Nouvelle Porsche 911 (2019) : paradoxale !

ESSAI. Nous voulions une 911 plus fine, légère, plus communicative. La 992 est à l'opposé. Et pourtant, à son volant, impossible de ne pas être séduit.
La Porsche 992, sous ses allures de 991 recarrossée, est plus
nouvelle qu'il n'y paraît. Les amoureux des apports techniques
trouveront leur bonheur en page 52, Jean-Eric revenant sur tout ce
qui change dans la Porsche. Et au tire-au-flanc que je suis revient
la tâche la plus sympa : celle de l'essai. Dans un premier temps,
la 992 n'est proposée qu'en S, en deux ou quatre roues motrices.
Devinez laquelle nous avons choisie... Lors de la réunion de
famille (voir n° 683), la 991 semblait particulièrement volumineuse
aux côtés des précédentes générations.
La 992 est encore plus spectaculaire. Notons qu'elle a plus enflé
(+ 44 mm) que grandi (+ 20 mm). Le coup de crayon mixe sur les deux
tableaux. Pour l'aspect rétro, signalons le capot qui reprend les
plis abandonnés depuis belle lurette, et sa découpe, plus
rectiligne que sur la 991, rappelle la série G. La poupe est plus
futuriste avec ce long bandeau lumineux qui surligne un fessier
plus haut perché. Les échappements sont aussi positionnés plus
au centre qu'avant (quatre sorties d'origine, deux ovales avec
l'option Sport).
Impressionnante
Les photos annonçaient la couleur : la 992 est charpentée, mais
la voir en vrai impressionne. On dirait presque une GT3 RS privée
de son aileron. En revanche, les deux indicateurs verticaux des
feux stop ne nous plaisaient guère sur papier glacé et ils
continuent de nous interpeller dans la vraie vie. Le quotidien, en
911, c'est de pouvoir voyager sans trop se poser de questions.
D'accord, avec 132 litres de coffre, il va quand même falloir
choisir ses bagages, mais la découpe du container est toujours
aussi pratique. L'intérieur évolue plus radicalement que
l'extérieur.
Tout digital ou presque Le bloc d'instrumentation dispose toujours
de cinq compteurs, mais seul le compte-tours, en plein milieu, est
analogique. Le reste des informations apparaît sur deux écrans
inclinés vers le conducteur.
Celui entre les deux occupants est immense ! L'interface change, se
calquant sur ce qu'on a vu dans la Panamera, avec notamment tout un
tas d'applications, comme sur un smartphone, avalisées par
Porsche.
De nombreuses nouveautés techniques
Le constructeur a conservé des interrupteurs pour que le
conducteur se sente plus impliqué dans la conduite. Paradoxal quand
on apprend que cette génération inaugure un mode Pluie qui, via des
capteurs acoustiques dans les passages de roues détectant quand la
chaussée est humide (même s'il ne pleut pas), informe le conducteur
qu'il doit adapter sa conduite et recommande un programme qui
limite, entre autres, la réponse à l'accélérateur. Porsche en
fait-il trop, la 992 bénéficiant déjà de contrôles de trajectoire
et de patinage ?
Probablement un peu, oui, mais heureusement pour nous, notre essai
s'est déroulé sur le sec. On savait déjà la 991 Carrera S capable
d'accélérations suffocantes. Pour rappel, notre radar avait
enregistré un 0 à 100 km/h en 3''5 et un 1 000 m en 21''2. Avec 30
ch de plus et malgré un surpoids théorique d'une cinquantaine de
kilos, nul doute que la 992 boxera, elle aussi, dans la catégorie
GT et elle devrait calquer ses prestations sur celles de feu la GTS
(3''4 et 20''9). C'est en tout cas la sensation qu'on a au
volant.
Tout change à bord de la 911 et, pourtant, tout semble à sa place.
Il n'y a bien que le minuscule sélectionneur de vitesses qui
choque. On se croirait dans une Prius. D'ailleurs, la 911 hybride,
c'est pour quand ? "Pas tout de suite", précisent les officiels,
même si le choix de la PDK de la Panamera, à huit vitesses,
confirme que la 911 va bel et bien succomber à cette technologie,
en optant pour un moteur électrique supplémentaire. Mais en
attendant, même sans ça, la 992 tournerait 5'' plus vite que la 991
sur la Nordschleife. C'est donc qu'elle doit être encore meilleure
qu'avant. Ce qui, de facto, laisse encore moins de chance à la
concurrence pour venir taquiner sa Majesté 911.
La Vantage, cru 2018, avait bien tenté de la faire vaciller de son
trône mais, en dépit de son moteur impétueux, l'anglaise était
larguée par le rythme de la teutonne. Pourtant, la Porsche se
contente d'un 3 litres. Sauf que suralimentation (la turbine
côté échappement passe de 45 à 48 mm, celle de l'admission de 51 à
55 mm), refroidissement (radiateurs au-dessus du flat-6 au lieu des
ailes arrière) et calage des soupapes sont inédits. Ces dernières
sont, par exemple, commandées par des cames asymétriques qui
permettent une levée dissociée des soupapes (une à 2 mm, l'autre à
4,5 mm) alors qu'avant, la course était de 3,6 mm. Lorsque
l'accélérateur est planté au plancher, la levée des deux soupapes
d'admission redevient identique.
Autre secteur dans lequel les ingénieurs ont bossé :
l'échappement. Il a fallu associer filtre à particules et
sonorité évocatrice. Les clapets, contrôlés électriquement,
s'ouvrent désormais sur différents angles intermédiaires afin que
le râle du boxer soit modulé. Bref, il y a tant à dire, rien que
sur le moteur, qu'il me faudrait le double de pages.
