Une telle cohabitation n’est pas forcément évidente
pour des compétiteurs qui ont été, pour la
plupart, élevés dans le culte de l’individualisme en monoplace.
"C'est vrai qu’en Endurance la démarche est différente par
rapport à la monoplace où les pilotes cherchent avant tout à se
distinguer sur le plan personnel", explique Philippe
Sinault.
"En Endurance, l’important est de mettre l'équipe en avant.
En plus de donner le meilleur d’eux-mêmes au volant, les pilotes
doivent aussi savoir créer une dynamique, communiquer entre eux et
surtout se mettre au service des uns et des autres. C'est vraiment
la clé de la réussite. Cela demande une approche intellectuelle et
psychologique différente d'un pilote de monoplace."
Converti à l’Endurance il y a une quinzaine
d’années, Nicolas Lapierre confirme
l’état d’esprit spécifique de cette discipline :
"C’est le jour et la nuit ! En Endurance, tu as deux équipiers
et tu ne souhaites qu’une chose : qu’ils aillent le plus vite
possible alors qu’en monoplace tu ne penses qu’à les écraser le
plus possible ! La philosophie est complètement
différente..."
Le sens du compromis
Partager une voiture à trois impose, bien sûr, quelques
compromis : "Un pilote d’Endurance doit accepter de préserver
les freins ou les pneus en vue du relais suivant, d’économiser de
l’essence, de ne pas toujours disposer de pneus neufs",
poursuit Philippe Sinault. "On est en
permanence dans le compromis, mais dans un arrangement bienveillant
où on pense à l'autre, tout en gardant à l'idée d’être le plus
performant possible. Cela peut aboutir à des choix qui peuvent
surprendre, quand on ne connaît pas bien. Par exemple, on doit
souvent faire des sacrifices dans la position de
conduite."
Trouver des pilotes capables d’intégrer ces valeurs et de les
partager harmonieusement avec ses équipiers n’est pas si
simple. Dénicher un tel trio est la mission
de Philippe Sinault : "Non seulement, je suis très impliqué
dans le choix des pilotes mais je dirais même que c'est vraiment ce
que je préfère dans mon métier", confesse-t-il.
Certaines équipes se livrent à des analyses chiffrées très
poussées des performances des pilotes, ou
s’attachent à engager à des compétiteurs de certaines nationalités
pour des raisons marketing ou bien encore privilégient des styles
de pilotage similaires. Le directeur de l’équipe Alpine Elf Endurance Team a vite établi son
critère numéro 1 en matière de recrutement.
"Pour moi, la priorité c'est vraiment l'esprit d’équipe et
l'état psychologique global de cette dernière. Il n'y a pas de clé,
pas de recette précise… C'est beaucoup de ressentis, d'échanges et
d'observations qui me permettent de me dire : 'tiens, celui-ci
serait compatible avec la dynamique que j'ai envie de
créer."
L’idéal est de créer un trio qui va tirer le groupe
vers le haut : "Quand on a une bonne dynamique, chaque
pilote aide les autres à progresser dans des domaines où ils ne
sont pas forcément les plus forts au départ", analyse Philippe
Sinault. "C'est le côté vertueux d’une telle coopération qui
permet à chacun non seulement de donner le meilleur de lui-même
mais aussi d'évoluer sur le plan personnel. Et cette notion de
partage vient décupler à la fois le plaisir et l'intensité du
résultat."
Un trio de choc
Au sein de l’équipe depuis 2016, Nicolas
Lapierre joue un rôle de capitaine : "A chaque fois
qu'il prend la voiture, on sait qu'il va, non seulement donner le
maximum, mais qu’il va être d'une objectivité incroyable à la fois
sur le comportement et sur son propre niveau de performance. C’est
précieux", analyse Philippe Sinault.
Si le recrutement du pilote français, valeur sûre de la
discipline, relevait de l’évidence, le brésilien André
Negrão est arrivé en Endurance sur le tard, en rejoignant
l’équipe en 2017, après une première carrière en monoplace :
"C'est l'Endurance qui lui a vraiment permis de s'exprimer et
de laisser éclater son talent parce qu'il a une vraie forme
d'intelligence. Il aime partager et réussir en groupe. Il est
devenu un élément indispensable à l’équipe"
Matthieu Vaxivière, quant à lui, a parfaitement
su trouver sa place l’an dernier aux côtés de ces deux cadres de
l’équipe : "Il avait une approche très monoplace, il y a encore
peu", reconnaît Sinault. "Mais, bien encadré par ses deux
équipiers, il a découvert cette notion de fraternité avec nous
l'année dernière et a prouvé être un très bon pilote
d'Endurance."
Après une magnifique saison 2021 ponctuée
par six podiums, ce trio de choc a commencé la saison 2022 de la
plus parfaite des manières en remportant la première manche du
Championnat du monde d’Endurance, à Sebring, au
volant de l’Alpine A480 et en menant le classement général.
Avant la passe de deux ce
week-end à Spa-Francorchamps ?
Source : Alpine
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