Essai - Ferrari 296 Challenge (2025) : 3, 2, 1... mise à FEU !

Fermez les yeux et imaginez une Ferrari 296 GTB à qui l’on retirerait son moteur électrique et sa batterie en l’allégeant de 130 kilos. Avec des slicks "al dente" et des freins empruntés à la prochaine F80. Ouvrez les yeux… Bienvenue dans l’univers du Ferrari Challenge !
Circuit Monteblanco, près de Séville, mardi 8 h. L’épais brouillard qui tarde à se lever sur la ligne droite refroidit un peu l’ambiance. Mais notre petit groupe de veinards choisis par Maranello et fiers comme Artaban dans leurs combinaisons Sabelt Ferrari Challenge piaffe d’impatience telle une bande de gamins en pyjama au pied du sapin.
Dans la salle du briefing qui se tient au-dessus des stands, l’atmosphère reste pourtant studieuse. Mais un bruit sec vient perturber ce silence. Une déflagration, puis des vibrations qui se propagent sous nos pieds.
Elles proviennent de la 296 Challenge, que les mécaniciens démarrent au rez-de-chaussée et qui fait littéralement trembler notre plancher. Je ne sais pas si je suis le seul à le ressentir, mais j’ai du mal à cacher mon excitation à l’idée d’en prendre le volant.
Je m’efforce de faire comme si de rien n’était, en feignant le vieil habitué des circuits que rien ne peut déconcentrer. Ce qui est évidemment l’inverse, puisque le simple bruit d’une clé à chocs suffit à me donner des bouffées d’euphorie.
Au volant d'une Ferrari 296 GTB "déshybridée"
Bref, en écoutant le démarrage à froid de la 296 Challenge, j’entre en lévitation. Et je reste bouche bée devant sa fiche technique. Imaginez… une 296 GTB non pas swappée mais « déshybridée ».
C’est-à-dire débarrassée de son moteur électrique et de sa batterie, et ainsi allégée de 130 kg par rapport au modèle routier. Cerises sur le gâteau et rasade de chantilly : le V6 biturbo est boosté à 700 ch au lieu de 663, les Pirelli slicks sont collants comme des rouleaux Pattex et les freins en carbone-céramique proviennent de la nouvelle Ferrari F80.
Ils sont donc conçus pour stopper 1 525 kg à sec, alors que la 296 Challenge revendique 1 330 kg seulement. Inutile de préciser que dans la seconde qui suit, je suis déjà casqué, sanglé au Hans, ganté et prêt à m’enlever une côte si nécessaire pour passer par le trou de souris formé entre l’arceau de sécurité et les oreilles du baquet HRS (Head Restraint System, élaboré pour maintenir la tête en cas de choc latéral).
Alors j’expire, je rentre le ventre et je me contorsionne avec ma souplesse de piquet pour caser mon mètre quatre-vingt-dix de viande. Ouf, ça passe et ça en vaut la peine. A l’intérieur, c’est le paradis. J’ai beau être ficelé comme le rosbif du dimanche par le harnais six points et avoir la sensation que ma tête est coincée dans un étau, je jubile en faisant pivoter mes globes oculaires pour mieux profiter de ce panorama idyllique.
A gauche, la meurtrière en Lexan me fait penser à l’un de mes plus grands fantasmes d’adolescent (la F40). Au centre, le volant me plonge dans la ligne droite du Mans, et à droite, le panneau central en carbone donne l’impression d’un cockpit de Falcon.
Au milieu de cette forêt de tubes peuplée d’une armée de boutons, la procédure de démarrage est assez simple. Il suffit d’abaisser deux loquets sur le panneau central (celui de la batterie puis de l’allumage) avant d’appuyer sur le start engine. Le V6 craque comme une allumette dans une déflagration à l’échappement.
A ce propos j’aurais une question : pourquoi y a-t-il toujours un idiot qui colle son oreille aux pots pour filmer le démarrage avec son iPhone, avant de sursauter en se faisant exploser un tympan ? Et pourquoi cet idiot, c’est toujours moi ?
3, 2, 1… feu !
Pas besoin de cours magistral sur l’utilisation de tous les boutons, puisque la prise en main de la 296 Challenge est assez simple. Il faut surtout se concentrer sur les trois manettinos principaux.
