IndyCar - Les secrets de Pagenaud aux 500 miles
VIDEO. Simon Pagenaud a confié à Sport Auto les secrets de sa victoire aux 500 miles d'Indianapolis, de sa préparation mentale jusqu'aux derniers tours.
« Je me sentais intouchable. » Simon Pagenaud a triomphé aux 500 miles d'Indianapolis en
mai dernier, en sortant vainqueur d'un incroyable duel avec
Alexander Ross. Le Français a construit ce succès en utilisant son
expérience des années précédentes et avec un immense travail de
préparation. Cette année, il a compris qu'il pouvait briller dès
les essais et il a signé une pole historique.
« Les 500 miles d'Indianapolis se déroulent vraiment sur deux
semaines, » expliqué Pagenaud dans une interview avec Sport Auto
(vidéo). « Nous avons deux semaines
d'essais, un week-end de qualifications puis la course. Les deux
semaines d'essais se sont tellement bien passées que nous avons
évité de trop rouler avec la voiture, pour ne pas trop utiliser le
moteur, parce qu'on doit utiliser le même moteur pour les deux
semaines. Nous savions que moins nous utilisions le moteur, plus
nous serions performants. C'est pour ça que nous savions que la
pole était possible avec notre vitesse et l'équilibre de la
voiture. »
« C'était la première pole pour un Français depuis un siècle,
100 ans. J'étais évidemment au septième ciel. Une fierté énorme
pour la France de réaliser un tel exploit. Faire la pole à
Indianapolis, cela veut dire qu'on est l'homme le plus rapide du
monde. C'est égocentrique, très franchement, mais pour un pilote
c'est très important. J'étais très très fier, très fier pour le
Team Penske évidemment. Ils avaient fait un boulot fantastique pour
me donner l'auto. »
Une course tournée vers l'attaque
Le plus dur restait à faire. Plus aucun poleman n'avait gagné à
Indianapolis depuis 2009 et la course est souvent riche en
rebondissements. Pour préparer la course, Simon Pagenaud a pris en
compte le risque de pluie et ses échecs passés dans cette épreuve,
et il est arrivé à la conclusion qu'il devait faire une course
d'attaque, en restant en tête.
« Pour la course, c'est simple, »
explique-t-il. « La stratégie, nous l'avons faite en
fonction des éditions précédentes. Nous avons regardé la météo. Ils
annonçaient de la pluie au 130ème tour. La course fait 200 tours.
Au 100ème tour, s'il pleut, ils peuvent arrêter de la course : 50%
de distance, c'est le nécessaire pour la victoire. »
« En 2015 j'aurais dû gagner la course. J'ai joué le jeu de
l'économie d'essence. J'ai joué le jeu de la
sécurité. Malheureusement, en faisant ça, je suis tombé dans
un mauvais rythme et j'ai cassé mon aileron sur un dépassement
bête. Je ne voulais pas retomber dans les mêmes défauts. En 2018,
je pense que j'aurais pu gagner la course si j'avais été dans une
meilleure position au moment de ravitailler. »
« J'ai voulu prendre les rênes. J'ai voulu faire une course
d'attaque. J'ai négocié avec mes stratèges pour les mettre dans la
même dynamique. Je leur ai demandé de me suivre. J'ai dit "Ecoutez,
je veux faire une course d'attaque aujourd'hui, je veux prendre les
rênes, je veux imposer mon rythme, les autres nous suivrons". Ils
ont dit "Ok". Je leur ai expliqué pourquoi, ils m'ont dit "Pas de
problème, c'est toi qui gère". »
« Donc je suis parti au taquet (rires) ! La voiture était
géniale. J'étais à la limite devant. Ce n'était pas si simple. Cela
paraissait simple, mais la voiture était réglée pour rouler dans le
trafic en fait. Jusqu'au 100ème tour, j'étais devant et j'ai mené.
»
Changement de plan
Simon Pagenaud a pourtant dû changer de stratégie. « A
un moment donné, il y a eu un problème, » précise-t-il. En
étant en tête, il consommait plus de carburant qu'Alexander Rossi,
ce qui pouvait lui nuire en fin de course. « Par radio, on m'a
dit "Ecoute Simon, nous n'allons pas gagner". J'ai dit "Pardon ?"
