Supertest Alpine A110 (2018) : à l'ancienne !

Le temps ne semble pas avoir de prise sur l'A110. Celle des années 60-70 brillait davantage en rallye que sur circuit. Sa descendance rectifie-t-elle le tir ?
C'était dans le cahier des charges : produire un coupé facile
d'accès, mais qui n'oublie pas le plaisir de conduire. Comprendre :
une auto à bord de laquelle le flot d'émotions ne se tarit pas. Si
l'on s'en tient à cette exigence, Alpine a parfaitement réussi son
coup. L'A110 est-elle la plus rigoureuse de ce segment ? Non. La
plus performante ? Non plus. La moins chère ? Loin de là. La
mieux finie ? Absolument pas.
Pourtant, la française fait plus que réussir son retour : elle
s'impose comme le petit coupé sportif le plus sympa à conduire.
Après, le tout est de savoir si une auto qui fait rire est
recommandable pour une utilisation quotidienne. Première bonne
nouvelle : malgré ses surfaces vitrées restreintes, l'Alpine
n'effraiera pas les claustrophobes. Même les grands y logent sans
contorsions, mais l'absence de réglage du dossier (les baquets sont
monocoque) oblige à revoir sa position habituelle. En cela, elle se
démarque totalement de sa grand-mère homonyme.
Le design du poste de conduite ne ressemble pas à celui d'une
Renault, mais comme il en emprunte certaines commandes, on n'est
clairement pas à bord d'une Porsche Cayman. Plastiques durs,
Commodo que l'on croyait abandonnés depuis l'interdiction de la
calèche dans les rues françaises, ajustements bôf : heureusement
que la position de conduite est parfaite pour redorer un peu son
blason. Car si l'on s'en tient strictement au prix de cette
Première Edition (58.500€), de tels défauts sont impardonnables,
d'autant plus que, même si la vocation de l'Alpine n'est évidemment
pas familiale, ses deux coffres sont bien moins pratiques que ceux
du Cayman. Mais l'A110 a bien d'autres qualités qui font
oublier ces griefs.
Bonne à tout faire
En optant volontairement pour une suspension douce, l'A110 se
montre très conciliante sur les longs trajets. S'il n'y avait ce
souci de chargement, elle serait même idéale pour partir en
week-end. Ni trop basse pour scalper les ralentisseurs, ni trop
large pour risquer de limer les jantes sur les rebords des
parkings, ni trop contraignante pour avoir à se contorsionner aux
péages. Bref, elle est bonne à tout faire.
Surtout à jouer ! L'A110 est marrante, à condition d'y mettre les
formes. Primo, activer le mode Track, obtenu après une pression de
trois secondes sur le bouton... Sport. Ce dernier influe sur
l'assistance de la direction, la sonorité, la réponse moteur, la
célérité de la boîte à double embrayage. En Track déjà, l'Alpine se
montre plaisante sur le steering pad de Mortefontaine. Un lever de
pied et hop, l'arrière embarque. L'électronique veille suffisamment
au grain pour ne pas terminer en tête-à-queue, mais le
contrebraquage est fortement conseillé. Il devient indispensable
par la suite. En Off, l'A110 se conduit à l'ancienne. Transferts de
charge, le nez reste à la corde, l'arrière veut passer devant et
c'est parti pour prendre le virage comme à la belle époque du
Monte-Carlo. Si elle est facile d'accès, téléphone beaucoup et se
montre équilibrée, attention néanmoins à ne pas trop en faire. Mais
pour l'instant, c'est l'heure des mesures.
Et les premiers essais ne sont guère concluants, la faute à une
procédure de launch control très capricieuse. L'anneau mettant en
défaillance l'ESP (comme d'ailleurs pour toutes les autos qui s'y
dégourdissent les roues), le départ optimisé est refusé par
l'ordinateur de bord. Alors, on part comme on peut. 4''7 pour taper
100 km/h : ce n'est pas si mal, Alpine annonçant deux dixièmes de
moins. Le mille est l'affaire de 23''4, soit exactement le temps
d'une Alfa Romeo 4C, l'une des principales concurrentes. Le son
émis par le 1,8 litre Renault est d'ailleurs très proche de celui
de l'italienne. Du couple très tôt, un bruit rauque, un bloc très
linéaire : la mécanique ne prend pas aux tripes mais fait le job.
Qu'attendre de plus d'un modeste 4 cylindres prévu pour déplacer
des compactes ?
Coup de bol, en milieu d'après-midi, le message d'erreur a
disparu. Le launch control est autorisé, l'A110 s'élance fissa
et... 4''8 et 23''6. No comment ... D'autant que nous n'aurons
eu droit qu'à une seule tentative, l'électronique se mettant de
nouveau en branle au moment de s'élancer pour le second run.
Plongée, roulis et... souris !
