déleste et l’arrière s’assied. En Sport Plus, les deux extrémités conservent leur assiette.
Une fois en Hybride, l’avant plonge légèrement. Ce lourd museau, dissimulant un gros V8 biturbo, défie donc dame nature en piquant vers le sol afin de limiter les G encaissés. Idem sur les gros freinages, où l’inverse se produit, avec une poupe qui s’assied comme Obélix après un bon gueuleton.
Au volant, la sensation est déconcertante, et le cerveau (du moins le mien) peine à faire le tri entre des impressions contradictoires. La Panamera pique sur les Launch Control, se cabre sur les freinages et se couche sur ses appuis… mais sur le flanc intérieur au virage.
N’y voyez aucun sousentendu esthétique, mais cela me fait penser au cours de ski de JeanClaude Dusse, dans Les Bronzés font du ski, quand son insupportable moniteur lui réclame de bien planter le bâton pour l’aider à tourner. De façon moins caricaturale, Porsche évoque une Panamera se comportant un peu à la façon d’un motard dans les courbes.
Clôturons le chapitre comportement en résumant les choses de la sorte : la Panamera Turbo E-Hybrid équipée de l’amortissement Active Ride est la grosse berline la plus dynamique qui ait jamais existé. Est-elle aussi la plus véloce ? Non, mais on ne bâille pas aux corneilles non plus. Le V8 4 litres biturbo est reconduit. Reconduit, mais retouché.
Les deux turbos Twin-Scroll dégagent et laissent leur place à des modèles Mono-Scroll. On pourrait penser qu’il s’agit d’une régression technique, mais le constructeur nous apprend que ces turbines permettent aux catalyseurs de chauffer plus rapidement et de fonctionner à leur plein potentiel plus vite.
Autre bizarrerie : la désactivation des cylindres disparaît, remplacée par un calage très pointu des arbres à cames, optimisant les rejets en CO2. Enfin, le moteur électrique prend désormais place dans le carter de la boîte de vitesses (les batteries sont sous le coffre).
Il n’est dorénavant plus refroidi par eau mais par huile, et sa faculté à emmagasiner de l’électricité sur les phases de récupération d’énergie cinétique passe de 69 à 88 kW. La Turbo E-Hybrid serait en mesure de rouler en tout électrique sur 91 km, grâce à ses accus d’une capacité de 25,9 kWh. Serait, car vous vous en doutez, je ne l’ai absolument pas vérifié à Monteblanco.
En revanche, conscience professionnelle oblige, j’atteste que les 3’’2 pour pulvériser le 0 à 100 km/h sont tout à fait réalistes. Plus que les 680 ch, ce sont les près de 95 mkg qui, combinés aux effets spectaculaires de l’Active Ride, font de chaque virage une rampe de lancement.
La transmission PDK ne claque pas comme son homologue de chez Ferrari, mais les passages sont prompts et, dans l’ensemble, toujours suivis d’effet. Dans l’ensemble, car étant donné que la PDK refuse tout rétrogradage anticipé pour sauvegarder les pignons, il faut parfois réitérer l’ordre via la palette de gauche.
Le couple V8/électrique procure de l’agrément mécanique, c’est indéniable, mais il manque de caractère. Les montées en régime du thermique ne provoquent aucun frisson, malgré l’échappement sport. Et les freins ? C’est comme pour Qui veut gagner des millions ? : faut choisir le 50/50.
Pour deux tours à fond, faites-en autant afin de refroidir les plaquettes et de calmer l’ébullition du liquide de frein. Les freins carbone-céramique (9 012 €), aux dimensions de paraboles de télé (440 et 410 mm), mordus par des étriers à 10 et 4 pistons, vivent un calvaire pour stopper Moby Dick.
L'avis de notre essayeur Sylvain Vétaux
Qu’une lourde familiale hybride de 680 ch vous aplatisse l’occiput à chaque accélération, on s’y attendait. Qu’une Panamera vous accueille dans un écrin technologique tiré à quatre épingles, on l’escomptait. Mais qu’un engin de près de 2,5 tonnes (avec les passagers) se couche en virage, se joue de la force centrifuge et fasse preuve d’un tel comportement dynamique, ça, c’est très étonnant.
Porsche Panamera Turbo E-Hybrid : fiche technique
- Moteurs : V8, biturbo, 32 S + 1 électrique
- Cylindrée : 3 996 cm3
- Puissance thermique : 519 ch à 6 000 tr/mn
- Couple thermique : 78,5 mkg à 2 330 tr/mn
- Puissance électrique : 190 ch
- Couple électrique : 45,9 mkg
- Puissance cumulée : 680 ch
- Couple cumulé : 94,8 mkg
- Transmission : intégrale, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage : de série, déconnectable
- Autobloquant : piloté PTV+ (en option)
- L - l - h : 5 054 - 1 937 - 1 421 mm
- Empattement : 2 950 mm
- Poids annoncé : 2 360 kg
- Pneus AV & AR : 275/35 & 325/30 ZR 21
- Prix de base : 194 833 €
- Prix des options/malus : 50 934/0 €
- Prix du modèle essayé : 245 767 €
- V. max. : 315 km/h 0 à 100 km/h : 3’’2
- 0 à 200 km/h : 11’’3
Retrouvez notre essai de la Porsche Panamera Turbo E-Hybrid dans le Sport Auto n°747 du 29/03/2024.