Sport Auto remonte le temps à la "Classic Racing School" de Charade

Publié le 13 décembre 2024 à 12:00
Mis à jour le 13 décembre 2024 à 13:53
Sport Auto remonte le temps à la "Classic Racing School" de Charade

Un chapelet de virages en aveugle, une boîte à crabots, de craquantes monoplaces tout droit sorties des livres d’Histoire, une équipe d’encadrement aux petits soins : la Classic Racing School, c’est tout ça. Et c’est encore mieux de l’intérieur. Sport Auto a testé pour vous.

"J’ai une opportunité de dernière minute dans la session la semaine prochaine. Cela vous intéresse ? » Le mail est signé Julien Chaffard, fondateur et « boss » de la Classic Racing School.
Le nom vous dit peut-être quelque chose, surtout associé aux photos qui illustrent cet article. Résumons : une école de pilotage, à bord de monoplaces des années 60, sur le circuit de Charade. Ne cherchez pas, c’est unique. Le cocktail semble aussi magique qu’intimidant.
D’un côté, le circuit de Charade, le petit Nürburgring français, son tracé naturel à l’ancienne, sa riche histoire d’ancien hôte du Grand Prix de France de F1 (entre 1965 et 1972). De l’autre, un frêle esquif venu d’un autre temps, une pure beauté que l’on imagine rebelle, la Crosslé 90F.
Notre mission, si nous l’acceptons, est de tenter d’apprivoiser l’animal en milieu naturel, sans aides à la conduite, ni appui aéro, ni boîte à palettes, sur des pneus sculptés conformes aux dimensions et aux profils de l’époque.
Une belle petite capsule temporelle, surtout pour ceux qui, comme moi, ont commencé à feuilleter Sport Auto quand Jack Brabham ou Graham Hill étaient au sommet de leur gloire. L’organisation est à la fois carrée et parfaitement décontractée.
Pas de salle de classe blafarde pour le briefing de début de journée. Mais une ambiance lounge, dans un bel espace décoré vintage. Cela n’empêche pas la pression de monter, au fur et à mesure des – amicales – mises en garde sur les bourdes à ne pas commettre pour ne pas gâcher sa journée. Qui va être longue. Il est question de 7 sessions de roulage de 20 minutes soit, au total, plus que la durée d’un grand prix !
Pourtant, les instructeurs prennent le temps nécessaire pour apaiser les éventuelles angoisses. Par exemple, la question de la fameuse boîte à crabots Hewland. « Si vous n’y arrivez pas, ne vous en faites pas. Le moteur a du couple dès 2 000 tr/mn, vous pouvez quasiment tout faire en troisième. »
La maîtrise du talon-pointe reste cependant vivement conseillée pour les rétrogradages, de même qu’une ferme décision à la montée des rapports. Une semaine avant, les stagiaires ont reçu un guide de la piste, qui détaille la manière d’aborder ses 18 courbes.
Ça commence fort dès le 1er virage, la Passerelle : « Courbe en devers. Attention, virage rapide et dangereux ! », attaque le guide. Plus que 17 virages à mémoriser… ce que doit aider à faire un tour en passager en voiture de tourisme, commenté par un pilote instructeur.
Celui qui m’est attribué est bien connu de nos services : Pierre Sancinena, pilote (LMP2, F4, champion de France GT, champion de l’Alpine Europa Cup…) mais aussi ingénieur qui a conçu l’aéro de l’Alpine A 110. Que vient-il faire là ?
Il sort de la même école d’ingénieurs que Julien Chaffard, a été séduit par le projet et en est devenu partenaire. Vient enfin le moment de passer aux travaux pratiques. Elles sont là, bien alignées dans la voie des stands. Des bijoux sur roues que l’on imaginerait accrocher au mur, en déco d’un loft tendance.
Toutes identiques, et toutes différentes. Cette coquetterie, écho du soin apporté à chaque détail, n’est pas que cela. Elle révèle le fonctionnement singulier de l’école : « Les voitures appartiennent chacune à un propriétaire, à laquelle l’écurie les loue, explique Julien. En échange, les monoplaces sont stockées, assurées, entretenues et prêtes à être utilisées lorsque les propriétaires le souhaitent. C’est une forme d’actionnariat un peu particulière. Chaque voiture a son identité. »
Entre l’entrelacs de tubes, pas de baquet à proprement parler. Un coussin en cuir sur le plancher, un autre derrière le dos, et voilà tout. Se régler ? On rajoute un coussin ! Il faut donc un peu de temps pour s’habituer à la position de conduite, à demi-couché sur le fond de la monoplace.
Le harnais se chargera de nous tenir en place, les épaules et les hanches caressées par les tubes du châssis. Devant se dresse un amour de bloc compteurs. Aucun grigri électronique moderne ne vient ternir le tableau.