L'arrivée au Mans est assez paradoxale. On ne cache pas une certaine fierté de ramener un coupé sportif français dans ce haut lieu de l'automobile. Mais on prévient aussi notre pilote que mouvements de caisse importants et performances tout juste correctes ne devraient pas permettre à la belle bleue de figurer dans le haut du panier. « Peut-être, mais ils l'ont quand même vachement réussie », assène-t-il. Dès son premier tour lancé, Christophe avoue s'être fait peur. « Elle est partie brutalement de l'arrière à la courbe Dunlop, et je ne suis pas passé loin de la correctionnelle ! »
Nous qui jugions l'A110 prévenante et progressive... « A allure
raisonnable, peut-être, mais à haute vitesse, mieux vaut être très
attentif. » Plongée sur la Chapelle : ce freinage n'a jamais aussi
bien porté son nom. L'Alpine pioche de l'avant, se couche ensuite
sur son flanc gauche et réclame de la patience, entre un
sous-virage marqué à l'accélération et un arrière très vif sur les
freins. Puis vient le Musée, où la glisse est tellement naturelle
qu'il est difficile de ne pas y succomber. En sortie, c'est la
moquette verte au-delà du vibreur qui semble attirer la française.
La suspension manque de fermeté, c'est indéniable. Cela représente
un vrai plus pour une utilisation quotidienne, mais un problème
pour qui prétend venir tailler des croupières aux GT lors des
sorties circuit. Surtout que les Michelin Pilot Sport 4 (pas S)
n'offrent pas une accroche en latéral au-dessus de tout reproche.
Mais ne tirons pas sur la firme de Dieppe, car tous ces griefs,
l'usine les a délibérément souhaités.
Rappelons-le : le but de l'A110 est de renouer avec le plaisir de
conduire, quitte à faire l'impasse sur l'efficacité pure. Ceux qui
la recherchent se tourneront vers un Cayman PDK, qui se paye en
prime le luxe d'être moins cher que l'A110 (hors options,
évidemment). Pardon ? Oui, même si l'Alpine serait plus
performante que l'allemande (nous n'avons pas pu mesurer un Cayman
de base), son positionnement tarifaire a de quoi faire tiquer.
Le poids, cet ennemi
Même si notre modèle d'essai est légèrement plus lourd que prévu
(1 110 kg au lieu de 1 103), qu'il est agréable de prendre place à
bord d'une auto qui virevolte ! Outre le plaisir au volant,
l'intérêt réside également dans les freinages. La distance d'arrêt
est pourtant très médiocre (146 m), voire mauvaise pour une auto de
ce gabarit.
Tempérons en précisant qu'une 4C fait à peine mieux (144 m) et
qu'il n'y a bien que l'Elise, dans sa configuration Cup Racer, qui
tire son épingle du jeu (138 m). Mais si notre radar n'est pas
tendre avec l'Alpine, le ressenti sur circuit est bon. « La pédale
devient un peu dure après quelques tours, mais je ne me retrouve
pas au plancher », renchérit Christophe. Précise et dense, la
direction colle parfaitement à l'image de l'auto. On est loin des
coups de hache générés par le moindre raccord dans une 4C.
L'assistance électrique a le bon goût de ne pas devenir trop lourde
en Sport ou Track. Bien vu de la part d'Alpine, qui évite de tomber
dans ce travers. Reste que, à titre personnel, je trouve le guidage
de l'Elise plus consistant et informatif.
Après le double droit du Garage-Vert, on écrase sans
arrière-pensée. Le rupteur intervient à 6 850 tr/mn, mais le
1,8 litre manque de souffle après 5 800 tr/mn, comme en témoigne
notre passage sur le banc de puissance. Le couple étant constant de
2 500 à 5 000 tr/mn, on peut même s'autoriser une erreur de rapport
en sortie de virage sans que le chrono en pâtisse trop.
Arrive le virage du Musée, où la glisse est tellement naturelle
qu'il est difficile de ne pas y succomber ! Au final, que penser de
cette excursion sur le Bugatti ? L'Alpine devance sa rivale de chez
Alfa (1'57''20), fait le même temps qu'une F-Type R mais se
retrouve à près de 3'' d'un 718 Cayman S de 350 ch mais au rapport
poids/puissance similaire (4,1 kg/ch, contre 4,4 pour l'Alpine).
L'A110 est une réussite, c'est indéniable, et son comportement fun
et équilibré la prédestine à tout amateur, avisé ou non. Mais ceux
qui cherchent à battre le chrono devront se tourner vers la
préparation pour raidir la suspension et optimiser le
moteur. Ou attendre la version Sport, qui est en phase de
validation...
L'avis de Sport Auto
L' A110 a bien des défauts pour aller vite sur circuit, mais sa conduite suffit à les faire oublier. On aime sa gueule, son feeling, sa suspension digne d'un vraie GT. Cela faisait bien des années que l'industrie française n'avait rendu une copie aussi réussie.
Fiche technique
> Moteur : 4 cyl. en ligne, 252 ch à 6 000 tr/mn (Puissance
mesurée 273 ch à 5 850 tr/mn), 32,6 mkg à 2 000 tr/mn
> Transmission : roues arrière avec autobloquant, 7 rapports
automatique
> Poids constructeur/contrôlé : 1 103/1 110 kg
> Dimensions : L - l - h : 4 180 - 1 798 - 1 252 mm -
Empattement : 2 420 mm - Voies AV/AR : 1 556 - 1 553 mm
> Pneumatiques : 205/40 & 235/40 R 18
> Performances mesurées : 0 à 100 km/h en 4''7, 1 000 m
D.A. en 23''4, 243 km/h
> Prix de base/modèle essayé : 54 700 €/58 500 €
Photo : Laurent Villaron / Sport Auto


