Essai - Alfa Romeo 33 Stradale : la passion, encore et toujours...
Certains vous diront que c’est une voiture mais Sport Auto peut en témoigner : l'Alfa Romeo 33 Stradale est une véritable œuvre d’art, une échappatoire à la folie du monde. Elle apaise par la simplicité de ses lignes autant qu’elle revigore par la clarté du message qu’elle transmet : la passion, toujours et encore.
Trente-trois… C’est le nombre d’exemplaires, et pas un de plus,
puisque le projet de la version électrique a avorté, faute
d’intérêt de la part des clients. Rarissime donc, mais pas autant
que son inspiratrice, la 33 Stradale de 1967, elle-même
construite à 18 unités seulement.
Pour simplifier, c’est un peu la 250 GTO de chez Alfa Romeo.
Jean-Philippe Delaire, ingénieur en chef du projet, évoque la
production au compte-gouttes de cette nouvelle itération. « 33
voitures, c’est difficile à classer. Ce n’est pas un one-off, où
l’on peut passer des heures sans compter, ni un modèle de série, où
les outillages sont formatés.
Ce qui rend l’exercice compliqué, à vrai dire, c’est qu’il faut un
genre d’équipements très spécifiques. Comme celui de Touring
Superleggera, qui a développé une sorte de marbre sur mesure.
Il faut mettre en place quelque chose de répétable et, en même
temps, savoir garder une souplesse certaine. Il faut être à la fois
structuré et flexible, c’est un exercice très particulier.
»
En parlant de particularisme, Alfa Romeo met un point
d’honneur à ce qu’il soit local, sinon national. « La voiture
est italienne, non seulement parce qu’elle est faite en Italie,
mais parce que tous nos fournisseurs sont italiens. D’ailleurs, ce
sont plus des artisans que des fournisseurs. Ils travaillent,
beaucoup, à la main. »
Elle diffère de la Maserati MC20
J’en profite pour mettre les pieds dans le plat et poser la
question qui fâche. Celle qui consiste à savoir en quoi l’Alfa Romeo 33 Stradale diffère
de la Maserati MC20, avec laquelle elle partage la même base,
c’est-à-dire la baignoire en carbone, l’ensemble moteur/boîte, les
freins, etc.
M. Delaire explique : « Ce n’est pas un copier-coller de la
Maserati. La coque provient de la version Cielo, mais tout le toit
est différent. Comme l’articulation des portières et la rigidité.
Même chose pour les berceaux avant et arrière, qui sont plus courts
que chez Maserati. Les suspensions dérivent de la Giulia GTAm, avec
des ressorts, des calibrations d’amortisseurs et des barres
antiroulis spécifiques. »
Vient ensuite l’interrogation du
moteur, pour lequel il faut rendre à César… ce qui lui appartient.
Bien que Maserati ait rapidement baptisé le V6 Nettuno et en clame
la paternité, il est intéressant d’apprendre que la première fois
que ce 3 litres a été mis sous un capot (en configuration
préchambres de combustion), c’est sous celui d’une… Giulia GTA
proto.
Jean-Philippe explique que chez Stellantis, comme chez Volkswagen,
il y a une base commune dans laquelle tout le monde se sert. «
Dans un gros groupe comme le nôtre, on serait idiots de ne pas le
faire. On gagne du temps et on apporte de la fiabilité avec le
cumul de tous les roulages. Que ce soit avec la Giulia ou la
Maserati, ce sont des milliers et des milliers de kilomètres qui
permettent de fiabiliser l’ensemble. » Note pour plus tard :
acheter une Giulia GTA et lui greffer le 3 litres en 630 ch.
Objectif Lune
Avant de prendre le volant, il est intéressant de connaître l’un
des chiffres clés du projet. Celui de la vitesse maxi, établie à
333 km/h comme une volonté depuis le départ.
Ce qui impose des règles impératives en matière de coefficient
aérodynamique, notamment. « On s’était fixé un Cx de 0,375 sur
le papier, en le calculant à partir de notre objectif de vitesse
maxi et de la puissance du moteur. On s’y est tenus et la voiture l’a
prouvé à Nardò. Le but était de pouvoir boucler un tour complet
d’anneau à fond (soit 12 km) pour valider le refroidissement.
