Todt revient sur toute l'affaire d'espionnage

Publié le 27 juillet 2007 à 22:10

Plus que de la déception, c'est de l'incompréhension que la décision du Conseil Mondial a suscité chez Ferrari. La FIA n'a pas pénalisé McLaren dans l'affaire d'espionnage, ce que la Scuderia ne conçoit pas.
Il a été prouvé que l'équipe anglaise avait en sa possession des documents appartenant à sa rivale. Mais n'ayant pas la certitude qu'ils avaient utilisés, la FIA a décidé de pas appliquer de sanction. Pour Jean Todt, ce n'est pas normal: dans une très longue déclaration officielle, le patron de Ferrari est revenu sur les derniers épisodes, et il expose son point de vue.
Il révèle qu'un "pacte de non agression" a été signé entre les deux équipes, au moment même où Mike Coughlan et Nigel Stepney étaient en contact. Le français explique clairement pourquoi Ferrari ne comprend pas la décision de la FIA. Et pourquoi l'affaire est loin d'être finie...
Incompréhension
"Je suis amer à ce sujet: ce qui s'est passé [...] est sérieux: d'un côté, le verdict parle de culpabilité, mais de l'autre, aucune sanction n'a été imposée. Je ne peux pas le comprendre," s'offusque Jean Todt. "Au cours de la réunion, tous les dirigeants de McLaren ont admis que leur chef designer [Mike Coughlan] a obtenu en mars, avant le Grand Prix d'Australie, des documents de la part de Nigel Stepney."
"Ces données ont été utilisées pour préparer une demande de clarification à la FIA [au sujet de la possibilité d'utiliser un fond plat mobile], clairement dirigée vers nous, et au cours du week-end de Melbourne, le team manager de McLaren et ses plus proches collègues ont parlé de doutes au sujet de “quelques voitures”."
"Ces informations ont donc été utilisées pour prendre un avantage sur nous: pas une amélioration dans leurs performances, mais une limitation des nôtres. Il est important de souligner que l'information utilisée pour essayer de nuire à Ferrari via la FIA pourrait ne représenter qu'une partie des informations reçues par McLaren."
"Pour justifier ses actions, McLaren a tenté d'invoquer l'immunité normalement accordée dans certains systèmes juridiques à une personne qui dénonce quelque chose d'illégal [c'est le cas en Angleterre, où un crime commis pour empêcher un autre crime peut ne pas être puni, NDLR]. Mais il faut noter que normalement, un informateur ou une source doit se référer à l'autorité compétente pour dénoncer quelque chose, alors que dans ce cas il est allé vers le principal rival de Ferrari qui, et c'est la FIA qui nous le dit et pas nous, a bien pris soin de mentionner que l'information avait été acquise de cette manière."
"Poursuivons. McLaren a confirmé qu'il a fallu mettre des barrières pour que davantage d'informations de Stepney, sous forme de documents, ne puissent arriver jusqu'à l'équipe. De plus, il a été demandé à Coughlan de dire à Stepney de ne plus lui donner des informations. Il est dommage qu'avant cela, Coughlan lui ait demandé des informations sur le système de freins de Ferrari, qu'il ait déjeuné avec lui en Espagne, pour rentrer tranquillement chez lui avec 780 pages de croquis, diagrammes, données et bien plus en rapport - comme l'a précisé la FIA - avec le design, le développement et la façon de rouler d'une Ferrari de Formule 1 2007."
"Comme l'a confirmé la décision [de jeudi], la violation existait déjà dans la simple possession d'une information, ce qui constitue en soi un avantage énorme dans un sport comme la Formule 1. Pour Ferrari, cela revient à jouer une partie de poker en connaissant les cartes de l'adversaire."
La FIA a confirmé que McLaren avait eu ces documents... mais n'ayant pas la preuve qu'elles avaient été utilisées par l'équipe, le Conseil Mondial a décidé de ne pas appliquer de pénalité. Jean Todt désapprouve cette décision. "Il reste incompréhensible qu'en dehors de la possession [d'une information], une de celles ci doive être visiblement adaptée sur une voiture de McLaren [pour qu'il y ait une pénalité]," précise-t-il.
"En fait, ce même fait, sur la base des informations disponibles que la FIA a utilisé pour juger McLaren coupable, montre que la fraude réside dans la possession, sans besoin de prouver quoi que ce soit d'autre. La preuve est là et cela a motivé la décision de la FIA. Il est donc difficile de comprendre le sens du verdict. De plus, je dois dire que la preuve d'une véritable utilisation [des données] demandée par la FIA est impossible à fournir par Ferrari, parce que bien sûr, Ferrari n'a pas accès à la voiture de McLaren."
L'accord
Jean Todt révèle que Ferrari et McLaren, deux équipes dont la rivalité à la parfois fait des ravages, ont tenté d'apaiser les tensions, à l'initiative de Ron Dennis. Un accord pour mettre fin à cette lutte permanente a même été trouvé, moins d'un mois avant que l'affaire ne devienne publique...
"Quelques semaines avant la course de Melbourne, le team manager de McLaren a proposé de trouver un accord pour établir une meilleure relation entre nos deux équipes, évitant des dénonciations devant l'autorité sportive," explique Jean Todt. "J'ai répondu que je trouvais impossible de le croire, puisqu'à plusieurs occasions, certains engagements n'ont pas été respectés par McLaren. Il y a eu un échange de points de vue et, croyant en leur bonne foi, j'ai accepté de signer un accord le 9 juin dernier."
"A cette époque et même bien avant, McLaren savait très bien ce qui se passait, pas seulement grâce aux e-mails reçus grâce à leur informateur [Nigel Stepney] dans notre entreprise, mais aussi grâce au fait que leur chef designer [Mike Coughlan] était resté en contact avec lui et continuait d'être en possession d'une grande quantité d'informations techniques nous appartenant. Donc, d'un côté ils disaient “ayons confiance en nous”, et de l'autre ils cachaient des faits importants tels que ceux cités plus haut, sans faire l'effort de nous en informer, ce qui aurait été dans l'esprit et dans la lettre de notre accord."
L'audience
Jean Todt revient enfin sur la réunion du Conseil Mondial de jeudi. Il déplore que Ferrari n'ait pu exposer son point de vue, et il reste abasourdi par le verdict. "Il faut noter que que la réunion [de jeudi] n'était pas une comparution devant un tribunal, mais une réunion du Conseil Mondial de la FIA, auquel McLaren a simplement dû répondre à des accusations, et où nous n'étions présents qu'en tant qu'observateurs," note Jean Todt. "Il était donc impossible d'avoir un rôle actif, comme nous l'aurions souhaité. Je n'ai pu que poser quelques questions et répondre à quelques autres, nous ne pouvions pas présenter notre opinion, ni nos documents pour la soutenir."
"Cette décision reste très décevante et surprenante," conclut le français. "Il n'est pas acceptable de créer un précèdent dans un cas si important, dans lequel le verdict de culpabilité pour une violation sérieuse et tenace du principe fondamental de l'honnêteté sportive n'implique pas obligatoirement une pénalité. En ce qui nous concerne, nous allons poursuivre les actions légales actuellement lancées en Italie et en Angleterre, et nous n'excluons pas de lancer une nouvelle action."
Le feuilleton est peut-être loin d'être fini...

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