Fact-checking F1 2015 : des paroles et des actes

Entre les discours et les actes, il y a parfois un gouffre en F1. Sport Auto a vérifié qui avait vu juste l’hiver dernier et qui a, depuis, avalé son chapeau.
Ferrari
Dans le mille
A Maranello, cela parle toujours beaucoup plus qu’ailleurs. Normal
pour l’écurie la plus médiatique et donc la plus sous les
projecteurs. Et même si le fantasque Montezemolo est parti, les
nouveaux dirigeants y sont allés très tôt de leur vision de la
saison 2015 à venir.
Maurizio Arrivabene a été le premier à fixer un objectif de trois
succès. Il avait vu juste ! Mieux que Vettel qui estimait qu’une
victoire serait déjà bien et pas impossible.
Concernant ses pilotes, Ferrari se disait persuadée d’avoir un duo
Vettel/Räikkönen dont l’entente permettrait de calmer les esprits
et de travailler sereinement. Pas comme avec Alonso, lisait-on
entre les lignes. Ils se sont effectivement très bien entendus.
C’est le moins que l’on puisse dire, Ferrari les conservant pour
2016.
Par contre, ni Arrivabene ni Marchionne ne pensait possible de
battre Mercedes dans la durée. Ils n’avaient donc pas fait de
fausses promesses. Fait rare chez Ferrari ces dernières années.
McLaren
Pas si réaliste
McLaren a connu un hiver alarmant : moteur Honda largué, pannes en
série, accident d’Alonso, gestion calamiteuse des rumeurs sur la
santé de l’Espagnol... Pas de quoi donc se montrer conquérant.
Pourtant, McLaren a multiplié les imprécisions de communication.
Tout en reconnaissant que le début de saison serait difficile,
l’écurie anglaise était optimiste pour la suite. Alonso se disait
surpris de la compétitivité du package (!) et content des progrès
réalisés.
Button, plus réaliste, pensait que sa monoplace certes
progresserait mais que le retard étant si important qu’en termes de
position cela risquait de finalement peu évoluer. Il avait tout
compris.
Honda, de son côté, s’est pris les pieds dans le tapis, continuant
de clamer qu’un podium était possible en fin de saison.
Enfin, Button et Alonso n’ont cessé de réaffirmer qu’à terme,
McLaren-Honda était la mieux placée pour mettre fin à la domination
de Mercedes... On pourra en juger d’ici deux ou trois ans. D’ici
là...
Mercedes
Modeste comme il faut
Double champion 2014, Mercedes s’est bien gardé de fanfaronner, de
peur d’effrayer la concurrence et les fans ! Quoique... Toto Wolff
reconnaissait tout de même en février que Mercedes réalisait sa
meilleure entame hivernale, après les essais de Jerez. Bien mieux
qu’en 2014. Ce qui était vrai. Hamilton, lui, se félicitait d’avoir
les mêmes sensations dans la W06 que dans la W05 malgré des vraies
différences techniques, comme le reconnaissait Aldo Costa.
Aux termes des essais de Barcelone, Hamilton annonçait une Mercedes
encore meilleure et Rosberg un potentiel encore en développement.
On n’avait encore rien vu selon lui.
Résultat, Mercedes a signé, comme en 2014, 16 victoires et 18 pole
sur 19 GP, inscrivant au final 2 points de plus. Ils ont donc bien
fait mieux en 2015.
En revanche, Wolff et Lauda annonçaient un duel entre Rosberg et
Hamilton plus serré encore qu’en 2014. Cela n’a jamais été le cas.
Par contre, les deux patrons craignaient une intensification des
tensions humaines entre Nico et Lewis. Sur la fin de saison
post-titre, ils ont été entendus !
L’autre erreur de jugement commise par Mercedes a été d’annoncer un
challenge coriace de la part de Red Bull. Or Red Bull n’a pas
remporté la moindre course, contre 3 en 2014.