A-t-elle perdu son âme ?
Mais on me dit dans l'oreillette qu'il serait bien de savoir si
la 992, avec cette débauche de technologie, n'a pas perdu son
âme...
Voyons plutôt le verre à moitié plein : prendre possession, avant
toutle monde, d'une nouvelle 911 est un privilège. Voyons
maintenant le verre pas loin de déborder : cette 992 a peut-être
des défauts (trop grosse, trop lourde, trop puissante, trop
suralimentée), mais elle est étonnante !
Mécaniquement, l'ambiance à bord est toujours trop étouffée. C'est
dommage car le photographe m'assure qu'il m'entend arriver entre
deux virages. Voilà une topographie de la route dont la 992
raffole. Ça peut tourner, un peu, beaucoup, passionnément, la
Porsche se fiche du rayon de braquage : elle suit la trajectoire,
point barre. La direction électromécanique, recalibrée, est plus
dense que sur la 991, notamment au point milieu. Elle guide un
train avant moins léger et incisif que sur une GT3 RS, mais il est
tout aussi indéboulonnable. Comme l'arrière.
Les Pirelli PZero de 305 mm griffent la chaussée. Il faut en
rajouter des tonnes pour qu'ils s'avouent vaincus. La suspension
pilotée optionnelle PASM Sport abaisse la garde au sol de 10 mm et,
jumelée aux jantes de 20 et 21 pouces, elle préfère le tango
endiablé à la bourrée de maison de retraite. Si vous achetez une
992 pour de l'écoconduite, il faudra composer avec un amortissement
ferme en Normal, raide en Sport.
Le discours officiel est donc mis à mal. Augmentons donc le rythme.
Avec ce 3 litres qui pousse comme un buffle dès 3 000 tr/mn, ce
n'est pas compliqué. Qu'apportent les nouveaux turbos en miroir
?
Encore plus de punch et une suralimentation moins on/off. Le
rupteur intervient à 7 500 tr/mn. Donc, qualifier ce bloc de moteur
de camion serait un chouïa usurpé...
La 992 est charpentée, mais la voir en vrai impressionne. On dirait
presque une GT3 RS privée de son aileron. Porsche dit avoir
travaillé sur le feeling au freinage. C'est vrai que le mordant est
plus prononcé que sur la 991, y compris avec les galettes
carbone/céramique (optionnelles). On décale donc les décélérations
de quelques mètres, sans pour autant déclencher l'ABS ni effrayer
le Berlingo qui arrive en face. Nous avons néanmoins noté une
espèce de cran à la pédale, assez désagréable, mais peut-être
est-ce dû à un rodage perfectible (les freins arrière fumaient lors
de notre essai, pourtant hors circuit).
La 992 Carrera S pousse-t-elle plus fort qu'une 991 GTS de même
puissance ? Je ne pense pas. Le huitième rapport de sa boîte à
double embrayage change-t-il la donne ?
Disons que cette PDK est encore plus douce qu'avant, mais toujours
aussi véloce. La 992 est-elle meilleure qu'une 991 ? Oui, et c'est
principalement pour ce sentiment de confiance qu'elle inocule.
Permettre de conduire, sans arrière-pensée et avec une telle
facilité, une propulsion de 450 ch, est une prouesse. Et c'est là
qu'est le paradoxe. On prend énormément de plaisir dans la 992 et
elle repousse encore les limites que la 991 avait piétinées en son
temps. A son volant, vous êtes un superhéros, le costume bariolé en
moins. Bien sûr, il existe une armada de bolides plus performants,
plus gratifiants. Mais, il faut le rappeler, nous sommes à bord
d'une 911, pas d'une supercar. Même si ses prestations la
rapprochent de l'élite automobile...
L'avis de Sport Auto
La Porsche 991 n'a eu que peu de rivales capables de la titiller.
La 992, en poussant le curseur de l'efficacité et de la performance
encore plus loin, dit d'emblée à la concurrence : Et ils vont être
nombreux à se casser les dents. Ce qu'il leur reste ? Jouer sur
l'émotion, la 992, plus que parfaite dans bien des domaines, en
manquant parfois. C'est tout le paradoxe...
Fiche technique de la Porsche 911 (992) Carrera S
Moteur : flat-6, injection directe, biturbo
Cylindrée : 2 981 cm3
Puissance maxi : 450 ch à 6 500 tr/mn
Couple maxi : 54 mkg à 2 300 tr/mn
Transmission : aux roues AR, 8 rapports robotisés
Autobloquant : piloté PTV+ de série
Antipatinage/contrôle de trajectoire : de série/déconnectable
Suspension AV/AR : McPherson, amortisseurs pilotés/essieu
multibras, amortisseurs pilotés
Freins AV/AR : disques ventilés et percés
( modèle essayé avec freins carbone/céramique optionnels)
Poids constructeur : 1 515 kg
L - l - h : 4 519 - 1 852 - 1 300 mm
Empattement : 2 450 mm
Pneumatiques : 245/35 ZR 20 & 305/30 ZR 21
Carburant : 64 l (90 l en option)
Prix de base/modèle essayé : 122 255 €/162 377 €
Performance annoncées (avec Pack Sport Chrono)
V. max. : 308 km/h
0 à 100 km/h : 3''5
0 à 160 Km/h : 7''8
0 à 200 km/h : 12''1
Photos : Yann Lefebvre / EMAS


