Essai Ferrari LaFerrari... en attendant l'Aperta !

En attendant l'essai imminent de LaFerrari Aperta, version cabriolet, nous nous sommes replongés dans le Coupé, sur le circuit privé de Fiorano, à Maranello.
Dimanche 27 novembre, Maranello, 9h00. LaFerrari arrive sur le
parking de Fiorano au moment où je baillais, et je n’arrive plus à
refermer la mâchoire. Dans la vraie vie, LaFerrari est un attentat
à la pudeur. Elle a l’air chaude comme une baraque à frites, mais
avec la classe d’un tailleur Chanel.
En comparaison, la Porsche 918 Spyder installe une distance avec
son observateur, tandis que la Ferrari instaure une proximité
immédiate, comme un murmure à l’oreille. C’est totalement
hypnotisant. J’ai l’impression de regarder un disque à spirales qui
tourne en boucle.
The Grand Tour
On me tend la clé de contact en me disant : «Vous ferez équipe
avec James May, avec qui vous partagerez la voiture pendant 4
heures sur la route, puis sur notre circuit de Fiorano, pour des
séries de 4 tours chacun». J’acquiesce avec le rictus du vieux
blasé, mais au fond, j’ai envie d’exploser. Pincez-moi : LaFerrari,
le circuit de Fiorano et « le » James May de l’émission The Grand
Tour sur Amazon! C'est à dire l’une des trois personnes au monde
ayant vécues tous les cas de figures automobiles imaginables, et
surtout, ceux qui ne le sont pas. Mais le plus drôle, c’est que
notre homme est loin d'être blasé : «Elle est incroyable, cette
Ferrari. En comparaison, la P1 donne l’impression de se prendre
trop au sérieux».
L’atmosphère qui règne à bord de LaFerrari est différente de
l'Enzo. Pas grand-chose à voir, non plus, avec la lignée, F50, F40
ou 288 GTO. Ca ressemble plutôt à ce que serait la fusion entre
l’intérieur d’une 458 Spéciale et d’une Bugatti Veyron : du cuir,
du carbone à profusion, mais avec un souci du détail digne d’un
joailler de la place Vendôme. Quant à la position de conduite, elle
est parfaite, même lorsqu’il s’agit de caser 1,90 mètre dans un
habitacle somme toute assez réduit. Le baquet est fixe et c’est le
pédalier qui se règle en profondeur, avec une manette située sur la
droite. Ensuite, le volant s’ajuste au millimètre.
Supercar
Sagement calés derrière la Fiat qui embarque nos photographes respectifs, James May et moi-même découvrons l’auto comme deux gamins déballeraient leurs paquets de Noël. « Tu crois que c’est grave si on s’échappe et qu’on remonte la route de montagne, sans eux? » me demande mon acolyte, avec un flegme britannique et un sourire en coin. Ma réponse fuse « Vas-y! ». LaFerrari s’engage sur la départementale avec la sensation de sauter dans le vide. La première accélération nous fait exploser de rire au même moment. Et encore, on a rien vu... à peine 5000 tours sur les 9250 d’ivresse absolue que compte le V12. L’auto donne le sentiment de survoler la route. Mais aussi d’être plus légère et plus communicative qu’une Porsche 918 Spyder. Dans la circulation, la F150 se conduit quasiment comme une 458 Spéciale. Hormis le fait qu’il vaut mieux avoir un compas dans l’œil, en raison des rétros qui donnent à LaFerrari une envergure de Concorde.
Tête à tête
Pendant que James May se fait tirer le portrait, je me retrouve
en tête à tête avec LaFerrari. Seul, face à un monstre de 963
chevaux. Le genre de situation qui donne envie de rentrer une
vitesse avant d’écraser l’accélérateur, pour ne pas mourir idiot.
Mais la réaction de LaFerrari à l’accélération est tellement
inhabituelle, qu’elle fait l'effet inverse : c'est à dire passer la
vitesse supérieure d’abord, histoire de tâter le terrain. Au
contraire d’une Pagani Huayra ou d’une Bugatti Veyron Supersport
dont la charge des turbos laisse quelques dixièmes de répit avant
d’exploser. LaFerrari, elle, dégaine plus vite que son ombre.
A peine regardé l’accélérateur que LaFerrari s’arrache du sol comme
un pur-sang de l’Aga Khan. Et avec les gaz ouverts en grand, la
poussée n’a tout simplement pas de comparaison avec ce qui se
pratique aujourd’hui dans le domaine des Supercars. Une Pagani
Huyara ? C’est moins instantané. Une Koenigsegg Agera ? C’est moins
prolongé. Une Lamborghini Aventador ? C’est moins physique.