Finalement, on a fait deux tours complets à pleine charge, avec des
températures d’eau et d’huile stables. Et un pic à 333 km/h, sans
que le volant s’allège, même à ce rythme.
Au bout de deux tours complets avec le pied au plancher, soit 24
km, c’est moi qui me suis arrêté, alors que la voiture aurait pu
continuer », précise Jean-Philippe.
Ce désir de fiabilité assumé se retrouve tout au long du projet.
Notre homme embraye sur l’articulation des portières qui sont très
différentes de celles de la MC20.
« On s’est inspirés de la 33 d’origine, avec deux charnières.
Cette porte a un dessin unique. On y a pourtant appliqué les
critères que l’on impose à toutes les voitures de série.
C’est‑à‑dire un cycle de fonctionnement intransigeant. On a simulé
la fermeture de la portière d’une façon aussi violente que pourrait
le faire un étudiant… 6 000 fois de suite.
Ce qui correspond à quatre ouvertures‑fermetures par jour pendant
cinq ans, soit largement plus que ce à quoi se destine la voiture.
Mais c’était quelque chose qui, pour nous, était primordial. On
devait faire un bel objet, pas seulement pendant les premiers mois
de son existence, mais qui reste beau pendant des années et des
années.
La première 33 Stradale est encore là, plus de cinquante ans après
sa naissance. On doit se projeter dans l’avenir et s’assurer que la
nouvelle 33 Stradale sera encore en bon état de fonctionnement dans
cinquante ans. »
Désir de robustesse
Ce désir de robustesse se retrouve également au niveau de la
sécurité passive. « Même si l’homologation en réception à titre
individuel ne l’exigeait pas, nous nous sommes fait un devoir de
respecter le processus habituel des chocs, pour répondre à toutes
les normes et offrir le maximum de sécurité à nos clients.
La voiture couvre donc les normes européennes et d’Amérique du
Nord. Des collisions frontales, latérales, jusqu’au choc “poteau”,
qui est le plus critique et le plus dangereux comme le prouve
l’expérience en rallye.
La partie du toit, quant à
elle, agit comme un arceau de sécurité. C’est une structure
métallique à l’avant, aluminium à l’arrière, dans un sandwich
carbone pour mixer la résistance et le poids. »
Venons-en
aux faits : la 33 Stradale… c’est comment, en vrai ? Je passerai
sur le premier contact visuel, en laissant à chacun le soin
d’apprécier. Mais en précisant tout de même que je suis resté
littéralement ébloui.
Cela se poursuit à l’intérieur, où le design est d’une simplicité
désarmante, et la qualité de finition est inattaquable. Non
seulement les matériaux sont irréprochables, mais en plus, tout ce
qui a tendance à nous agacer sur les supersportives dernier cri a
disparu.
Pas de boutons sur le volant, pas de commandes tactiles pour faire
moderne ni de dalle numérique pour faire comme tout le monde. Rien
de tout cela. Les informations sont regroupées sur un écran
central, évidemment connecté, et rétractable pour se faire
oublier.
Pas de chrono, ni d’indicateur de g comme gadget : quand on
conduit… on ne passe pas son temps le nez dans le tableau de bord.
A la bonne heure !
Ambiance fabuleuse
Les parties vitrées des portières apportent une atmosphère de
concept car et le traitement cuir et aluminium n’a pas grand-chose
à envier aux plus grandes GT. Tout comme la position de conduite et
la forme des sièges, qui autorisent davantage de recul que dans la
MC20.
Ce qui est toujours appréciable, si vous dépassez la taille
moyenne. Le démarrage du V6 émet un son rauque, très particulier. A
son sujet, Jean-Philippe développe : « L’échappement était un
point primordial pour nous. Une Alfa Romeo, ça se doit de faire un
joli bruit. L’objectif qu’on s’était donné, c’était la 8C et sa
voix incroyable.
Le problème, c’est que depuis son époque… les normes ont évolué,
avec les filtres à particules, les catalyseurs, etc. Malgré tout,
il y a un critère auquel on est restés très attentifs. C’est ce
qu’on appelle la “fréquence”, en fonction des régimes. Ou plutôt la
signature de la voiture. Et ça, on l’a vraiment travaillé.