Facile, la monoplace !

Le moteur s’est réveillé dans le dos. Le pied droit se faufile pour gérer accélérateur et frein, tout proches. « Pensez à bien caler votre pied gauche sur le repose-pied », rappelle l’instructeur. Mouvement décidé du poignet droit vers l’avant, sursaut de la monoplace au moment où la 1re s’engage, et c’est parti.
Dans les premiers tours, derrière un pace car, les appréhensions liées au maniement de la Crosslé s’estompent. Le moteur, généreux en couple, pardonne beaucoup. La boîte à crabots se laisse faire sans excès de mauvaise humeur.
La pédale de frein, ferme et à course courte, autorise à la fois le dosage et la décélération autoritaire. Je suis moins convaincu par la direction, un peu lourde et au centrage paresseux. En fait, plus que la monoplace, c’est la piste qui intimide.
Couché au ras du sol, on imagine les pièges plus qu’on ne les voit, avec trois quart des courbes en aveugle. Le regard s’accroche désespérément aux cônes, qui sont autant de bouées de sauvetage vitales dans cet univers indéchiffrable.
Chaque série de tours se prolonge par un débriefing personnalisé, souriant et bienveillant, avec un instructeur par stagiaire, qui retransmet les remarques de ses collègues, postés dans chaque virage, et analyse la vidéo embarquée de la session : « Position des mains, changements de rapport, direction du regard, c’est tout bon. Tu respectes juste le bon écart de ta roue avant au bord de piste, pour que le train arrière, plus large, ne vienne pas mordre dans l’herbe. »
Petit moment de satisfaction avant le « mais », que l’on sait inévitable : « A la Passerelle et au Petit Pont, tu braques un peu tôt. C’est naturel. Après le freinage, ton regard cherche la sortie. Le problème, c’est que tu as tendance à braquer en même temps que ton regard, et c’est trop tôt. »
Je hasarde une remarque : « Il ne manque pas un plot de freinage, à la fin de la parabolique de Thèbes ? » Mon coach esquisse un sourire : « C’est parce que tu arrivais trop à gauche de la piste, pas bien orienté. Mais si tu termines la parabolique roues droites et complètement à droite, tu soulages juste l’accélérateur pour replacer l’avant dans l’axe de la sortie et tu peux reprendre les gaz. »
En tenant compte de ces remarques (et de celles qui suivront !), le rythme monte au fil des sessions. La confiance aussi, pour bientôt attraper 6 000 tr/mn en quatrième au freinage du Petit Pont, au bout de l’enchaînement de courbes « à fond » qui tient lieu de portion la plus rapide du circuit.
Mais attention à l’excès de confiance. Les pneus froids, un passage de rapport cafouillé ou une corde ratée laissent la monoplace exprimer ses talents de danseuse… « Maintenant, on va aller chercher encore plus de rythme dans les virages lents », me lance le coach en début d’après-midi. Plus simple à dire qu’à faire.
La fatigue arrive, qui nuit à la concentration, avec le risque de se laisser embarquer par excès d’optimisme. Epuisés, quelques stagiaires n’ont pas souhaité participer à la dernière session. Qui sont-ils ? Un groupe d’amis venus de Corrèze.
Le meneur de la troupe est plutôt motard dans l’âme. Il en est à son deuxième stage, « et sûrement pas le dernier », assure-t-il, s’avouant séduit par le concept et l’ambiance. Un peu plus loin, ce sont des Allemands venus en famille. L’idée de départ était d’offrir le stage au fils.
Mais il a demandé que sa maman participe elle aussi, ce qu’elle a accepté. « Nous sommes amateurs de voitures historiques, explique-t-elle. C’était génial de pouvoir faire ça en famille. »
En attaquant le trajet retour au volant du SUV de service, qui me paraît alors un chamallow obèse, je me rends compte qu’à aucun moment de la journée la question de la puissance n’a été un sujet, encore moins une frustration. C’est fou le plaisir que l’on peut prendre avec 110 ch !

Fiche technique en bref

  • Moteur : Ford Zetec, quatre cylindres, 2 litres
  • Puissance : 110 ch
  • Boîte : Hewland 4 rapports à crabots
  • Châssis : tubulaire acier
  • Freins : quatre disques acier, non assistés
  • Poids : 420 kg
  • V. Max : 210 km/h

Retrouvez notre reportage à la "Classic Racing School" du Circuit de Charade dans le Sport Auto n°754 du 25/10/2024.

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