F1 - Comment Häkkinen a battu Schumacher à Spa

Mika Häkkinen a réalisé un dépassement sur Michael Schumacher resté dans l'histoire en 2000 à Spa. Le Finlandais raconte la préparation de cette manoeuvre.
A Spa en 2000, Mika Häkkinen a réalisé l'un des dépassements les
plus spectaculaires de l'histoire, sur Michael
Schumacher. Cette course ne pouvait pas lui échapper.
Häkkinen avait signé la pole et il menait en début de course, sur
une piste humide. Il a ensuite fait une erreur, ce qui a offert la
tête à Schumacher.
« J'ai fait une petite erreur à Stavelot, en touchant un
vibreur, et le résultat a été un désastre : j'ai fait un
demi-tête-à-queue dans l'herbe, et avant que je puisse contrôler la
voiture et repartir, Michael était passé, me reléguant à la
deuxième place, » déplore le Finlandais dans son blog sur le
site de McLaren.
« Je m'en voulais. Mais j'étais déterminé à ne rien faire de
stupide, donc je me suis concentré pour avoir un pilotage doux et
sensible, en consolidant ma deuxième place. Devant moi, Michael
enfonçait vraiment le clou, et au 20ème tour il était 10 secondes
devant. »
Häkkinen a commencé à réduire l'écart : « Une trajectoire
était sèche sur la piste, mais c'était encore humide hors
trajectoire, donc rouler à fond était un risque, parce que je
savais que la moindre erreur serait punie par un nouveau
demi-tête-à-queue, ou pire, ce que je ne pouvais pas me permettre.
Mais, malgré ça, j'ai commencé à attaquer plus, et j'ai commencé à
rapprocher ma McLaren-Mercedes argentée de la Ferrari rouge
écarlate de Michael. »
La première tentative a été ratée
Une fois revenu sur Michael Schumacher, Mika Häkkinen a voulu
attaquer une première fois Michael Schumacher après l'Eau Rouge.
L'Allemand a réagi avec un manoeuvre discutable.
« Au 40ème tour, j'étais dans ses roues, » explique
Häkkinen. « En arrivant à l'Eau Rouge dans ce tour là, nous
avons tous les deux momentanément levé le pied, et nous avons
ré-accéléré avant Les Combes. L'Eau Rouge était un virage
majestueux à cet époque, presque à fond mais pas totalement, un
vrai défi pour l'homme et la machine. Je l'avais bien pris,
peut-être un peu mieux que Michael, et, en approchant la zone de
freinage pour Les Combes, j'ai décidé de tenter de freiner plus
tard que lui. »
« J'ai plongé le nez de ma McLaren-Mercedes aux côtés de sa
Ferrari, et j'étais préparé à freiner tard. Mais Michael m'a vu
arriver, et il s'est rapproché de moi, à 300km/h (...), son pneu
arrière-droit a touché la dérive gauche de mon aileron avant et
j'ai levé le pied pour abandonner la manœuvre. »
« Après la course, Michael a reçu beaucoup de critiques pour
cette manœuvre à haute vitesse mais, maintenant, 15 ans après, je
n'ai pas de problème avec ça. J'ai énormément aimé ma carrière en
Formule 1, et l'un de ses moments forts a été ma rivalité
permanente avec Michael. Je le respectais, et je pense qu'il me
respectait. On se battait vraiment, mais la plupart du temps nous
nous battions également sportivement. C'était un concurrent d'une
combativité terrifiante, mais on pourrait dire ça de tous les
grands champions. On ne remporte pas sept championnats du monde en
étant doux, et Michael ne l'a jamais été, mais il était un superbe
pilote, l'un des meilleurs de l'histoire du sport en
fait. »
Häkkinen devait prendre un risque
Les dégâts sur la McLaren étaient minces et dans le tour
suivant, Mika Häkkinen a décidé de s'attaquer une nouvelle fois à
Michael Schumacher, en prenant plus de risques.