Deux sont situés sur le volant, TC1 et TC2, et concernent le paramétrage du contrôle de la motricité (timing et sensibilité), et la troisième molette est placée à main droite, sur le panneau central, pour régler l’intensité de l’ABS.
Hormis cela, les fonctions sont classiques. Il y a même des clignotants et la climatisation, appréciable lorsque vous roulez sur des circuits de pays chauds. Il y a aussi un bouton Flash qui émet automatiquement quatre appels de phares très rapides pour coller la pression à celui qui roule devant. La classe… je m’y crois déjà.
Mais avant cela, je vais essayer de ne pas caler en sortant des stands. Impossible, puisque la boîte est directement dérivée de celle de la 296 GTB (double embrayage à 7 rapports). Du beurre, avec des grains de sel car les passages de rapports sont plus directs et moins filtrés que sur le modèle routier.
Première, la Challenge remonte la pit lane avec le limiteur de vitesse enclenché, qu’il suffit de faire sauter en appuyant sur le bouton PIT à la sortie des stands. Le V6 biturbo réagit aussitôt comme à un coup de fouet. Ça pousse dans le dos du tac au tac, avec un souffle irrépressible.
Peut-être moins instantané que dans la 296 GTB, où l’électricité donne un coup de pouce à mi-régime, mais la sensation d’accélération semble beaucoup plus authentique et libérée. A peine plongé dans la marmite que le premier droite, serré, en troisième, se jette dans le pare-brise.
La remise de gaz qui suit fait siffler les turbos et rappelle le 2,9 litres de la F40. Waouh, c’est sans filtre ! Tout comme le passage de troisième en quatrième, qui est moins enrobé que sur la 296 GTB. Pas violent, mais plus franc. Idem au rétrogradage, avant de plonger dans le gauche-droite suivant.
La direction est incroyable : très directe, légère mais pas inconsistante, et informative. La première portion de ligne droite permet de libérer la puissance. La Challenge explose jusqu’à 8 500 tr/mn en faisant rougir les LED du volant comme sur une platine de DJ.
Les turbos soufflent plus fort que dans la 296 GTB
« Grande courbe à droite “sans relâcher” », me dit-on dans l’oreillette, puis un freinage appuyé (dé-gressif, bon sang !) fait légèrement dévier la Challenge. Signe que les pneus ne sont pas encore tout à fait à température.
Double gauche en enfilade et le V6 joue de la wastegate à tue-tête. Ensuite, pour toute la portion jusqu’au virage 9, pas de question, c’est à fond. La Challenge redouble d’énergie et dévoile son vrai visage. Celui d’un missile léger capable de changer de cap en un éclair.
Les pneus sont maintenant al dente et le niveau d’adhérence donne littéralement l’impression de rouler sur des rails. Le grip devient phénoménal. Surtout concernant le train avant, qui présente une adhérence très largement supérieure à celle de la 296 GTB.
Hormis les gommes, qui n’ont rien à voir avec ceux de route, même performants, il faut préciser que la répartition du poids sur l’essieu avant est un brin plus élevée que le modèle de série (42 % sur l’avant et 58 % sur l’arrière contre 40,5 % et 59,5 %).
Au volant, cela confère la sensation d’un équilibre qui coule de source, d’une stabilité ahurissante et d’un grip inouï. Sans la moindre plongée au freinage, malgré les décélérations dantesques qu’autorisent les disques carbone à fibres longues.
Inutile de dire que les premières décélérations se font beaucoup, mais alors beaucoup trop tôt. Il me faudra enchaîner des tours et des tours pour me familiariser avec cette force de décélération et oser déclencher le freinage à 160 m en bout de ligne droite, aux environs de 260 km/h.
L’autre élément qui interpelle, c’est le dosage. Le système carbone-céramique est drive by wire, mais il ne manque ni de sensation au contact ni de consistance par la suite.
Il fait penser à ces freins surassistés que l’on retrouve parfois dans le monde de la moto, qui peuvent dérouter au premier abord mais dont on ne peut plus se passer une fois qu’on y a goûté.
En clair, le contact est direct, sensible sans être délicat : ultra‑précis, et facile à appréhender. C’est d’ailleurs ce qui transpire au volant de la Challenge. L’auto a beau avoir le pedigree et les capacités hors norme d’une bête de circuit, elle se montre accessible et pardonne les erreurs.