Il m'a dit "Tu consommes trop d'essence, la course est en train de
virer vers Rossi". Aux essais, je m'étais rendu compte que Rossi
était le rival principal. Quand ils m'ont dit ça, j'ai compris
qu'il fallait changer de stratégie. »
Il a donc volontairement laissé la tête Josef Newgarden et c'est là
qu'il a vu que la victoire était possible : « Je me suis
abrité derrière Newgarden, mon coéquipier. J'ai coupé les turbos,
j'ai dégradé le moteur en puissance, au maximum, mais la voiture
était tellement bonne que je me suis rendu compte à ce moment là
que j'avais la voiture pour gagner et que je devais saisir le
moment. »
« Les étoiles se sont alignées. Les drapeaux jaunes sont
tombés aux bons moments. Les arrêts aux stands ont été tellement
parfaits que nous avons eu les meilleurs arrêts aux stands durant
toute la course. Sur les huit arrêts, nous avons eu les huit
meilleurs. Tout était parfait. Je pense que c'était ma journée,
tout simplement. »
Pagenaud a repris l'avantage sur Newgarden avant la dernière série
d'arrêts. En fin de course, il a plusieurs fois échangé la première
place Alexander Rossi. Il l'a finalement doublé juste avant
d'entamer le dernier tour, et il a su le contenir jusqu'à l'arrivée
(vidéo).
« Sur les 15 derniers tours, au moment de la relance, c'est là
qu'il a fallu utiliser un petit peu l'expérience, la tête, et
l'attaque, » détaille Pagenaud. « J'ai essayé d'étudier
un maximum ce que pouvait faire Rossi dans mon sillage. il m'a
dépassé à trois tours de l'arrivée, ce qui était parfait pour
gagner la course. J'ai utilisé la dernière carte que j'avais dans
mon jeu, dans la dernière ligne droite, en cassant l'aspiration
comme peuvent le faire les pilotes de NASCAR ou les sprinters en
vélo. C'est ainsi que nous avons pu remporter la
victoire. »
« Un niveau de concentration extrême »
Simon Pagenaud a construit sa course à sa guise, sans défaillir
dans des derniers tours très intenses. Il a atteint un niveau de
concentration qu'il n'avait jamais connu, grâce à un long travail
de préparation mentale.
« Dans ma carrière, je me suis vite rendu compte que le mental
avait une part primordiale dans la performance, »
explique-t-il. « Très honnêtement, c'est mon cerveau qui
décide ce que font mes pieds et mes bras. J'ai vite compris qu'il
allait falloir travailler le mental. Je médite énormément. Cela me
permet d'atteindre un niveau de sérénité très élevé, de me
concentrer à des niveaux que je souhaite atteindre. J'ai également
un coach qui m'aide au niveau mental, pour diriger mon attention
sur ce que je souhaite au moment où je le veux. C'est plus facile à
dire qu'à faire. Cela nécessite une grosse discipline, mais cela
fait partie de la préparation. »
« J'étudie énormément. Je suis un gros travailler sur les
images, les vidéos. Je revois toutes les courses. J'ai en visionné
des centaines et des centaines. »
« J'avais un peu préparé une fin de course un peu comme
celle-ci. Donc pour moi, cela s'est déroulé comme je l'avais
imaginé. Dans les derniers tours, j'étais très serein, parce que je
n'ai jamais douté. J'étais totalement en contrôle. Je dois dire que
j'ai atteint un niveau de concentration que je n'avais jamais
atteint auparavant. Je me sentais intouchable, sans faire
n'importe quoi. Tout se déroulait à merveille. »
« Les étoiles étaient alignées mais j'ai réussi à atteindre un
niveau de concentration extrême, et en plus j'ai su le tenir sur la
longueur. Pour moi, cette course, c'est la plus grande
satisfaction, non pas pour la victoire mais pour ma performance
personnelle. Le but, ça va être de répliquer ça. »
Propos recueillis par Agnès Lasbarrères.


