Retour aux sources - Venturi 260 Transcup (1992) : une histoire d'air...
Voici 40 ans, Venturi prenait son envol. Dans la lignée de modèles, la Transcup offrait le plein air et fut peut-être la plus proche d’élargir l’envergure de la marque. Elle invite Sport Auto à quelques tours de piste en oubliant le trou d’air final.
Nous ne pouvions pas mieux tomber. Notre Venturi Transcup appartient à l’animateur de l’amicale Jean-Baptiste Salis, à l’aéro-club de Cerny-La Ferté-Alais, paradis des avions de collection.
De quoi se donner une certaine hauteur de vue et illustrer combien l’aérodynamique comptait pour Gérard Godfroy et Claude Poiraud quand ils ont commencé à rêver de faire leur propre voiture.
Ils l’ont baptisée « Venturi », pour l’aventure qui s’annonçait et pour souligner cet aspect de leur travail (un venturi, c’est l’effet d’accélération des filets d’air soumis à un rétrécissement, la base notamment de l’effet de sol).
Filer dans l’air
Il ne faut pas rouler longuement pour comprendre le premier secret du charme Venturi : le volant obéit à chaque geste, tout de suite et précisément, sans flou autour du point milieu, et amène le nez à l’intérieur du virage sans oscillation ni lourdeur, comme sur les Lotus contemporaines.
La Venturi est une danseuse de corde, presque aussi fine qu’une Elise, mieux qu’une Esprit. Enveloppé d’un confort de suspension surprenant et jamais démenti, le conducteur jouit d’une sportivité sans brutalité, toujours présente, toujours jouissive, dont il aura du mal à se passer en reprenant son déplaçoir.
Saint-Christophe m’a préservé assez longtemps pour que je puisse retrouver en essai « rétro » des autos que j’ai conduites neuves à leur sortie ! S’agissant de Venturi, j’ai vraiment connu la marque toute petite et même quand elle s’appelait encore « MVS », pour « Manufacture de Voitures de Sport ».
J’allais tourner le dimanche autour de l’usine en construction à Cholet, où j’enseignais en 1986-1987. Je passai bientôt chez Sport Auto, sous le règne éclairé des rédac chefs Thierry Soave puis Alain Bernardet, où nous mettions un point d’honneur à accompagner la jeune marque dans tous ses développements et à souligner, à chaque essai et sans nous forcer, la qualité de fabrication et le plaisir de conduite.
Mais la Transcup m’avait échappé. J’ai donc gardé pour moi trente ans durant ma question principale : perdait-elle en rigidité, en précision de guidage, en légèreté, en vivacité ?
Peut-être un brin, il faudrait comparer en sautant directement d’une voiture à l’autre, mais tous ces postes s’inscrivent toujours nettement dans la colonne des qualités comme en témoigne cet exemplaire idéalement préservé (la septième des dix-sept Transcup 260 fabriquées).
Les « défauts » sont toujours visibles aussi : le levier de vitesses offre des débattements courts, mais la boîte, pas si rapide, reste rugueuse. Et l’aérienne légèreté se paie un peu par une sensation d’assise au sol pas si ferme. Il faut s’y (re)faire.
Je me souviens qu’en 1994, en mesurant la vitesse maxi de la 260 LM sur autoroute – 270 km/h –, on n’avait pas tellement envie de tripoter en même temps l’autoradio ; les deux mains étaient très bien sur le volant.
A la même époque, une Ferrari ou une Lotus Esprit, les concurrentes à moteur central, étaient plus imperturbables. Le V6 PRV, revu pour Venturi chez Danielsson, surprend par sa courbe peu lissée ; les chevaux se font un peu attendre puis débarquent au-dessus de 3 000 tr/mn, avec une belle vigueur.
Ce caractère pousse à rythmer la conduite, accompagné des sifflements de la wastegate à chaque lever de pied. Sportif, présent, vivant.
Air, allure, prestance
Gérard Godfroy, qui a longtemps travaillé chez Peugeot (il n’est pas pour rien dans la plus belle réussite maison, la 205) puis chez Heuliez, fait partie de ces stylistes sobres et discrets pour qui les proportions, l’équilibre des lignes comptent davantage que les trouvailles d’ornementation.