« Dans le reste du tour 40, je pouvais voir que, même si ma
dérive d'aileron avant était un peu endommagé, ma voiture avait
toujours un bon comportement, » souligne-t-il. « Je
sentais que l'entrée des Combes était le seul endroit où je pouvais
doubler Michael, mais je savais aussi que ma manœuvre devait être
très décisive, tout simplement parce que Michael n'abandonnerait
pas la tête facilement. Il l'avait déjà clairement montré. Donc,
quand nous avons débuté le tour 41, j'ai décidé de prendre un
risque. »
« C'était un gros risque, mais un risque calculé. J'allais
prendre l'Eau Rouge à fond. A cette époque, prendre l'Eau Rouge à
fond n'était pas une chose pour les timorés. C'était extrêmement
difficile, et la sanction si on se manquait était en général un
énorme accident. Pire que ça, la piste était encore humide hors de
la trajectoire, donc je savais que je devais être parfait au
millimètre, une chose pas évidente à faire dans le virage le plus
intimidant au monde, le pied au plancher, en visant la corde dans
une sortie à l'aveugle. »
L'Eau Rouge à fond
Pour prendre l'Eau Rouge sans lever le pied, Mika Häkkinen a dû
accepter de prendre un grand risque. S'il échouait, tout espoir
était perdu.
« En approchant ce fameux virage, j'étais juste derrière
Michael, » précise-t-il. « En tournant, chaque fibre de
mon être m'implorait de lever le pied. J'ai décidé de compter
jusqu'à trois, en me préparant à garder le pied planté sur la
pédale en comptant, en sachant qu'en arrivant à trois, soit
j'aurais pris l'Eau Rouge à fond, soit j'aurais fini dans les
barrières. Il n'y avait pas de demi-mesure, j'en étais sûr à
100%. »
« "Un", ai-je dit à haute voix, et la voiture a commencé à
trembler, prise d'assaut par d'énormes forces G, latérales et
frontales. Je savais que je devais me battre avec la voiture si je
voulais éviter un accident, et je serai honnête : je savais
aussi que je devais combattre ma propre peur. »
« "Deux", ai-je haleté, en regardent le volant alors que la voiture
allait dans un sens puis l'autre. Durant une fraction de seconde,
juste au milieu du virage, j'ai pensé que je n'allais pas pouvoir
pas la contrôler. La voiture était vraiment sur un fil, mais après
elle a repris l'adhérence. »
« "Trois", ai-je lâché, alors que la voiture sortait avec effroi du
virage. Encore une fois, la voiture est restée en piste. Je l'avais
fait. J'avais pris l'Eau Rouge à fond, dans une course, pas une
séance de qualifications, avec seulement une fine trajectoire
humide sur laquelle le faire. »
Zonta au centre du dépassement
C'est alors que Mika Häkkinen a pu réaliser son célèbre
dépassement sur Michael Schumacher. Les deux hommes prenaient un
tour à Ricardo Zonta, et sa présence a aidé le Finlandais.
« Devant moi, dans la ligne droite, Michael n'avait clairement
pas pris l'Eau Rouge à fond, parce que je revenais très vite sur
lui, » décrit-t-il. «En approchant des Combes, devant nous
j'ai vu la BAR-Honda de Ricardo Zonta. »
« Je me suis dit "Quel que soit le côté où Michael ira, j'irai
de l'autre". Il est allé sur la gauche, donc je suis allé sur la
droite, en freinant aussi tard que je l'osais, sur une piste encore
humide, à 300km/h (...). En tournant, je l'avais fait, j'avais
doublé Michael, j'avais repris la tête. »
Schumacher a tenté de mettre la pression sur Häkkinen, en vain:
« J'ai conservé mon calme, en murmurant "Mika, reste calme,
reste calme, reste calme", » s'amuse-t-il.
Häkkinen a finalement décroché l'un de ses plus célèbres
succès.
Schumacher reste dans un état inconnu
Les duels entre Michael Schumacher et Mika Häkkinen
appartiennent désormais à l'histoire. Cette rivalité a laissé place
à une certaine complicité. Schumacher conserve des séquelles
inconnues de son grave accident de ski et Häkkinen souhaite le
revoir sur pieds.
« Je ne prétends connaître aucun détail sur sa condition, mais
j'ai été satisfait de voir que dans une interview vidéo diffusée il
y a quelques mois, sa manager Sabine Kehm a dit que sa condition
s'améliorait lentement, » indique-t-il.
« J'espère et je prie pour que ces signes encourageants se
poursuivent. Non, il ne fera plus jamais de course, non, il
pourrait ne jamais remarcher, il pourrait ne jamais reparler,
d'après ce que je sais. Mais, de l'autre côté, il pourrait. Les
miracles se produisent parfois, et j'espère vraiment qu'un miracle
se produira pour Michael rapidement. »
« Continue à te battre, mon vieil ami. »