Davantage qu’une McLaren Senna, notamment en matière de stabilité à l’accélération. Ou au lever de pied qui demeure imperturbable lorsqu’il s’agit de plonger dans le virage 12, en aveugle, qui a de faux airs du Raidillon de Spa en réduction.
Une Challenge chaude comme une "baraque à frites"
Miniature ou pas, ça reste impressionnant étant donné la vitesse à laquelle la 296 Challenge y plonge sans broncher. S’ensuit une série de sifflements de sarbacanes qui poussent le train avant à mordre les vibreurs en tressautant comme une mitraillette, à gauche puis à droite, dans l’enchaînement suivant.
Une nouvelle relance explosive jusqu’au virage 18, qui débouche sur la ligne droite. La Challenge est chaude comme une baraque à frites et le V6 fait ses gammes au rythme de la poussée qui ne s’estompe pas. Cette fois, on ne lâche pas.
La vitesse exacte ? Je n’en sais rien, puisque ca défile tellement que je préfère me concentrer sur les LED du volant pour éviter de buter contre le rupteur qui a tendance à surgir tel un diable de sa boîte.
Bref, à fond et à fond. Je m’applique à bien dépasser le panneau des 200 m pour sauter sur les freins, et la Challenge se plante dans le bitume en laissant une marge qui me ferait passer pour un jeune permis, à peine audacieux. Caramba !
Au tour suivant, je retarde le freinage jusqu’à des limites qui me paraissent poussées pour une voiture de route, mais c’est encore beaucoup trop tôt. Entre‑temps, j’en profite pour déplacer les manettinos de réglages du contrôle de motricité TC1 et TC2. Celui de droite (TC1) définit la force de l’intervention de l’antipatinage, tandis que celui de gauche (TC2) détermine son timing.
Autant dire que c’est fin, mais utile pour aller grappiller de précieux kilomètres‑heure en sortie de virage. Je n’irai pas jusque‑là mais je constate que, même sur les positions les plus permissives, la motricité de la 296 Challenge est bien meilleure que celle d’une SF90 Assetto Fiorano. Sco‑tchée !
La confiance s’installe et avec une bonne dose d’imagination, il y a de quoi se prendre pour un pilote. Et tenter le freinage à 160 m en bout de ligne droite, en appliquant religieusement les consignes radio qui me sont prodiguées par le coach sur le siège passager (drôle de métier).
Cette fois, ça y est, la Challenge s’arrête en gardant une assiette en béton armé avant de se présenter à la corde sans broncher. Tout en transmettant jusqu’à la plus infime des informations dans le volant et le baquet. Comme pour mieux vous donner l’impression de faire totalement corps avec la machine.
Chose que je n’ai pas retrouvée, poussée à ce point, au volant de l’Aston Martin Valkyrie Pro ou de la Pagani Huayra R par exemple. C’est sur ce point que la 296 Challenge réalise un véritable tour de force.
Dans sa faculté à repousser (très loin !) les capacités de la 296 GTB en matière de grip, d’agilité et de décélération… tout en restant aussi accessible.
L'avis de Laurent Chevalier : 5/5
Par rapport à la 296 GTB, il y a d’abord un gap monumental en matière de grip latéral et de motricité. Il y a ensuite une agilité qui grimpe en flèche grâce au gain de poids, et une précision millimétrique dont chaque mouvement est fidèlement transmis.
Enfin, le système de freinage apporte une force de décélération sans commune mesure avec les modèles de série. En clair, l’expérience du Ferrari Challenge ne se raconte pas, elle se vit.
Ferrari 296 Challenge : fiche technique
- Moteur : V6, biturbo, 24 S
- Cylindrée : 2 992 cm3
- Puissance maxi : 700 ch à 7 500 tr/mn
- Régime maxi : 8 500 tr/mn
- Couple maxi : 75,4 mkg à 6 000 tr/mn
- Transmission : roues AR, 7 rapports à double embrayage
- Poids : 1 330 kg à sec
- Freins AV & AR : disques ventilés carbone-céramique (408/390 mm)
- Prix de base : 382 000 € (non homologuée pour la route)
Retrouvez notre essai de la Ferrari 296 Challenge dans le Sport Auto n°756 du 27/12/2024.