»
Cela se ressent au volant, notamment sur cette version
d’essai dont les valves d’échappements sont ouvertes en permanence
(alors qu’elles se referment sous 3 500 tr/mn en mode Strada
normalement).
Retour vers le futur
Notre 33 Stradale s’élance sur les pistes de Balocco, où son
ancêtre a effectué ses premiers tours de roues à la fin des années
60. Malgré une masse qui a doublé entre-temps (Alfa Romeo annonce
aujourd’hui 1 500 kg sur la balance), la Stradale décolle avec une
légèreté caractérisée.
Le V6 biturbo hausse la voix et fait piquer le capot en V dans le
premier virage. La direction a beau être la même que celle de la
MC20, aux réglages près, elle donne presque l’impression d’être
plus directe et plus communicative.
Les Bridgestone Potenza Sport, pourtant flambant neufs,
s’accommodent de leur tâche avec brio. La confiance s’installe
d’emblée et le rythme progresse sans arrière-pensée.
Juste le temps de jouer avec les différents modes de conduite, qui
laissent davantage de liberté à mesure qu’on approche de la
position Pista ESC Off. Notons que le différentiel piloté LSD est,
ici, monté en série.
La 33 Stradale s’éclaircit la voix et laisse transparaître une
rigidité extraordinaire. Il en résulte une formidable précision de
conduite. Sans parler de la stabilité, rassurante et surtout
accessible.
De quoi susciter l’envie de la pousser dans ses retranchements,
même s’il faut se freiner, étant donné qu’il s’agit du prototype de
développement. L’heure n’est pas aux virages en travers, visés par
les portières, ce qui reviendrait à donner de la confiture à un
cochon.
Cela ne m’empêche pas de coller mon groin aux vibreurs (sans rouler
dessus, consigne de la maison) et d’enchaîner quelques tours. Assez
pour remarquer que la 33 Stradale se prête naturellement à un usage
sur circuit.
Ce n’est donc pas un concept car pour collectionneur en quête
d’oiseau rare. Ses capacités dynamiques n’ont rien à voir avec
celles qui la cantonneraient à arpenter les aires d’exposition de
la Villa d’Este.
Quant à savoir si les 2 millions d’euros hors taxes sont
raisonnables, évidemment que non. Mais on peut imaginer que sa cote
ne cesse de grimper, étant donné que tous les exemplaires se sont
vendus comme des petits pains. Ce n’est donc pas dépourvu de sens
sur le plan financier.
Et pas plus caricatural que les sommes demandées pour une Bentley
Batur ou une Lamborghini Countach revisitée. Et surtout,
indépendamment de la question pécuniaire, cela nous permet de
continuer à rêver, avec des voitures qui ont une âme. Celle de la
33 Stradale m’a envoûté et, sans vouloir citer de nom, je connais
des autos encore plus chères qui n’en ont pas.
L'avis de Laurent Chevalier : 5/5
Est-ce que c’est un copier-coller de la Maserati MC20 ? Non.
Est-ce qu’une telle somme paraît justifiée sur le strict plan des
sensations de conduite ? Non plus, mais peu importe.
Au volant de la 33 Stradale, la magie opère. Il y a une atmosphère,
une étincelle, un souffle qui vous emporte et vous fait oublier
toute considération matérielle.
Non seulement cette voiture a une âme, mais elle vous raconte une
histoire qui vous donne l’impression de remonter aux
origines.
Alfa Romeo 33 Stradale : fiche technique
- Moteur : V6, biturbo, 24 S
- Cylindrée : 3 000 cm3
- Puissance maxi : 630 ch à 7 500 tr/mn
- Couple maxi : 74,4 mkg à 3 000 tr/mn
- Transmission : roues AR, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série, piloté électroniquement (LSD)
- Poids annoncé : 1 500 kg
- Rapport poids/puissance : 2,4 kg/ch
- L - l - h : 4 637 - 1 966 - 1 226 mm
- Empattement : 2 700 mm
- Réservoir : 60 l
- Prix de base : 2 000 000 € H.T.
- Prix des options/malus : NC/70 000 €
- Production : série limitée à 33 exemplaires (tous vendus)
- V. max. : 333 km/h
- 0 à 100 km/h : − de 3’’0
Retrouvez notre essai de l'Alfa Romeo 33 Stradale dans le Sport Auto n°760 du 25/04/2025.