En cela, il est bien de son temps et plus du tout du nôtre, où les voitures, devenues énormes, offrent de vastes panneaux à la « créativité » de ceux qui les sculptent, les adornent de plis enchevêtrés, de méplats sans cesse interrompus d’une arête, de fausses prises d’air et d’envahissants ajouts supposés aérodynamiques…
La Venturi, elle, attire l’œil par sa simplicité, presque sa nudité. Garée au pied d’un Toyota C-HR ou d’un Nissan Juke, elle semble une sylphide au pays des Transformers. Plus exclusive encore que le coupé, la version cabriolet est apparue dès 1988.
L’implantation du V6, plutôt haut, a posé nombre de soucis, mais c’est finalement pour un bien. En écartant le système habituel de la capote pliable (il n’y avait pas la place de l’escamoter !), Godfroy arrive à la solution de cette lunette arrière rigide qui s’efface totalement.
L’air du temps
En position ouverte, elle s’allonge dans le prolongement du capot. Quand on la ferme, elle vient pincer deux demi-toits en polyester, comme ceux que l’on connaissait déjà sur la Corvette mais associés à une partie arrière rigide.
« Je trouvais aussi qu’il était intéressant d’avoir un cabriolet sans toile, donc sans vieillissement ni problème de vol », se souvient Gérard Godfroy. Résultat, trois voitures en une. Un coupé rigide réellement fermé et verrouillé, un Targa si on laisse la vitre arrière dressée, et enfin un véritable cabriolet, d’ailleurs très élégant.
Aucune autre voiture ne répond alors à ce challenge. Rappelons que la Mercedes SLK, qui va relancer la mode des cabriolets à hard-top pliant embarqué (dont Mercedes avait sous-traité la conception à Porsche), ne naîtra que huit ans plus tard !
Et le coffre est préservé. Bon, il est tout petit et plutôt chaud, mais pas plus que celui du coupé. Quant aux panneaux mobiles, ils se rangent à l’avant, au-dessus de la roue galette.
La rareté, l’exclusivité, la qualité, tout cela se paie généralement fort cher. Mais les Venturi ont échappé jusqu’ici aux envolées spéculatives. Et les prix, même s’ils montent régulièrement, paraissent bien raisonnables en ces temps de démesure qui laissent cloués au sol bien des passionnés peu nantis.
On peut s’offrir une Transcup pour 80 000 €, voire 70 000 €, c’est-à-dire pas loin du prix du malus sur un cabriolet sport actuel ! Et c’est même bien moins avec le moteur 210 ch. Attrapez-la avant qu’elle ne s’envole !
Ce qu’en disait Sport Auto en 1989
"Sans chauvinisme outrancier, la Venturi offre un faisceau de qualités à proprement parler introuvable ailleurs. (…) Je ne connais guère d’autre engin susceptible d’une telle alliance entre douceur et rigueur, à tous les niveaux. Facile à conduire, elle reste facile à piloter, en sauvegardant toujours un niveau de confort exceptionnel. (…) Que lui manque-t-il d’autre, dès lors, qu’une réputation ?" (Sport Auto n°332. de Septembre 1989 par Didier Ganneau)
Ce qu’en dit Sport Auto en 2025
"A bord d’une Venturi, vous conduisez toujours un peu un prototype. Née dans l’artisanat, conçue pour la moyenne série, restée extrêmement rare, elle offre ce privilège d’une expérience exclusive. La plupart des gens que vous rencontrez sont curieux de savoir ce qu’elle vaut vraiment à la conduite et comme il n’y a aucune déception sur ce plan, le plaisir de l’heureux propriétaire est entier."
Venturi 260 Transcup (1992) : fiche technique
- Années de production : 1986-1995
- Exemplaires produits : 65
- Moteur : V6, turbo, 24 S
- Cylindrée : 2 849 cm3
- Puissance maxi : 260 ch à 5 750 tr/mn
- Couple maxi : 44 mkg à 2 000 tr/mn
- Transmission : roues AR, 5 rapports manuels
- Suspension AV/AR : triangles de suspension indépendants, ressorts hélicoïdaux sur amortisseurs télescopiques, barre antiroulis
- Freins AV/AR : disques ventils
- Poids annoncé : 1 275 kg
- L - l - h : 4 090 - 1 700 - 1 170 mm
- Empattement : 2 400 mm
- Pneus AV & AR : 205/55 & 245/45 ZR 16
- Prix à l’époque : 595 000 francs (150 000 €)
- Cote actuelle : environ 75 000 €
- V. max. : 270 km/h
- 0 à 100 km/h : 5’’3
- 1 000 m D.A. : 25’’2
Retrouvez notre reportage sur la Venturi 260 Transcup (1992) dans le Sport Auto n°756 du 27/12/2025.