Enquête : Team Manager en F1, un métier à risque...
Patron d’écurie en Formule 1, voilà un boulot plutôt dangereux, si on se retourne sur ces dernières années. Certes, ce n’est pas aussi risqué que d’être manager d’une équipe de foot de la Premier League. Mais parmi les 10 Team Managers actuels en F1, huit d’entre eux sont en poste depuis moins de trois ans. C’est quand même le signe d’une certaine fébrilité...
Christian Horner est aujourd’hui le plus ancien des patrons
d’écurie en F1, après 19 ans à la tête de Red Bull Racing, tandis
que Toto Wolff est en charge de Mercedes depuis 2013.
Il est étonnant de constater que, en termes d’ancienneté, le
troisième sur la liste est actuellement Mike Krack, d’Aston Martin,
qui a pris ses fonctions en janvier 2022. Les sept autres ont tous
été nommés depuis.
En fait, Bruno Famin et Otmar Szafnauer devraient être ajoutés à
cette liste, car Otmar a rejoint Alpine en février 2022 et est
parti en août 2023, tandis que Bruno Famin l’a remplacé mais est
parti après seulement 12 mois.
Depuis Krack, nous avons vu arriver Fred Vasseur (Ferrari) et
Andrea Stella (McLaren) en décembre 2022, James Vowles (Williams)
en février 2023, Ayao Komatsu (Haas) en janvier 2024, Laurent
Mekies (VCA Racing Bulls) en février 2024 et plus récemment Oliver
Oakes (Alpine) et Jonathan Wheatley (Sauber) en août.
Il existe peut-être des universités qui proposent des masters en
gestion du sport automobile. Mais à ce jour, aucun directeur
d’équipe de Formule 1 n’est diplômé d’une
telle formation. Ce qui rend quelqu’un bon dans ce travail, c’est
sa capacité à laisser les gens réaliser la tâche pour laquelle ils
ont été engagés.
Les directeurs d’équipe qui réussissent sont rarement des
micro-managers. Ils doivent avoir une bonne compréhension des
problèmes d’ingénierie, de marketing et de finance, mais ils
doivent avant tout être capables d’orienter les gens vers la
performance.
Ils doivent être capables de motiver, de faire confiance, d’être
des leaders tout en faisant preuve d’empathie. Il y a quelques
années, un directeur de l’écurie Williams disait que si l’équipe se
trouvait au bord d’une falaise et qu’il criait : « Par ici, les
gars », il n’y aurait pas de problème.
Face aux actionnaires
En général, ceux qui sont nommés à ce poste ont appris à faire
de la compétition automobile grâce à leur expérience pratique, mais
cela ne suffit pas toujours. Très souvent, le plus gros problème
d’un directeur d’équipe n’est pas lié à l’équipe elle-même, mais
plutôt au fait qu’il doit faire face aux caprices de propriétaires
milliardaires ou de capitaines d’industrie, qui pensent savoir
comment les choses doivent être faites.
Souvent, un directeur d’équipe a les mains liées parce qu’il
n’obtient pas les ressources dont il a besoin. Le facteur temps est
toujours un élément important, car les propriétaires comprennent
rarement les délais nécessaires pour faire avancer les choses dans
l’environnement de la F1 et ne sont pas, par nature, des personnes
patientes.
L’embauche de nouveaux ingénieurs, par exemple, est une grosse
difficulté parce que beaucoup d’entre eux sont liés par des clauses
de non-concurrence, ce qui signifie qu’ils doivent attendre un an
ou plus avant de pouvoir commencer un nouvel emploi.
Ce n’est pas facile. Il arrive aussi que les propriétaires
embauchent des personnes sans demander au directeur de l’équipe si
c’est une bonne idée. Certaines équipes sont en proie à la
politique, et des factions peuvent désirer des choses différentes
et se battre les unes contre les autres.
On peut dire que tout le projet Alpine F1 a été gâché par le patron
de Renault Group Luca de Meo, ce qui est en partie vrai, mais
on peut aussi affirmer que l’arrêt du programme de moteurs de F1
revient simplement à accepter la réalité, à savoir que la
combinaison anglo-française ne fonctionne pas.
Cela s’est même vérifié dans la lettre des employés soutenant que
le projet de se séparer de Viry-Châtillon devrait être abandonné,
sur la base du fait que le moteur ne représente que 20 % du
problème. Cela a fait rire dans les locaux anglais de l’écurie, où
l’on estime que le pourcentage devrait être inversé.
Peut-être M. de Meo a-t-il raison de tout arrêter pour économiser
de l’argent. Après tout, son travail consiste à assurer le succès
de Renault, et non à gagner des courses de F1. Nous verrons si
Renault se défera finalement d’Alpine F1 auprès de quelqu’un
d’autre.
Mais ce serait plus logique que de promouvoir les Alpine de route
avec comme argument de vente des monoplaces propulsées par des
moteurs Mercedes – si un accord peut effectivement être conclu avec
la firme allemande en Formule 1.
Version multilingue en option
Les équipes de F1 courent sous de nombreux drapeaux différents.
Alpine est française (officiellement), mais si vous arrivez à
Enstone, où est conçu le châssis, en ne parlant que le français,
vous risquez d’avoir du mal à vous faire comprendre.
Le nouveau Team Manager Oliver Oakes n’a qu’une connaissance
élémentaire du français. Haas court sous le drapeau américain pour
que les propriétaires puissent être (vaguement) compris par les
ouvriers. Red Bull est autrichien, mais si l’un d’entre eux se
présente à Milton Keynes en ne parlant que l’allemand, il va avoir
des problèmes.
De même, la langue prédominante chez Mercedes-AMG Petronas est
l’anglais. Toutes les équipes basées en Grande-Bretagne sont en
grande partie composées de Britanniques, une nation qui n’est pas
réputée pour ses compétences linguistiques.
Dans le même temps, les trois équipes qui arborent l’Union Jack ne
sont pas détenues par des Britanniques. Aston Martin est contrôlée
par un Canadien, McLaren par des Bahreïnis et personne ne sait
vraiment qui est derrière l’équipe Williams, qui se présente comme
britannique mais appartient à une société enregistrée dans les îles
Marshall, un groupe d’îles du Pacifique que très peu de gens en F1
pourraient même trouver sur une carte.
La plupart des équipes de F1 utilisent l’anglais pour communiquer,
mais chez Ferrari, l’italien est encore
largement parlé par les collaborateurs. Le directeur d’équipe, le
Français Fred Vasseur, ne le parle pas.
C’est étrange, mais pas moins que la situation chez Sauber où
Jonathan Wheatley, le nouveau directeur de l’équipe, ne parle pas
un mot d’allemand, même s’il essaiera sans doute d’en apprendre un
peu avant d’entrer en fonction l’année prochaine. Jonathan est un
bon gars et il fait très bien son travail, mais essayer de diriger
un groupe de Suisses allemands risque pour lui d’être un sacré défi
!
Retrouvez notre enquête sur la valse des Team Managers en F1 dans le Sport Auto n°753 du 01/09/2024.