Red Bull
Tout çà pour çà
Tombée de haut en 2014, Red Bull espérait retrouver des couleurs.
Pour cela, l’écurie autrichienne comptait sur une voiture encore
sous large influence Newey.
Horner se montrait combatif, espérant des progrès significatifs de
Renault sur le Power Unit, un développement agressif encore de
saison pour, disait-il, aller chercher Mercedes. Ricciardo se
disait persuadé de réduire l’écart et pas impressionné par les
Allemands. Perdu. Renault n’a pas vraiment progressé, le châssis
Red Bull n’a pas été l’arme tant attendue, le développement n’a pas
changé la donne et Mercedes n’a donc jamais été inquiétée par les
Red Bull. Hormis, une fois, sous la pluie à Austin.
Le reste de la saison de Red Bull a été un naufrage public avec des
fausses menaces de retrait de la F1 et des négociations
infructueuses avec Mercedes et Ferrari... Au final, Red Bull garde
un Renault.
Seul point positif, Red Bull avait très tôt défendu son choix
d’avoir engagé Daniil Kvyat, et après des premiers grands prix
gâchés par le manque de fiabilité, le Russe a fait jeu égal avec
Ricciardo.
Williams
L’art de la raison
En lutte pour la deuxième place mondiale l’an passé, Williams
devait confirmer, voir progresser encore et qui sait aller titiller
Mercedes.
Or personne chez Williams n’a vraiment entretenu ce rêve. Dès la
présentation de la voiture, Claire Williams douchait les espoirs de
certains en reconnaissant qu’il serait difficile de faire beaucoup
mieux que 2014, faute d’un budget en hausse. Et effectivement, la
nouvelle voiture s’est montrée moins performante et le
développement n’a pas été à la hauteur face à une Scuderia Ferrari
en net progrès.
Pourtant, l’écurie anglaise était persuadée d’être plus proche de
Ferrari que les premiers chronos le laissaient penser. Parfois,
oui, Bottas est parvenu à menacer Vettel mais pas sur la durée.
Williams assurait aussi à tout le monde que Bottas, déjà convoité,
resterait en 2016. C’est le cas.
Le seul un peu trop optimiste était Bottas, justement, qui
ambitionnait de remporter son premier grand prix et de signer sa
première pole position. Surtout, il se félicitait d’une écurie
Williams qui avait tiré les leçons de ses erreurs stratégiques
passées... Malheureusement, elles ont continué de plus belle 2015,
pour son propre malheur.
Lotus douchée, Toro Rosso rassurée
Lotus
Loin du compte
Avec Lotus, il faut s’attendre à tout. En début d’année, ses
dirigeants, à la parole peu fiable, rassuraient tout le monde sur
les finances de l’écurie. Aucun problème à venir, selon eux. On a
vu comme cela a fini : balaie des huissiers, matériels saisis,
camions sous scellés, procédures au tribunal, liquidation en vue...
Si Renault n’était pas intervenu en vue d’un rachat qui a
finalement eu lieu, Lotus aurait mis la clé sous la porte.
En piste, Lotus ambitionnait de viser la 3e ou 4e place mondiale,
et de battre Williams. Loupé.
Lotus a fait bien mieux qu’en 2014 mais pas à ce point-là. Lotus
finit 6e, à pas loin de 200 points de Williams et même largement
distancée par Force India.
Grosjean, lui, pensait pouvoir réaliser de belles performances et
pourquoi pas un podium. Il en a signé un à Spa.
Toro Rosso
Au rendez-vous
L’écurie italienne était offensive avant le début de saison. Sa
monoplace marquerait, c’était sûr, un sacré pas en avant et ses
pilotes seraient une des surprises de l’année. Tout s’est réalisé :
la STR10 était l’un des meilleurs châssis de son histoire et a
parfois permis de menacer les Red Bull.