La seule chose à laquelle ça me fait penser, c’est au mode
hypervitesse du Faucon Millénium. Même dans une Bugatti Supersport,
dont l’accélération procure une sensation moins élastique. Car
LaFerrari ne se contente pas d’être un avion, elle distille de
vraies sensations mécaniques, au contraire de la Veyron par
exemple. Quant à la Porsche 918 Spyder, qui m’avait sidéré, désolé,
mais Maranello frappe encore plus fort sur le plan des émotions.
Les valeurs données par Ferrari vont dans ce sens, avec moins de 7
secondes pour passer de 0 à 200 km/h et moins 15 secondes pour
atteindre 300 km/h, tandis que Porsche revendique respectivement
7’’ 3 et 20’’9 pour parcourir les mêmes exercices.
Mieux que Bugatti
En prolongeant le parallèle jusqu’à la Veyron Supersport, sur le
plan du comportement, ça devient cinglant. La raison essentielle
provient du poids et de tout ce qui en découle : l’équilibre, le
dynamisme, le freinage, etc... Pour mémoire, nous avions mesuré une
Veyron classique à 2100 kg. Soit 750 kg d’écart avec le poids
annoncé par Maranello. La comparaison avec la 918 Spyder tourne
également à l’avantage de Maranello, avec une différence de 150 kg.
Dans sa façon d’être collée à la route, LaFerrari donne
l’impression d’un centre de gravité plus bas que celui de la
Porsche. Et cela influe sur la sensation d’équilibre. La F150 offre
un feeling de direction qui fait penser à une 458 Spéciale, la
référence absolue en matière de remontées d’informations et de
précision.
Un scalpel, comparé à la fine lame de la 918 et à la hache de
bûcheron d’une Veyron. Il y a aussi, et surtout, cette sensation
d’être en prise directe avec la route. C’est plus limpide qu’au
volant de la 918. La réactivité du train avant de Maranello et sa
fluidité dans les changements de cap enfonce le clou. Les
placements suivent le regard comme un prolongement naturel de la
pensée. La F150 cale ses appuis comme sur des rails, avec une
impression de rigidité encore supérieure à celle de l’Enzo. Même si
cela dépend, forcément, de la générosité avec laquelle vous
accélérez. La stabilité à mesure que la vitesse augmente grimpe
aussi en flèche, par rapport à l’Enzo.
Supplément d’âme
Au-delà de cette débauche technologique, subsiste la question
des sensations. Je ne pourrai pas vous parler de celles de la P1
pour la simple et bonne raison que je ne l’ai pas conduite. Mais je
peux dresser un bilan entre LaFerrari et la 918 Spyder. Je reste
bluffé par la Porsche, notamment par sa faculté à jouer sur
plusieurs tableaux, du tout électrique à la voiture de course en
une fraction de seconde. Avec l’avantage de pouvoir sortir du
garage en tout-électrique, sans ameuter le quartier. Ca reste
d’autant plus fascinant que LaFerrari, par choix technique, n’est
pas en mesure de le faire. Mais malgré cette différence et la
prouesse que cela représente de la part de Porsche, je dois
reconnaître que Maranello place la barre encore plus haute, avec
une technologie futuriste qui n’exclue aucune sensation. Pour
simplifier à l’extrême, la 918 donne l’impression d’être une Hyper
Prius tandis que la Ferrari donne le sentiment d’être une Hypercar.
En clair, il y a beaucoup de technologie dans la Porsche mais dans
la Ferrari, il y a de la vie.
>>>> L’avis de Laurent Chevalier
A ce niveau, ce n’est plus une question d'excellence mais
d’adrénaline. Maranello repousse les limites connues des sensations
sur quatre roues. Au-delà de la question technologique, LaFerrari
est plus sportive qu’une Pagani Huyara, plus dynamique qu’une
Veyron et plus aboutie qu’une Koenigsegg Agera. Tout en étant plus
communicative qu’une Porsche 918 Spyder.
FICHE TECHNIQUE
V12 atmosphérique à injection directe
Cylindrée : 6262 cm3
Puissance : 800 ch à 9000 tr/mn + 163 ch électriques
Couple maxi 71,3 à 6750 tr/mn + 1200 Nm électriques
Régime maxi 9250 tr/mn
Transmission : 7 rapports à double embrayage
Poids annoncé : 1350 kg
Rapport poids/puissance : 1,4 kg/ch
0 à 100 km/h : 3''
0 à 200 km/h : 7''
0 à 300 km/h : 15''
Vitesse maxi : 350 km/h
Nombre d'exemplaires produits : 499