Côté pilotes, le choix de Max Verstappen, critiqué par beaucoup de
monde et donnant lieu à une intervention de la FIA pour éviter
qu’une telle ascension ne se reproduise, a très vite fait autorité.
Même chose pour Cainz Jr, pas toujours impressionnant avant la F1,
mais très rapide d’entrée.
Les deux pilotes ont même été un peu trop modestes, se disant au
final surpris d’avoir été aussi bons ! Ils ne s’y attendaient pas
forcément.
Force India
Tout comme prévu
L’écurie indo-anglaise a joué cartes sur table. Ils ont avoué ne
pas avoir pu réaliser la nouvelle voiture à temps, donnant
rendez-vous aux premiers essais avec la voiture 2014.
Ensuite, une voiture intermédiaire allait débuter la saison en
attendant, plus tard dans la saison, une vraie évolution 2015. Bob
Fernley reconnaissait même du retard de préparation sur la version
B, apparue finalement en Autriche.
Pilotes et patrons annonçaient donc un début de saison douloureux,
ce qui fut le cas, mais promettaient de nets progrès par la suite.
C’est exactement ce qu’il s’est passé, Force India réalisant une
deuxième demi-saison non loin de celle de Red Bull. Force India
bosse bien et est honnête. Cela change de certains.
Sauber
A un gros détail près
Après le premier zéro pointé de son histoire, Sauber pouvait
difficilement faire pire en 2015. D’où des discours initiaux assez
optimistes. Surtout après des premiers essais hivernaux canons.
Moqué pour la déco ratée de sa voiture, taxé de rouler avec peu
d’essence pour attirer des sponsors, Sauber a confirmé lors du
premier GP, avec 14 points d’un coup. Ils n’avaient donc pas menti
quand ils se défendaient de « tricher » pendant les essais de Jerez
et Barcelone.
Ils avaient également défendu leur attelage Nasr/Ericsson, peu
enthousiasmant sur le papier. Effectivement, sans être géniaux,
Felipe et Marcus ont fait le job. Ericsson, notamment, a été bien
meilleur que chez Caterham, et Nasr n’a pas perdu du temps pour se
mettre dans le bain.
Dommage toutefois que l’écurie suisse se soit retrouvée en plein
imbroglio autour de ses pilotes, Van Der Garde devant saisir la
justice australienne pour tenter de récupérer son volant promis
contractuellement. Sauber avait en fait signé avec plusieurs
pilotes pour seulement 2 baquets. Pas très pro.
Manor
Déjà un miracle
Absente de la fin de saison passée suite au tragique accident de
Jules Bianchi à Suzuka et des soucis financiers en Russie, Marussia
avait un objectif : faire son retour. Mission accomplie en
plusieurs temps : reprise en main sous le nom de Manor, fin du
statut d’administration judiciaire, deal avec Ferrari et feu vert
des écuries et de la FIA.
Peu d’ambition affichée donc, sauf celle de disputer la saison.
Chose faite, pas à Melbourne, l’écurie n’arrivant pas à prendre la
piste, mais à Sepang.
En revanche, Manor annonçait pouvoir lancer en cours de saison une
nouvelle monoplace 2015, autour de la fin août. Elle n’en a plus
jamais été question ensuite.
Conclusion :
On a échappé aux très gros bobards hivernaux, la domination nette
de Mercedes en 2014 laissant de toute façon augurer peu d'espoirs
de révolution en 2015. Personne ne s'est aventuré à viser la Lune.
Mais si Ferrari, Williams, Mercedes et Force India ont été assez
mesurés, les faits leur donnant assez fidèlement raison, d'autres
se sont pris les pieds dans le tapis. La palme revenant à
McLaren-Honda (on attend encore le podium de fin d'année) et à Red
Bull surtout. Ils n'ont ni rattrapé Mercedes, ni progressé
dramatiquement, ni quitté la F1, ni divorcé d'avec Renault !


